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Date de mise à jour 14/05/2017

Prurit de l’enfant

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E. Bourrat1, J. Tencer2

1Service de Pédiatrie générale, Hôpital Robert Debré, 48 boulevard Sérurier, 75935 Paris Cedex 19
2Service de Neurologie, Hôpital Robert Debré, 48 boulevard Sérurier, 75935 Paris Cedex 19
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : emmanuelle.bourrat@rdb.aphp.fr (E. Bourrat)
 

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Arbre diagnostique – Commentaires

La sensation de prurit existe à tout âge, en particulier chez le jeune nourrisson chez qui elle se traduit par une agitation, des mouvements de frottement quand l’enfant est sur le dos, des difficultés de sommeil. L’exploration d’un prurit passe obligatoirement par l’identification de la lésion élémentaire (absente, présente spécifique, présente non spécifique = lésions de grattage) et l’analyse de la topographie (diffuse ou localisée).

(1) Le nickel, bien qu’interdit par la CEE dans tous les objets en contact avec la peau ou les muqueuses, reste une cause fréquente d’eczéma de contact : boucles d’oreille sur les lobes, bouton du pantalon sur le ventre et téléphone portable sur la joue.

(2) Tout prurit du cuir chevelu et/ou de la nuque doit faire rechercher minutieusement des lentes vivantes : grises, globuleuses, à moins de 1 cm du cuir chevelu, elles sont parfois peu nombreuses mais toujours plus faciles à trouver que les poux.

(3) Le prurigo vaccinal est une entité qui doit être connue des pédiatres car il est non rare, le diagnostic clinique est très facile avec une sémiologie et une topographie stéréotypée : il traduit probablement une allergie à l’aluminium (patch test positif), survient chez le NRS précocement après le début du programme vaccinal sous forme d’un placard fixe, prurigineux (toujours), excorié (souvent) et pileux (très évocateur). Le traitement symptomatique (dermocorticoïde, tacrolimus topique) est peu efficace mais l’évolution est toujours spontanément favorable avec l’âge et il n’y a pas de contre-indication à la poursuite du calendrier vaccinal.

(4) Il s’agit d’une impasse parasitaire (ténia du chien) durant laquelle la larve, ne pouvant réaliser son cycle habituel, erre dans la peau autour du point de pénétration avant de mourir en quelques semaines. Durant un séjour en pays tropical, le plus souvent après la fréquentation de plages souillées par des déjections animales, apparaît avec un délai d’incubation très variable un sillon sous-cutané serpigineux, progressant de plusieurs centimètres par jour, qui correspond au déplacement de la larve à partir de son lieu de pénétration sous-cutané : fesses, pieds, dos.

(5) Le lichen scléro-atrophique vulvaire est une pathologie non rare de la fille prépubère. Le prurit vulvaire est constant, à l’origine de lésions de grattage (purpura, ulcérations…) qui peuvent orienter à tort vers une maltraitance sexuelle. La confirmation clinique, parfois histologique, ainsi qu’une prise en charge au long cours doivent être confiées au dermatologue.

(6) L’oxyurose est une cause fréquente de prurit anal +/– vulvaire, à recrudescence nocturne, familial ; le diagnostic est souvent cliniquement évident (peu ou pas de signes cutanéo-muqueux, parasites visibles), en cas de doute, un scotch test peut être proposé.

(7) La première cause de prurit récidivant chez l’enfant est la dermatite atopique et ses équivalents (xérose, ichtyose vulgaire, poussée d’eczéma, eczéma prurigo). Les émollients ne sont pas antiprurigineux, c’est particulièrement vrai dans la dermatite atopique : ils améliorent l’inconfort lié à la xérose mais n’ont aucune efficacité sur le prurit lié à la poussée inflammatoire d’eczéma dont le seul traitement est un anti-inflammatoire topique : un enfant atopique qui se gratte doit être traité par dermocorticoïde en première intention. Les antihistaminiques ne sont efficaces que dans le prurit en rapport avec une histamino-libération excessive et donc presque exclusivement dans l’urticaire. Ils ne sont pas efficaces dans les autres causes de prurit (en particulier chez l’atopique : cf. conférence de consensus) et n’ont d’ailleurs pas d’AMM hors indication urticaire.

(8) Devant un prurit sans lésions cutanées typiques de gale, il n’est pas recommandé de faire un traitement antiscabieux d’épreuve qui est :

  • contraignant : tous les membres de la famille, y compris les sujets asymptomatiques vivant sous le même toit doivent être traités à J1 et J8 parallèlement aux mesures de désinfection ;

  • irritant : avec aggravation du prurit si celui-ci n’est pas en rapport avec une scabiose.

En cas de doute sur une gale, examiner les parents et la fratrie (ne pas se contenter d’un interrogatoire souvent non contributif).

Si doute persistant, deux possibilités :

  • examen dermoscopique pour visualiser les sarcoptes (par un dermatologue) ou prélèvement parasitologique dans un laboratoire de référence ;

  • attente de l’installation des signes spécifiques ou du prurit familial : la gale classique (non hyperkératosique) n’est jamais une urgence pédiatrique !

Attention aux formes dissociées ou localisées chez le nourrisson : nodules du haut du dos, croûtes sur le visage et le cuir chevelu, lésions eczématiformes du tronc, pseudo-dyshidrose (vésicules) des mains et des pieds.

(9) Causes hématologiques de prurit sine materia :

  • malignes : lymphome hodgkinien et non hodgkinien, prurit nocturne débutant aux jambes ;

  • bénignes : carence en fer.

(10) Causes hépatiques de prurit sine materia : localisation palmo-plantaire évocatrice. Le prurit est plus souvent associé à la cholestase, parfois anictérique (intérêt du dosage des acides biliaires totaux), qu’à la cytolyse. Ce prurit peut être extrêmement invalidant dans certaines pathologies congénitales : syndrome d’Alagille, cholestase intra-hépatique progressive familiale.

(11) Causes néphrologiques de prurit sine materia : insuffisance rénale terminale, hémodialysé chronique ; il s’agit de prurits multifactoriels souvent très difficiles à contrôler.

(12) Causes endocrinologiques de prurit sine materia : le prurit est une complication souvent tardive du diabète insulino-dépendant ou de l’hypothyroïdie, il est par contre parfois révélateur d’une hyperthyroïdie.

(13) Dans un contexte épidémiologique concordant, un prurit isolé (urticaire inconstante) peut faire évoquer une des parasitoses suivantes : helminthiase intestinale, trichinose, onchocercose, loase, trypanosomiase africaine, hydatidose fissuraire ou bilharziose en phase d’infestation. L’hyperéosinophilie, surtout si > 1 000 éléments/mm3, est un argument en faveur d’une parasitose mais elle existe aussi chez l’atopique et en cas de prurit chronique quelle que soit sa cause (valeur alors souvent < 1 000 éléments/mm3).

(14) Le prurit psychogène est exceptionnel (voire inexistant) chez l’enfant. Le prurit médicamenteux ou iatrogène est beaucoup plus rare chez l’enfant que chez l’adulte, il est décrit essentiellement avec les opiacés.

En cas de prurit sine materia, il faut faire l’ensemble du bilan paraclinique et, si négatif, suivre l’enfant régulièrement et refaire le bilan au moindre doute.

La biopsie cutanée sur un prurit avec des lésions dermatologiques non spécifiques peut se discuter dans de très rares cas.

(15) Dermatite herpétiforme (lésions excoriées des convexités des coudes, genoux et fesses avec ou sans signes digestifs ou généraux en rapport avec une maladie cœliaque).

(16) Mastocytose cutanée dans sa forme diffuse sans lésion apparente qui peut être à l’origine d’épisodes de flush et de prurit paroxystiques.

(17) Un prurit chronique persistant, avec lésions souvent peu spécifiques (prurigo, xérose, folliculite, lésions de grattage), n’est pas rare au cours d’une infection par le VIH.

Liens d’intérêts

Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun lien d’intérêts pour cet article.

Références

Brenaur E, Abasq C, Misery L. Faut-il faire un bilan de prurit systématique ? Ann Dermatol Venereol 2014;141:741-2.

Amy de la Breteque M, Bilan P, Galesowski A, et al. Prurit sévère révélant un lymphome de Hodgkin chez l’enfant : deux observations. Ann Dermatol Venereol 2014;141:765-8.

Mahé E, Lacaille F, Hadj-Rabia S, et al. Cholestase anictérique, une étiologie rare de prurit du nourrisson. Ann Dermatol Venereol 2004;131:1092-4.

Pierard G, Caumes E, Franchimont C, et al. Dermatologie tropicale. Bruxelles 1993, p. 576.

Conférence de consensus : prise en en charge de la dermatite atopique de l’enfant. Ann Dermatol Venereol 2015; In press.