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Date de mise à jour 14/05/2017

Le bégaiement

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J. Uzé

Centre Référent des Troubles du Langage, Centre Hospitalier Henri Laborit, 370 avenue Jacques Cœur, BP 587, 86021 Poitiers cedex, France
Correspondance - Adresse e-mail : j.uze@ch-poitiers.
 
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Arbre décisionnel – Commentaires

(1) Il s’agit d’une perturbation de la fluence normale et du rythme de la parole (ne correspondant pas à l’âge du sujet), caractérisée par la survenue fréquente d’une ou de plusieurs des mani­festations suivantes : répétitions de sons et de syllabes, prolongations de sons, interjections, interruptions de mots (pauses dans le cours d’un mot), blocages audibles ou silencieux (pauses dans le cours du discours, comblées par autre chose ou laissées vacantes), circonlocutions (pour éviter les mots difficiles en leur substituant d’autres mots), répétitions de mots monosyllabiques entiers (ex. : « je-je-je-je le vois).

Enfin, la perturbation de la fluence de la parole interfère avec la réussite scolaire ou professionnelle, ou avec la communication sociale (DSM-IV).

(2) On parle de « fluence » dès que l’enfant peut émettre plusieurs mots à la suite, ce qui, lors des débuts du langage, entraîne habi­tuellement de nombreuses répétitions, d’où le terme (souvent jugé impropre) de « bégaiement primaire ou physiologique ». Le terme de dysfluence développementale normale de la petite enfance est vraisemblablement plus approprié.

(3) Le bégaiement commence en général entre 2 et 5 ans et se distingue des dysfluences normales par la fréquence des répétitions qui portent sur des parties de mots, syllabes ou phonèmes (les sons du langage), plutôt que sur des mots entiers ou des groupes de mots. La durée des symptômes est également un élément majeur du diagnostic.

Classiquement, on peut retenir comme déterminant un trouble durant depuis plus de 2 mois et marqué par l’intensité des répé­titions et des blocages avec perte du contact visuel durant l’échange.

(4) Spontanément, si 75 % des bégaiements évoluent vers une guérison spontanée, 25  % des enfants n’ont pas cette chance et 5 % de cette population présentera un bégaiement grave et 1 % restera bègue.

(5) Intervenir tôt auprès des parents sous forme d’une guidance parentale permet à une quasi totalité des enfants de cesser de bégayer durant ce jeune âge (2–3 ans) ; cette réversibilité possible décroît au fur et à mesure des années : à 4 ans 80 %, à 6 ans 50 %, et à 10 ans seulement 20 % des enfants s’arrêteront de bégayer.

  • Un enfant qui bégaie, c’est avant tout un enfant en pleine dynamique d’évolution du langage et qui investit la relation parlée…

  • Sécuriser et rassurer l’enfant : « t’as très envie de parler…mais ta bouche a du mal à aller aussi vite… ».

  • Parler lentement et simplement à l’enfant.

  • Baisser (temporairement) le niveau des exigences éducatives.

  • Baisser la pression du temps (ralentissement des activités, meilleur séquençage des échanges, prendre le temps d’écouter…).

  • Veiller à ses réactions quand l’enfant bégaie.

  • Éviter toute demande d’effort de parole (« redis moi ça sans bégayer… ») ou des situations de parole obligatoire.

  • Et ne pas ignorer le bégaiement de l’enfant par une attitude de fausse indifférence, mais au contraire lui proposer un mot qui accroche afin de relancer son discours, s’assurer que vous avez bien compris ce qu’il tentait de dire, bref, le tenir comme un véritable partenaire du dialogue, malgré son bégaiement.

(6) La pérennisation des troubles ou l’âge de l’enfant (après 6 ans) doit faire poser l’indication d’une prise en charge spécialisée en orthophonie. Enfin, il existe dans quelques centres hospitaliers des consultations spécialisées dans le bégaiement.

(7) Les remaniements pulsionnels, propres à cette période, empreinte, de plus, d’un désir d’autonomie et d’une recherche d’identification, mettent l’adolescent en situation d’équilibre instable pouvant, soit améliorer très sensiblement son bégaiement, soit au contraire l’aggraver durablement. Il faudra tenir compte de : « qui fait la demande » et éventuellement savoir dissocier le point de vue de l’adolescent de celui de ses parents, de l’histoire de ce bégaiement et des rééducations antérieures, de sa réactualisation conduisant à la démarche en cours, des fluctuations liées aux interlocuteurs ou aux situations (groupe des pairs, scolarité…). Dans certains cas, ce bégaiement peut conduire à des conduites d’échec et à des attitudes de repli ou d’agressivité.

(8) La prise en charge peut conjuguer une rééducation orthophonique spécialisée et d’autres thérapies, comportementales, relationnelles, psychologiques, la relaxation, le théâtre… Dans
tous les cas, on sera très prudent concernant la guidance ­parentale qui risque d’être vécue, par l’adolescent, comme une mainmise de ses parents sur lui-même.

(9) L’attitude du milieu socio-scolaire et de l’entourage doit avoir comme souci de rompre un éventuel isolement de l’adolescent, de lui permettre de déterminer comment l’aider au mieux et, bien sûr, d’éviter les situations difficiles comme lire un texte à haute voix ou faire un exposé oral et bien évidemment… les moqueries.

(10) Le recours à la vie associative doit être proposée du fait des informations, conseils et adresses qu’elle peut fournir aux ­familles. Elle peut contribuer à lutter contre un sentiment d’isolement, de marginalisation, d’impasse thérapeutique.

Liens d'intérêts

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Références

Association Parole Bégaiement : www.begaiement.org

Chevrie-Muller C, Narbona J. Le langage de l’enfant. Aspects normaux et pathologiques, Paris, Masson, 2007, pp. 435–453.

DSM-IV : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Masson, 1996.

Rondal JA, Seron X. Troubles du langage. Bases théoriques, diagnostic et rééducation, Pierre Mardaga, 1999, pp. 505–528.