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Date de mise à jour 14/05/2017

Métrorragies de l'adolescente

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A. Cartault, C. Pienkowski

Unité d’endocrinologie, génétique, pathologies osseuses et gynécologie médicale, Hôpital des Enfants, 330 av de Grande-­Bretagne, TSA 70034, 31056 Toulouse Cedex 9, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : cartault.a@chu-toulouse.fr
 
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Arbre diagnostique – Commentaires

Les métrorragies pubertaires surviennent chez 2 à 5 % des jeunes filles. Elles correspondent à des règles trop abondantes, trop prolongées (> 7 jours) ou trop fréquentes (< 21 jours). Elles apparaissent au moment des 1ers cycles et sont fonctionnelles dans 80 % des cas. Leur survenue nécessite d’en apprécier rapidement la gravité clinique par le score de Higham et le retentissement sur l’hémodynamique (Tableau 1) [1].

La maturation de l’axe hypothalamo-­hypophyso-­ovarien se fait progressivement en 18 à 24 mois. Les premiers cycles sont souvent anovulatoires. Un cycle ovulatoire entraîne une production cyclique régulière d’œstradiol. Après l’ovulation, la production de progestérone stabilise l’endomètre. En l’absence d’ovulation les œstrogènes sont sécrétés de façon continue, la prolifération endométriale est alors inappropriée : il en résulte une desquamation spontanée de l’endomètre et un saignement imprévisible [2].

La première étape de la démarche diagnostique et thérapeutique est d’interrompre d’éventuels médicaments perturbant l’hémostase (aspirine…).

(1) L’exploration : Il convient de réaliser un bilan biologique : NFS, hémoglobine, plaquettes, fer, ferritine, TCA, TP, fibrinogène, test de grossesse, bilan d’hémostase complet et temps de saignement à discuter. Le bilan endocrinien comprendra : FSH, LH, œstradiol, androgènes, T4L, TSH, prolactine. L’examen gynécologique n’est pas indiqué en 1re intention. Il est souvent impossible en période de saignement. Un examen clinique abdominal et pelvien doit être réalisé et complété par une échographie pelvienne.

(2) Les causes organiques (20 % des cas) [3] :

  • La grossesse : Il est impératif d’éliminer une grossesse compliquée.

  • Les troubles de l’hémostase (10 % des cas) : déficits en facteurs de coagulation, maladie de Willebrand (la plus fréquente des étiologies liée à un trouble de l’hémostase), thrombopathies (Glanzmann) et thrombopénies.

  • Pathologie endocrinienne : dosage de T4L TSH, prolactine, testostérone.

  • L’hypothyroïdie peut se traduire par des hyperménorrhées. L’hyperprolactinémie entraîne des anovulations. Le syndrome des ovaires polykystiques est recherché devant une obésité et un hirsutisme associé.

Les causes gynécologiques sont plus rares :

  • les infections : vulvo-­vaginites ;

  • les tumeurs bénignes : polypes muqueux du col utérin, kystes vaginaux ;

  • les tumeurs malignes : sarcome botryoïde, tumeur sécrétante de l’ovaire.

(3) Les causes fonctionnelles (80 % des cas) : Leur diagnostic est fait par élimination après réalisation d’un bilan clinique, biologique et échographique complet. Elles surviennent souvent la 1re année de règles.

Traitement symptomatique des métrorragies (associé au traitement étiologique) :
Il est médical, son but est d’arrêter le saignement et d’en prévenir les récidives.

(4) Dans les formes graves à Hémoglobine inférieure à 8 g/dL [3], c’est une urgence médicale nécessitant une hospitalisation. En présence d’une hémorragie très abondante, il est nécessaire de prescrire des œstrogènes à visée hémostatique à forte dose et des antifibrinolytiques (Exacyl® 20 mg/kg/j). Selon la tolérance initiale, l’indication d’une transfusion sanguine sera discutée. On propose la mise sous pilule à 50 ou 30 mcg d’éthynil œstradiol (Stédiril® 2 cp ou Minidril® 3 cp le 1er jour puis 1 cp par jour jusqu’à arrêt du saignement). Le traitement œstroprogestatif est poursuivi pendant au moins 5 semaines avec le 1er arrêt d’une semaine à la fin de la 2e plaquette. Le relais est ensuite pris avec un traitement par progestatif 10 jours par mois pour éviter une récidive. On n’oubliera pas la supplémentation en fer. En cas de contre-­indication aux œstrogènes, on utilisera un progestatif seul (acétate de normegestrol ou acétate de chlormadinone 10 mg par jour en continu).

(5) Dans les formes modérées, Hb > 8 g/dL : On prescrira alors des progestatifs seuls en 2e phase du cycle pour suppléer l’insuffisance de sécrétion de progestérone. On utilise préférentiellement l’acétate de chlormadinone (Lutéran® 5 ou 10 mg) prescrit 10 jours par mois du 16 au 25e jour du cycle pendant 3 à 6 mois minimum. On peut être amené à augmenter la durée du traitement à 14 jours. On y associe un traitement par fer et des antifibrinolytiques per os (Exacyl®, 4 ampoules/j).

Conclusion
Les métrorragies de l’adolescente sont le plus souvent fonctionnelles. Il est important d’en évaluer correctement la gravité et l’abondance. Un bilan biologique simple et une échographie pelvienne permettront d’orienter rapidement le diagnostic étiologique vers une cause organique ou fonctionnelle.

Liens d'intérêts
A. Cartault : aucun conflit d’intérêts pour cet article.
C. Pienkowski : Essais cliniques : en qualité de co-investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (Ipsen, NovoNordisk, Merck, Pfizer) ; Conférences : invitations en qualité d’intervenant (Merck reunion Grand Sud-ESPE, Ipsen, Sandoz, Novo, ESPESFE) ; Conférences : invitations en qualité d’auditeur - frais de déplacement et d’hébergement pris en charge par une entreprise (Ipsen, Sandoz, Novo, ESPESFE) ; Versements substantiels au budget d’une institution dont vous êtes responsable (Société de Pediatrie Midi-Pyrénées : Laboratoire d’hormone de croissance lait- VitD).

Références

Higham JM, O’Brien PMS, Shaw RW. Assessment of menstrual blood loss using a pictorial chart. Br J Obstet Gynecol 1990;97:734-­9.

Levine SB. Dysfunctional uterine bleeding in adolescents. J Pediatr Adolesc Gynecol 2006;19:49-­51.

Sultan C. Développement et maturation de l’appareil génital féminin : de la conception à la période prépubertaire. Rev Int Ped 1998;178:7-­9