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Thématique:
Douleur abdominale récurrente
T. Lamireau
Département de Pédiatrie, Unité de Gastroentérologie Hôpital Pellegrin, Hôpital d’Enfants, Place Amélie Raba-Léon 33076 Bordeaux cedex, France Correspondance - Adresse e-mail : thierry.lamireau@chu-bordeaux.fr (T. Lamireau)Arbre diagnostique – Commentaires
Les douleurs abdominales récurrentes (DAR) touchent 10 à 15 % des enfants d’âge scolaire. Elles sont souvent fonctionnelles. La consultation doit évoquer une pathologie organique en évitant un excès d’examens complémentaires. C’est dire l’importance de l’interrogatoire et de l’examen clinique. En cas de doute, des examens complémentaires simples peuvent s’avérer utiles.
(1) Les éléments d’organicité sont : douleur constante et/ou nocturne, loin de l’ombilic, provoquée par l’alimentation ; retentissement sur le jeu, l’école ; perte de poids, fièvre, anorexie ; vomissements, diarrhée chronique ; masse abdominale, météorisme abdominal ; fissure ou fistule anale ; antécédents familiaux d’ulcère, de maladie inflammatoire digestive ; signes extra-digestifs (arthralgies, éruptions, uvéite, fièvre, signes de pathologies abdominales non digestives…).
(2) Les DAR d’allure organique avec signes dyspeptiques : épigastralgies, pyrosis, brûlures rétrosternales, nausées, vomissements, relation avec les repas
Pyrosis, vomissements récurrents, chez un enfant aux antécédents de régurgitations, sont évocateurs de reflux gastro-œsophagien. Le diagnostic est clinique et conforté par la disparition des douleurs sous traitement. En cas de symptômes atypiques, une pH-métrie œsophagienne sera utile.
En cas d’épigastralgies liées aux repas ou réveillant l’enfant la nuit, invalidantes, de retentissement sur l’alimentation, de vomissements associés, évoquer la possibilité d’un ulcère gastroduodénal ou d’une gastrite à Helicobacter. La fibroscopie œsogastroduodénale est alors indiquée.
En cas d’antécédents familiaux de pancréatite, de douleurs intenses de l’épigastre ou l’hypochondre droit, parfois accompagnées de vomissements et/ou de subictère, une échographie abdominale et un dosage sérique des transaminases et de la lipase orienteront vers une lithiase biliaire ou une pancréatite chronique.
(3) Les DAR avec signes intestinaux : constipation, diarrhée chronique, épreintes, rectorragies
La constipation est une cause fréquente de DAR. Elle est suspectée si les selles sont rares et volumineuses, mais aussi en cas d’exonérations difficiles, de rectorragies sur fissure peu profonde, de fécalome palpable, d’encoprésie. La disparition des douleurs après traitement confortera le diagnostic.
Une lambliase peut être responsable de douleurs abdominales, de diarrhée et de météorisme. L’efficacité du traitement anti-infectieux confirmera la responsabilité du parasite retrouvé à l’examen des selles.
Une hyperéosinophilie justifie également un examen parasitologique des selles à la recherche d’ascaris ou de tænia, plus rare.
L’intolérance au lactose se manifeste par des douleurs abdominales accompagnées de ballonnement, flatulence, émission de gaz et de selles acides. Les troubles surviennent après consommation de lait alors que les fromages, yaourts ou petits suisses sont bien tolérés. Le test respiratoire au lactose peut aider, mais c’est surtout l’efficacité de l’éviction du lactose qui confirmera le diagnostic.
Une altération de l’état général, un amaigrissement et/ou un retard de croissance, un retard pubertaire, une diarrhée parfois sanglante, des manifestations articulaires ou cutanées, sont évocatrices de maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique. La découverte d’une anémie microcytaire, d’un syndrome inflammatoire, d’un épaississement des parois intestinales à l’échographie évoque ces pathologies et précède une exploration endoscopique.
Une diarrhée chronique avec retard de croissance évoque une maladie cœliaque. Le diagnostic sera fait par le dosage des anticorps anti-transglutaminases avec dosage des IgA totales, puis confirmé par la biopsie intestinale montrant une atrophie villositaire.
(4) Les DAR de cause extra-digestive
Les causes urologiques sont évoquées en cas de douleurs au niveau des flancs ou des fosses lombaires, déclenchées par la miction, de dysurie, ou d’infections urinaires. L’échographie abdominale recherche un syndrome de la jonction pyélo-urétérale, une hydronéphrose, une lithiase.
Les causes gynécologiques sont à évoquer chez l’adolescente en cas de douleurs hypogastriques, rythmées par les cycles. L’échographie cherche un hématocolpos, un kyste ovarien.
Une pathologie rachidienne peut s’accompagner de douleurs d’irradiation abdominale. La raideur du rachis ou une scoliose douloureuse, suggèrera cette piste qui sera confirmée par l’imagerie (IRM).
La migraine abdominale est évoquée en cas d’association à des céphalées, de troubles visuels et/ou d’antécédent de migraine dans la famille. L’imagerie cérébrale élimine une tumeur surtout s’il existe des vomissements associés, et l’efficacité du traitement antimigraineux confirme le diagnostic. En cas de crises douloureuses paroxystiques suivies de somnolence, une épilepsie peut être recherchée à l’EEG.
Le contexte ethnique, la présence de fièvre et de signes articulaires, peut suggérer une maladie périodique. Une drépanocytose sera évoquée en cas d’hémolyse chez un enfant de race noire. Un saturnisme sera recherché en cas d’anémie, d’habitat insalubre.
(5) Les arguments en faveur de douleurs abdominales fonctionnelles sont : l’absence de critères d’organicité ou de signes orientant vers une pathologie digestive ou extra-digestive ; les caractéristiques des DAR : localisation péri-ombilicale, sans
irradiation, intensité variable, uniquement diurne, évoluant depuis de nombreux mois, influencées par des facteurs extérieurs de stress ; l’existence de perturbations dans l’environnement familial (séparation, divorce, maladie, décès), scolaire (changement d’école, tension avec un enseignant, pression pour un rendement) ; le caractère de l’enfant : émotif, anxieux, perfectionniste ; des symptômes associés : insomnie, terreurs nocturnes, énurésie. Une évaluation psychologique peut être utile.
(6) Une satiété précoce, avec sensation de plénitude gastrique, parfois éructations et hoquet, suggèrent une dyspepsie non ulcéreuse, pathologie fonctionnelle.
(7) Les troubles fonctionnels intestinaux, ou colon irritable, sont fréquents. Ils se manifestent par des douleurs abdominales permanentes ou récidivantes, calmées par la défécation ; une alternance de constipation et de diarrhée ; un ballonnement abdominal.
Références
Boyle JT. Abdominal pain. In: Walker WA, Durie PR, Hamilton JR, Wallker-Smith JA, Watkins JB, editors. Pediatric gastrointestinal disease. 2nd edition, volume I. Saint Louis, Mosby Company, 1996:205-26.
Turck D. Douleurs abdominales chroniques de l’enfant. Rev Prat 1998;48:369-75.
American Academy of Pediatrics, Subcommittee on Chronic Abdominal Pain. Chronic Abdominal Pain in Children - Technical Report. Pediatrics 2005;115:e370-81.