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Date de mise à jour 17/05/2017

Hématémèse

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M. Ben Hariz1,3, L. Michaud2,3

1Service de Pédiatrie, Hôpital Mongi Slim, La Marsa, 2046 Sidi Daoud, Tunis, Tunisie
2Unité de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques, clinique de pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, Avenue Eugène Avinée, 59045 Lille cedex, France
3Groupe Francophone d’Hépatologie Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques
Correspondance - Adresse e-mail : mongi.benhariz@rns.tn

 
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Arbre décisionnel – Commentaires

(1) Il est rare que des vomissements teintés par des aliments ou des colorants alimentaires portent confusion avec une hématémèse (test par bandelette).

(2) Chez le nouveau-né, une hématémèse peut être due à la déglutition de sang maternel (accouchement hémorragique, crevasses du mamelon, lésion mammaire). Chez l’enfant, la confusion avec une hémoptysie est rare (pathologie respiratoire, toux, aspect aéré du sang, anomalie sur la radiographie du thorax…). L’épistaxis dégluti est parfois difficile à diagnostiquer en cas d’écoulement postérieur (antécédents d’épistaxis, examen des fosses nasales, tache vasculaire…).

(3) La gravité de l’hématémèse est évaluée par la recherche de symptômes secondaires à l’hypovolémie : pâleur, sueurs, angoisse, tachycardie, allongement du temps de recoloration, plus tardivement, chute de la tension artérielle. Il est difficile d’évaluer le volume de sang perdu, parce qu’il est surestimé par des parents inquiets ou sous-estimé, car incomplètement extériorisé.

(4) En cas d’hémorragie massive avec collapsus, la pose de deux voies d’abord périphériques de calibre suffisant permet un remplis­sage immédiat (Ringer lactate ou soluté salin) en attendant la transfusion. Cette transfusion, si elle est nécessaire, ne doit pas dépasser les besoins, car l’hypervolémie favorise le saignement, en particulier en cas de varices œsophagiennes. Les hémorragies persistantes et importantes peuvent induire une consommation des facteurs de coagulation et indiquer l’utilisation de plasma frais congelé. Parallèlement au remplissage, une oxygénothérapie par sonde nasale est utile. Une sonde gastrique permet d’apprécier l’importance de l’hémorragie, son évolution, et de réaliser des lavages permettant l’évacuation des caillots.

(5) Un traitement probabiliste par antisécrétoire par voie intraveineuse (inhibiteur de la pompe à protons) est débuté avant la réalisation de la fibroscopie. La somatostatine doit être prescrite avant la réalisation de l’endoscopie en cas d’hématémèse importante et/ou persistante et d’hypertension portale connue. La prescription de pansements digestifs avant l’endoscopie est contre-indiquée, car ils peuvent gêner l’endoscopiste.

(6) En cas d’hématémèse importante et/ou de pathologie chronique sous-jacente (hépatopathie), l’admission en unité de soins intensifs permet une prise en charge et une surveillance optimales. L’endoscopiste et le chirurgien doivent être prévenus.

(7) Souvent, l’hématémèse est bien tolérée. L’hospitalisation est indiquée avec mise en place d’au moins une voie d’abord, surveillance clinique et par scope. Le bilan biologique ­comporte au minimum une NFS, un groupe avec phénotypage et la ­recherche d’agglutinines irrégulières (attention, la NFS peut sous-estimer l’anémie à un instant donné, en cas d’hémorragie continue : se fier à la clinique). Une étude de l’hémostase est utile.

(8) L’analyse clinique permet une approche de l’étiologie. Chez le nouveau-né, des difficultés lors de la tétée, des modifications du teint peuvent être le témoin d’une œso-gastro-duodénite. Une maladie hémorragique du nouveau-né par déficit en vitamine K doit être recherchée. À un mois, évoquer de principe la sténose du pylore compliquée d’œsophagite. Chez le nourrisson, l’œsophagite est une cause d’hématémèse ; elle est rare et le plus souvent de faible abondance. Elle peut être en rapport avec un RGO et suspectée cliniquement devant un refus du biberon, des pleurs ou un malaise. Des vomissements répétés précédant l’hématémèse évoquent un syndrome de Mallory-Weiss. L’origine médicamenteuse est fréquente. Elle concerne surtout les enfants au-delà de 7 ans (secondaire à la prise d’acide salicylique ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens). Elle peut mimer un syndrome de Mallory-Weiss (par sténose du pylore ulcéreuse). En réanimation, la gastrite de stress peut être favorisée par une prise médicamenteuse (corticoïdes). L’œsophagite est fréquente chez le polyhandicapé. Le diagnostic est parfois difficile, car les manifestations propres sont parfois méconnues et « noyées » dans celles du handicap (pleurs, accès d’hypertonie). Les épigastralgies rythmées par les repas, associées parfois à des antécédents familiaux ­d’ulcère gastroduodénal font évoquer un ulcère éventuellement secondaire à une infection à Helicobacter pylori. Le ­diagnostic de purpura rhumatoïde est facile devant des manifestations cutanées, des douleurs abdominales et des arthralgies. Enfin, chez un enfant porteur d’une pathologie hépatique, l’étiologie est orientée vers une hypertension portale. Parfois, l’hématémèse révèle la maladie hépatique (fibrose hépatique congénitale) ou l’hypertension portale sans hépatopathie (cavernome porte). La splénomégalie, constante, est le signe évocateur d’hypertension portale.

(9) Parfois, l’endoscopie n’est pas indispensable (hématémèse de faible abondance survenant au décours de vomissements ou de la prise d’aspirine). Dans les autres cas, elle doit être réalisée rapidement, toujours chez un enfant stable sur le plan hémodynamique. Elle sera réalisée idéalement entre 6-12 h (idéalement avant 24 h). Passé ce délai, les performances de l’endoscopie pour la recherche de l’origine du saignement diminuent (de 80 % à moins de 50 % après 72 h).

Dans les hémorragies actives ne répondant pas au traitement antisécrétoires ou à la perfusion de drogues vaso-actives (sandostatine), la fibroscopie peut, très rarement, permettre un geste thérapeutique : clips sur un ulcère saignant, injection de produits sclérosants ou ligature de varices.

Liens d'intérêts

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Références

Chawla S, Seth D, Mahajan P, et al. Upper gastrointestinal bleeding in children. Clin Pediatr (Phi) 2007;46:16-21.

Grimaldi-Bensouda L, Abenhaim L, Michaud L, et al. Clinical feature and risk factors for upper gastrointestinal bleeding in chidren: a case-crossover study. Eur J Clin Pharmacol 2010;66:831-7.

Mouterde O, Chamouni P. Hémorragie digestive chez l’enfant : conduite pratique en urgence. In : Pateron D. Prise en charge des hémorragies digestives. Masson Paris 2002, p 117-132.