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Date de mise à jour 13/05/2017

Fièvre au retour d'un pays tropical

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P. Imbert

Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, 69 avenue de Paris, 94163 Saint-Mandé cedex, France
Correspondance - Adresse e-mail : patrick.imbert@santarm.fr (P. Imbert)
 
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Arbre diagnostique – Commentaires

Le diagnostic d’une fièvre au retour d’un pays tropical repose d’abord sur l’interrogatoire (notion de séjour en zone d’endémie palustre à rechercher devant toute fièvre), et sur l’examen clinique, imposant l’admission en réanimation en cas de signes de sepsis grave.

(1) Toute fièvre au retour d’une zone d’endémie palustre doit faire suspecter un paludisme jusqu’à preuve du contraire et le rechercher en urgence. La majorité (97 %) des paludismes d’importation survient dans les 2 mois suivant le retour, mais des délais plus longs sont possibles. Une étude prospective multicentrique française a montré que 30 % des retards diagnostiques de paludisme chez l’enfant étaient imputables au médecin.

(2) Frottis sanguin et goutte épaisse restent les examens de référence, confirmant le test de diagnostic rapide (antigénémie palustre) si celui-ci est pratiqué. La thrombopénie est un bon signe d’orientation. La réponse du laboratoire, hospitalier ou non, doit être communiquée en 2 heures. En cas de résultat négatif et devant une forte suspicion clinique, une 2e recherche parasitologique doit être demandée 12 heures plus tard avant d’écarter le diagnostic de paludisme.

(3) Il est recommandé d’hospitaliser tout enfant avec un paludisme pour sa prise en charge.

(4) En cas de paludisme à Plasmodium falciparum, il faut rechercher les critères de gravité définis par l’OMS en 2000. La présence d’au moins un de ces critères, hors hyperparasitémie inférieure à 10 % dite isolée (seul critère de gravité présent), impose l’admission en réanimation et un traitement par quinine IV, sans dose de charge chez l’enfant. Le relais oral sera pris dès que l’état de l’enfant le permet.

(5) En cas de paludisme simple à P. falciparum, le traitement est effectué dans un service de pédiatrie générale ou en unité de surveillance continue, avec un antipaludique oral recommandé en 1ère intention. Dans certains cas et sous conditions strictes (grand enfant, absence de critères de gravité et de troubles digestifs, bon déroulement des premières prises, assurance d’une bonne observance et de bonnes conditions de surveillance au domicile), la poursuite du traitement pourra s’envisager en ambulatoire. Il faudra revoir l’enfant pour contrôles clinique et parasitologique à J3, (à J8 si la parasitémie de J3 est encore positive) et à J28. En cas de persistance de la fièvre à J3, il faut évoquer un échec du traitement ou une co-infection.

(6) Le traitement d’un paludisme à P. vivax, P. ovale ou P. malariae est la chloroquine, qui sera poursuivie en ambulatoire après s’être assuré du bon déroulement des prises initiales.

(7) En cas de vomissements, le traitement d’une forme simple débute en unité de soins continus par la quinine IV, relayée par un antipaludique oral après l’arrêt des vomissements.

(8) En cas d’absence de paludisme ou de séjour en zone d’endémie palustre, il faut d’abord rechercher une autre cause de fièvre d’importation, tropicale ou plus souvent cosmopolite. Peu de données sont disponibles sur les fièvres chez l’enfant au retour d’un pays tropical. Dans 2 études anglaises hospitalières, les principales étiologies sont par ordre décroissant : infection virale ou non spécifique, diarrhée, paludisme, pneumonie, hépatite A, typhoïde.

La démarche devant une fièvre au retour des tropiques, une fois le paludisme écarté, est orientée par l’interrogatoire détaillé sur les pays visités, le type du voyage, sa durée et la date de retour en France, le contexte épidémiologique local, les activités pratiquées (baignade en eau douce : schistosomose, leptospirose, …), les contacts avec des animaux (fièvre Q, rage, brucellose, …), les piqûres d’arthropodes (moustiques, tiques, puces) et les mesures préventives effectuées, et par la notion éventuelle de maladies dans l’entourage de l’enfant.

(9) Il faut recueillir les caractéristiques essentielles de la fièvre, notamment sa date de début par rapport à la date du retour qui a une grande valeur pour orienter vers l’étiologie. Les signes cliniques associés, cutanés, digestifs, neurologiques, hépatosplénomégalie, adénopathies, sont à rechercher, mais ils ne présentent pas de spécificité.

(10) L’hémogramme a une grande valeur d’orientation diagnostique selon la présence ou non d’une hyperéosinophilie et d’anomalies des autres cellules sanguines (cf. bicytopénie de la dengue), qu’il faut néanmoins interpréter (cas d’une polynucléose augmentée lors d’une virose au début). CRP et biologie hépatique sont indispensables. Les autres explorations (biologie, microbiologie, sérologies et imagerie) sont fonction des données cliniques et hématologiques.

(11) Les infections cosmopolites sont de loin les plus fréquentes, comme l’a montré un travail récent dans un service d’urgences pédiatriques parisien, où ont été analysées toutes les consultations effectuées dans les 3 mois suivant le retour de l’étranger : les infections étaient surtout ORL, digestives et pulmonaires, quelle que soit leur origine importée ou autochtone. Au terme du bilan, 10 % des fièvres restaient de cause indéterminée.

Références

Blondé R. Fièvre au retour de l’étranger chez l’enfant : diagnostic et caractéristiques épidémiologiques, cliniques et biologiques (thèse). Paris : université Pierre-et-Marie-Curie ; 2008.

Chalumeau M, Holvoet L, Chéron G, et al. Delay in diagnosis of imported Plasmodium falciparum malaria in children. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2006;25:186-9.

Imbert P. Paludisme grave de l’enfant : critères de gravité. Arch Pediatr 2003;10:S532-8.

Klein JL, Millman GC. Prospective, hospital based study of fever in children in the United Kingdom who had recently spent time in the tropics. BMJ 1998;316:1425-6.

Prise en charge et prévention du paludisme d’importation à Plasmodium falciparum : recommandations pour la pratique clinique, 2007 (révision de la conférence de consensus 1999). Texte long. Med Mal Infect 2008;39:68-117.

West NS, Riordan FAI. Fever in returned travellers: a prospective review of hospital admissions for a 2 1/2 year period. Arch Dis Child 2003;88:432-4.