Pneumonie aiguë communautaire de l’enfant

C. Bréhin¹, M. Caseris², C. Delestrain³, M. Lorrot
¹Pédiatrie Générale - Infectiologie - Urgences, Hôpital des Enfants, CHU Toulouse, Toulouse, France
²Pédiatrie Générale - Infectiologie, Hôpital Robert Debré, AP-HP, Paris, France
³Pneumologie pédiatrique, CHI de Créteil, Créteil, France
⁴Pédiatrie Générale - Infectiologie, Hôpital Trousseau, AP-HP, Paris, France


Introduction

Les pneumonies aiguës communautaires (PAC) représentent une cause majeure de mortalité chez les enfants âgés de moins de 5 ans dans les pays en développement (près de 800 000 décès par an). Leur traitement est le plus souvent ambulatoire mais elles constituent une des causes d’hospitalisation les plus fréquentes chez les enfants dans les pays développés.
Les PAC de l’enfant peuvent être d’origine virale ou bactérienne. Une pneumonie virale peut être associée à une pneumopathie bactérienne, notamment au pneumocoque. Les virus (VRS, méta-pneumovirus, virus influenzae, adénovirus….) sont responsables d’une part importante des PAC des enfants, surtout avant l’âge de 3 ans. Une diminution des pneumopathies à VRS est attendue suite à l’utilisation large du nirsevimab. L’épidémiologie des PAC bactériennes a beaucoup évolué suite à la vaccination par les vaccins conjugués contre Haemophilus influenzae type b (Hib) et contre le pneumocoque, obligatoires en France dès l’âge de 2 mois chez tous les nourrissons nés à partir du 1er janvier 2018, entraînant la quasi-disparition des PAC à Haemophilus influenzae type b et la diminution des PAC à pneumocoque. Cependant, du fait de sérotypes de pneumocoque émergents non compris dans les vaccins et de la gravité potentielle des PAC pneumococciques, le pneumocoque reste la bactérie à cibler en priorité dans les PAC. Les PAC pneumococciques sont plus fréquentes avant l’âge de 5 ans mais peuvent concerner l’enfant à tout âge. Mycoplasma pneumoniae est responsable de PAC non graves de l’enfant âgé de plus de 5 ans. Streptococcus pyogenes (ou streptocoque du groupe A) et Staphylococcus aureus producteur de la leucocidine de Panton Valentine (LPV) sont plus rarement responsables de PAC et sont associés à des pleuro-pneumopathies et à des pneumopathies très graves, souvent prises en charge en réanimation ou en unité de soins continus. S. aureus producteur de LPV est responsable des pleuro-pneumopathies bulleuses du nourrisson et de pneumopathies graves avec syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) chez les enfants plus âgés.
Le diagnostic clinique de pneumonie aiguë chez l’enfant est difficile et il doit être confirmé par l’imagerie (échographie ou radiographie pulmonaire). L’approche étiologique et thérapeutique des PAC est probabiliste. Les situations d’urgence sont liées au sepsis et/ou à la sévérité de la détresse respiratoire aiguë. Le suivi immédiat est relié à l’évolution des signes infectieux et respiratoires.

Conduite à tenir en cas d’évocation du diagnostic de pneumonie chez un enfant

(1) Le diagnostic de pneumonie aiguë doit être suspecté devant l’association de signes cliniques non spécifiques : toux fébrile, signes de lutte, anomalie auscultatoire, tachypnée (fréquence respiratoire > 50/min chez un nourrisson âgé de 2 à 11 mois, > 40/min chez un enfant âgé de 1 à 5 ans, > 30/min chez un enfant âgé de plus de 5 ans). Les anomalies à l’auscultation pulmonaire à type de foyer de crépitants peuvent être difficiles à entendre et des sibilants peuvent être associés à une pneumopathie virale ou à germe atypique. Aucun signe clinique ne permet à lui seul de confirmer ou d’écarter le diagnostic de pneumonie.

(2) L’imagerie thoracique permet d’affirmer le diagnostic de pneumonie mais son obtention ne doit pas retarder la mise en route du traitement antibiotique probabiliste en cas de signes cliniques évocateurs d’une étiologie bactérienne et/ou de signes de gravité. Une radiographie pulmonaire de face, en inspiration et en position debout, ou une échographie pulmonaire si le médecin est formé à son utilisation sont
indiquées. Il n’y a pas d’indication à une radiographie pulmonaire de profil en première intention.
La CRP en micro-méthode ou sanguine peut contribuer à différencier l’étiologie bactérienne de l’étiolo-gie virale. Malgré l’absence de seuil défini, une valeur de CRP élevée (> 80-100 mg/L) oriente vers une étiologie bactérienne (pneumocoque avant tout, plus rarement S. aureus, streptocoque de groupe A). Si la CRP est basse (< 40 mg/L), l’étiologie virale ou à Mycoplasma pneumoniae (si enfant âgé de plus de 5 ans) est probable. La CRP n’est interprétable qu’après 24 heures de fièvre. Avant l’âge de 12 ans, l’antigénurie pneumocoque ne doit pas être réalisée car la fréquence élevée du portage pharyngé du pneumocoque dans cette tranche d’âge est responsable de faux positifs. Après 12 ans, une antigénurie pneumocoque positive oriente vers le diagnostic de pneumonie à pneumocoque.

(3) La majorité des PAC sont traitées en ambulatoire.
Une hospitalisation est indiquée en présence des critères liés au terrain sous-jacent et/ou à la gravité de la PAC :
- Terrain : âge < 6 mois, comorbidités associées dont la drépanocytose ; refus alimentaire ou troubles digestifs (vomissements, diarrhée profuse) pouvant rendre l’administration orale des antibiotiques impossible ; difficultés socio-économiques pouvant compromettre l’observance du traitement et/ou la surveillance de l’enfant.
- Signes de gravité : troubles hémodynamiques (tachycardie, TRC ≥ 3 secondes, marbrures, extrémités froides, hypotension artérielle) ; signes d’insuffisance respiratoire aiguë : tachypnée, dyspnée (tirage sous-costal, intercostal, sus-claviculaire marqués, battement des ailes du nez, geignement expiratoire), hypoxie (SpO2 ≤ 90%), apathie, sueurs ; troubles de la conscience.

Les critères orientant vers une PAC à Staphylococcus aureus sécréteur de LPV ou à Streptococcus pyogenes sont :
- pour ces 2 germes : choc septique initial, détresse respiratoire majeure et rapidement évolutive, association à une pleurésie et/ou une atteinte radiologique multifocale et/ou bilatérale, signes toxiniques (éruption, choc toxinique)
- pour S. aureus sécréteur de LPV : hémoptysie et leucopénie, présence d’images nécrotiques bulleuses sur l’imagerie thoracique.
Ces pneumopathies graves sont à hospitaliser en ou à proximité d’une réanimation ou de soins intensifs.

(4) L’orientation étiologique devant une PAC repose sur un faisceau d’arguments clinico-radio-biologiques. On distingue schématiquement deux tableaux (Figure 1).

Figure 1. Eléments d’orientation étiologique devant une PAC de l’enfant.

!!! Aucun critère clinique, radiologique ou biologique ne permet de différencier une origine virale d’un germe atypique de type mycoplasme, sauf l’âge (< 5 ans = plutôt viral, ≥ 5 ans = plutôt mycoplasme). Parfois, les pneumonies virales et à mycoplasme peuvent mimer une PFLA.
*CRP : ce critère a une faible valeur prédictive positive et une meilleure valeur prédictive négative.

(5) En cas d’hospitalisation, le bilan paraclinique comprend : NFS-plaquettes, hémoculture, CRP. Les tests antigéniques ou moléculaires (syndromiques ou tests d’amplification des acides nucléiques TAAN) sur prélèvement nasopharyngé peuvent être proposés en période épidémique pour le diagnostic des infections respiratoires (VRS, grippe, SARS-CoV2) si le résultat est susceptible de modifier le traitement ou de décider d'un isolement en cas d'hospitalisation. En cas de suspicion de PAC à Mycoplasma pneumoniae, sa recherche par PCR sur aspiration nasopharyngée peut aider au diagnostic (non remboursée en ville et effectuée seulement à l’hôpital) mais une PCR positive ne permet pas de différencier le portage pharyngé de l’infection à Mycoplasma pneumoniae. La sérologie permet le diagnostic (rétrospectif) d’infection à Mycoplasma pneumoniae en cas d’apparition des IgM +/- des IgG 3 semaines après une première sérologie négative. A noter que les IgM peuvent persister très longtemps après une infection aiguë.

(6) La prise en charge thérapeutique, avec antibiothérapie ou non, dépend avant tout de l’étiologie suspectée. Les recommandations du Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP) pour l’antibiothérapie de première intention des infections respiratoires basses, et les alternatives en cas d’allergie, ont été remises à jour en 2023.

Avant l’âge de 3 ans (nouveau-né exclu), la cause virale prédomine mais une co-infection bactérienne est fréquente justifiant selon le tableau d’une antibiothérapie par amoxicilline. Quel que soit l’âge, la cible à privilégier pour l’antibiothérapie est le pneumocoque même si l’enfant est correctement vacciné. Mycoplasma pneumoniae est principalement incriminé chez les enfants âgés de plus de 5 ans. Le traitement probabiliste recommandé de la pneumonie d’allure pneumococcique est l’amoxicilline (voie orale) : 80 à 100 mg/kg/j (maximum 3 g/jour) en 2 prises. La durée du traitement est de 5 jours en cas d’amélioration clinique rapide. Les critères d'efficacité sont : apyrexie rapide (48 heures) et amélioration des signes respiratoires. Si ce n'est pas le cas, lors de la réévaluation clinique, on évoquera principalement une complication (épanchement para-pneumonique, abcès, empyème : à rechercher par une nouvelle imagerie), une pneumonie virale et/ou à un germe atypique si l’enfant est âgé de plus de 5 ans.

Le traitement probabiliste recommandé de la pneumonie d’un enfant âgé de plus de 5 ans avec arguments pour un germe atypique est la clarithromycine (voie orale) 15 mg/kg/j (maximum 500 mg x2/jour) en 2 prises avec une durée de traitement de 5 jours, ou en alternative, l’azithromycine 20 mg/kg/j (max 500 mg) en 1 prise quotidienne avec une durée de traitement de 3 jours.

En cas de pleuro-pneumopathie, l’enfant est hospitalisé pour débuter une antibiothérapie intraveineuse probabiliste ciblant le pneumocoque, le streptocoque de groupe A et S. aureus, avec de l’amoxicilline acide clavulanique à la posologie de 150 mg/kg/j en 3 injections (PAP Épanchement pleural liquidien chez l’enfant).

En cas de pneumonie avec critères de gravité orientant vers une infection à Staphylococcus aureus ou à Streptococcus pyogenes, l’antibiothérapie probabiliste recommandée est amoxicilline acide clavulanique IV 150 mg/kg/j en 3 injections (dose max 6 g/jour d’amoxicilline) + vancomycine IV 60 mg/kg/j (4 injections d’une heure ou en perfusion continue après une dose de charge de 15 mg/kg sans dépasser 10 mg/min, dose max 4 g/jour) + clindamycine IV 40 mg/kg/j en 3 injections (dose max 2.4 g/jour). Le traitement antibiotique sera adapté aux résultats de la bactériologie à 48 heures.

En cas de pneumonie d’allure virale, la prise en charge est avant tout symptomatique. En cas d’étiologie à virus influenzae (grippe), un traitement curatif par oseltamivir peut être prescrit si les symptômes évoluent depuis moins de 48 heures, d’autant plus que la grippe survient chez un enfant avec terrain médical sous-jacent (immunodéprimé, drépanocytose, pathologie chronique respiratoire, cardiaque ou neuromusculaire).

Les AINS ne sont pas recommandés pour la prise en charge de la fièvre et/ou de la douleur, car susceptibles de favoriser la survenue d’un épanchement pleural.

(7) Une réévaluation clinique est recommandée. L’apyrexie est attendue en 48h pour une pneumonie à pneumocoque, en 3 à 5 jours en moyenne pour une pneumonie virale ou à germe atypique.

En cas de persistance de la fièvre au bout de 48 heures de traitement d’une PAC par amoxicilline, il faut rechercher une explication reliée au traitement (mauvaise compliance, non-prise en raison de vomissements, erreur de posologie) et/ou une complication à l’imagerie thoracique (épanchement para-pneumonique, abcès, empyème,) ou une autre étiologie infectieuse. En cas d’étiologie virale évoquée, l’antibiothérapie pourra être arrêtée selon les cas avec une surveillance. Chez un enfant âgé de plus de 5 ans, en l’absence de complication, il est recommandé d’arrêter l’amoxicilline et de switcher l’antibiothérapie par un macrolide dans l’hypothèse d’une PAC à Mycoplasma pneumoniae.

Si la décision initiale a conduit à un traitement symptomatique de la PAC sans antibiothérapie dans l’hypothèse d’une PAC virale, la réévaluation médicale doit systématiquement être effectuée à 48 heures ; et si la prise en charge est ambulatoire, des consignes re-consultation en urgence doivent être expliquées aux parents en cas d’aggravation secondaire. En l’absence d’amélioration, il faut également rechercher une explication reliée à la prise en charge et une complication à l’imagerie thoracique. Selon la réévaluation clinico-radio-biologique, en l’absence de pleurésie ou abcès, une autre orientation infectieuse peut être évoquée et la conduite thérapeutique adaptée.

En cas de présentation typique de PAC et d’évolution favorable chez un enfant sans pathologie pulmonaire chronique sous-jacente, il n’est pas recommandé de faire un contrôle de l’imagerie thoracique y compris à distance pour un 1er épisode de pneumonie. La pneumonie à pneumocoque n’induit pas généralement de séquelles à long terme. Les pneumonies virales ou à Mycoplasma pneumoniae peuvent être responsables d’une hyperréactivité bronchique résiduelle avec toux prolongée et, rarement de séquelles infectieuses bronchiques (bronchiectasies, bronchiolite oblitérante post infectieuse).

En cas de présentation atypique, d’évolution atypique avec des symptômes qui se chronicisent, ou de récidive dans le même territoire, il faudra s’assurer de l’absence de pathologie sous-jacente et de diagnostic différentiel. L’examen de première intention sera une tomodensitométrie thoracique avec injection de produit de contraste. Elle permettra de rechercher d’une part si une anomalie bronchique n’est pas responsable de la persistance/récidive de la pneumonie, telle qu’un obstacle intraluminal (corps étranger, granulome de mycobactérie, tumeur endobronchique), une compression extrinsèque de la bronche (adénopathie, tumeur, malformation), ou une dilatation des bronches (mucoviscidose, dyskinésie ciliaire, déficit immunitaire). Et d’autre part si l’opacité initialement interprétée comme une pneumonie n’était pas plutôt l’un de ses diagnostics différentiels : adénopathie, malformation, ou tumeur. Chez les enfants ayant au moins 2 pneumonies sur un an, un bilan immunitaire de première intention est également recommandé.

Conclusion

La pneumonie est une des infections les plus fréquentes en pédiatrie et le traitement est le plus souvent effectué en ambulatoire. Devant une suspicion clinique de pneumonie, l’imagerie thoracique (échographie ou radiographie) est nécessaire pour confirmer le diagnostic.

L’antibiothérapie n’est pas systématique si l’étiologie virale est retenue, sans surinfection bactérienne. Le traitement d’une pneumonie d’allure pneumococcique par amoxicilline est urgent, avec une durée raccourcie à 5 jours. Dans tous les cas de pneumonie, il est nécessaire de réévaluer l’enfant. En cas d’évolution favorable, un contrôle radiologique à distance d’un premier épisode de pneumonie n’est pas systématique.

La prévention des pneumonies bactériennes des jeunes enfants est effectuée grâce à la vaccination contre le pneumocoque et Hib de tous les nourrissons selon les schémas vaccinaux du calendrier vaccinal en vigueur. La généralisation du nirsevimab aux nourrissons de moins de 1 an va très probablement modifier l’épidémiologie des pneumonies des nourrissons dans les années à venir.

Mots clés

pneumonie, enfant, antibiothérapie

Bibliographie - Références

• Choix et durées d’antibiothérapies : Pneumonie Aiguë Communautaire chez l’enfant. HAS, 2024. Disponible sur :
• Antimicrobial treatment of lower respiratory tract infections in children. Madhi F, Panetta L, De Pontual L,
et al. Infect Dis Now 2023;53(8S):104782.
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• Strategies for recognizing pneumonia look-alikes. Drummond, D., Hadchouel, A., Petit, A., et al. European
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