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Date de mise à jour 23/07/2019

Enfant trop petit

 

S. Castets1,2*, R. Reynaud1,2,3

1Service de pédiatrie multidisciplinaire, CHU Timone-Enfants, AP-HM, Marseille, France
2Centre de référence maladie rare HYPO (maladie de l’hypophyse)
3Université d’Aix-Marseille, INSERM, MMG, Marseille, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : sarah.castets@ap-hm.fr (S. Castets).
 

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Article validé par :

SFP (Société Française de Pédiatrie)

SFEDP (Société Française d’Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique)

Introduction

La reconnaissance précoce d’un retard de croissance de l’enfant est importante, d’une part pour le diagnostic de certaines pathologies potentiellement sévères, d’autre part pour une prise en charge adaptée visant à favoriser le bien-être de l’enfant et son pronostic de taille. L’analyse des courbes de croissance, les antécédents et l’examen clinique vont guider les explorations.

Conduite à tenir en cas de retard statural

(1) Les critères justifiant l’exploration de la croissance sont : a) une taille < –2,5 DS pour l’âge et le sexe ; ou b) une taille < –2 DS et une vitesse de croissance diminuée (VC < –1 DS ou perte de 0,5 DS en 1 an) ; ou c) une taille < –1,5 DS de la taille cible familiale ; ou d) une taille normale avec VC < –2 DS sur 1 an. Taille cible familiale fille = (taille père + taille mère – 13) / 2, taille cible familiale garçon = (taille père + taille mère + 13) / 2 (formule non valable si les deux parents ont une grande différence de taille). Les courbes de référence françaises sont les courbes AFPA-SFEDP-CRESS/INSERM pour la taille, le poids (https://cress-umr1153.fr/index.php/courbes-carnet-de-sante/), et les courbes de Sempé pour la vitesse de croissance et l’indice de masse corporelle (IMC).

(2) Recueillir les données auxologiques de naissance et des antécédents néonatals orientant vers un déficit hypophysaire congénital (hypoglycémies néonatales, ictère néonatal, micropénis, syndrome de ligne médiane), les antécédents familiaux (petites tailles, âges pubertaires des parents). Rechercher des facteurs de risque de déficit hypophysaire (méningite, hydrocéphalie, traumatisme crânien, irradiation crânienne), des symptômes digestifs ou autres plaintes fonctionnelles orientant vers une maladie générale, la prise de traitements avec retentissement possible sur la croissance (corticoïdes, neurostimulants). Analyser les courbes de croissance pour préciser l’évolution staturale et pondérale, préciser le moment de divergence ( infléchissement pondéral précédent l’infléchissement statural, présence d’une insuffisance pondérale ou au contraire prise de poids). L’examen clinique doit être complet, avec mesure du périmètre crânien pour les enfants âgés de moins de 4 ans.

(3) Un ralentissement de la croissance staturale associé à une accélération pondérale doit faire rechercher trois causes : une hypothyroïdie (TSH, T4L), un hypercorticisme (cortisol libre urinaire des 24 heures, cortisol, adrénocorticotrophine [ACTH], DHAS, ± cortisol salivaire à minuit, ± test de freination minute) ou une tumeur hypo thalamo-hypophysaire (imagerie par résonance magnétique [IRM] hypothalamo-hypophysaire).

(4) L’IRM de la région hypothalamo-hypophysaire à la recherche d’une tumeur doit être réalisée en urgence (± précédée par une tomodensitométrie [TDM] cérébrale) en cas de signes d’hypertension intracrânienne (céphalées, vomissements), d’atteinte visuelle (diminution de l’acuité visuelle et atteinte du champ visuel) ou d’arrêt de la croissance staturale. Elle doit être réalisée devant toute prise de poids associée à un ralentissement statural, après avoir éliminé une hypothyroïdie ou un hypercorticisme périphériques.

(5) Le craniopharyngiome est la tumeur hypothalamohypophysaire la plus fréquente chez l’enfant, l’infléchissement statural précédant souvent de plusieurs mois les autres symptômes.

(6) Les signes d’hypercorticisme possibles sont : prise de poids avec répartition tronculaire des graisses et visage lunaire, ralentissement de la croissance ou absence d’accélération staturale attendue devant la prise de poids, retard pubertaire, amyo trophie des membres, vergetures pourpres, hypertension artérielle, acné, hirsutisme. L’hypercorticisme peut être ACTH-dépendant (maladie de Cushing), ou ACTH-indépendant (tumeur surrénalienne, hyperplasie nodulaire des surrénales, ou iatrogène).

(7) Un hypercorticisme ACTH-indépendant (périphérique) doit faire réaliser une échographie des surrénales et une exploration de la sécrétion hormonale surrénalienne.

(8) Les signes d’hypothyroïdie possibles sont : prise de poids, ralentissement de la croissance, frilosité, constipation, bradycardie, baisse du rendement scolaire, goitre.

(9) En cas d’hypothyroïdie périphérique, il convient de réaliser une échographie thyroïdienne, et un dosage des anticorps antithyroperoxydase et antithyroglobuline.

(10) Tout déficit hypophysaire doit faire réaliser un bilan hypophysaire complet : cortisol, ACTH, TSH, T4, Insulin-Like Growth Factor-1 [IGF-1] ± Insulin-like Growth Factor Binding Protein-3 [IGFBP-3], prolactine, ± Luteinizing Hormone [LH], Follicle Stimulating Hormone [FSH] si âge pubère (+ testostérone, inhibine B et hormone antimüllérienne [AMH] pour le garçon). L’IRM cérébrale avec coupes fines sur la région hypothalamo-hypophysaire doit être systématique en cas de déficit hypophysaire isolé ou multiple, à la recherche d’une tumeur ou d’une anomalie morphologique congénitale.

(11) Un retard statural associé à une mauvaise prise de poids implique de rechercher des éléments d’orientation vers une maladie générale (avec bilan de base) : maladie de Crohn, arthrite chronique juvénile (syndrome inflammatoire), insuffisance rénale, tubulopathie (diminution des bicarbonates), maladie coeliaque, hypothyroïdie ou déficit en hormone de croissance. Le caryotype chez les filles de petite taille est systématique, les signes de syndrome de Turner pouvant être discrets voire absents.

(12) L’IGF-1 peut être abaissé en cas d’état nutritionnel insuffisant, l’IGFBP-3 est moins influencé par l’état nutritionnel. Un dosage d’IGF-1 et d’IGFBP-3 normaux n’élimine pas un déficit en hormone de croissance. Les anomalies de la sécrétion et de l’action de l’hormone de croissance s’explorent par des tests dynamiques (indication posée par un pédiatre endocrinologue) ± précédés d’une IRM cérébrale. Un pic d’hormone de croissance > 20 mUI/L (7 μg/L) correspond à une réponse normale au test.

(13) Le diagnostic de déficit en hormone de croissance se pose sur un ensemble d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques. Deux tests déficitaires (pic d’hormone de croissance < 20 mUI/L ou 7 μg/L) sont nécessaires pour le diagnostic de déficit en hormone de croissance isolé idiopathique s’il n’y a pas de lésions hypophysaires connues en imagerie.

(14) Un âge osseux retardé de plus de 1 an par rapport à l’âge civil correspond à un retard de maturation osseuse.

(15) Un retard constitutionnel de croissance est un diagnostic d’élimination évoqué cliniquement devant un infléchissement statural en période prépubertaire associé à un retard de maturation osseuse, un pronostic de taille adulte non altéré, et des antécédents familiaux de retard de croissance ou de puberté. Un suivi est nécessaire pour s’assurer de l’évolution favorable de la croissance.

(16) Une petite taille idiopathique/constitutionnelle est un diagnostic d’élimination évoqué en présence d’un enfant de petite taille, sans retard de maturation osseuse, grandissant de façon régulière, avec souvent des antécédents familiaux de petite taille. Il convient d’éliminer en particulier une maladie osseuse constitutionnelle.

(17) Un enfant dit « petit pour l’âge gestationnel » a une taille de naissance < –2 DS des courbes de référence (AUDIPOG ajusté pour la population française). Il peut s’agir d’un retard de croissance intra-utérin idiopathique ou syndromique (microcéphalie ou macrocéphalie alors évocatrice). Dans 10 % des cas, il n’y aura pas de rattrapage statural à l’âge de 4 ans, sans cause identifiée. Ces enfants ont alors un risque de petite taille finale (–5 cm en moyenne) : ils doivent bénéficier d’une prise en charge spécialisée en endocrinologie pédiatrique, pour l’instauration d’un traitement par hormone de croissance.

(18) Les maladies osseuses constitutionnelles (MOC) sont des maladies mono- ou plurigéniques touchant la plaque de croissance, la matrice osseuse, les ostéoblastes ou la régulation de la minéralisation. Les éléments évocateurs sont une petite taille chez l’un des parents, une disproportion : envergure/taille < 0,97 ou taille assise < demi-taille, et/ou une absence de croissance pubertaire.

(19) En cas de suspicion de MOC, il faut prescrire un bilan radiographique : rachis lombaire face et profil, bassin de face, main gauche, avant-bras gauche, genou de face, à interpréter par un médecin expert.

(20) En cas d’éléments dysmorphiques et/ou d’atteinte syndromique, l’avis d’un généticien est utile. Il faut rechercher en particulier les signes de syndrome de Turner : dysmorphie faciale, cou large, implantation basse des cheveux, cubitus valgus, 4e métacarpien court, otites, naevi, etc.

Conclusion

L’analyse des courbes de poids, d’IMC et de VC ainsi que la reconnaissance des situations d’urgence sont indispensables pour orienter les explorations devant un retard de croissance et proposer une prise en charge adaptée.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts avec cet article.

Références

Savage MO, Backeljauw PF, Calzada R, Cianfarani S, Dunkel L, Koledova E, et al. Early Detection, Referral, Investigation, and Diagnosis of Children with Growth Disorders. Horm Res Paediatr 2016;85(5):325-32.

GH Research Society. Consensus Guidelines for the Diagnosis and Treatment of Growth Hormone (GH) Deficiency in Childhood and Adolescence: Summary Statement of the GH Research Society, J Clin Endocr Metab 2000;85(11):3990-3.

Scherdel P, Reynaud R, Pietrement C, Salaün JF, Bellaïche M, Arnould M, et al.; EBGM III study group, Heude B, Chalumeau M. Priority target conditions for algorithms for monitoring children’s growth: Interdisciplinary consensus. PLoS One 2017;12(4):e0176464.