
Année :
2025
Nodule thyroïdien chez l'enfant
D. Kariyawasam¹², A. Stoupa¹²³, S. Moalla⁴
¹Université Paris Cité, Paris, France
²Service d’Endocrinologie, diabétologie, gynécologie pédiatriques, hôpital universitaire Necker – Enfants Malades, AP-HP, France
³Centre Régional de Dépistage Néonatal – Ile de France, hôpital Universitaire Necker – Enfants Malades, AP-HP, France
⁴Service d’imagerie diagnostique, Institut Gustave Roussy, Villejuif, France

Introduction
Les nodules thyroïdiens sont plus rares chez les enfants que chez les adultes.
La prévalence est estimée entre 0.6-2%, variant selon les différents modes de découverte. Le mode de révélation est principalement clinique, lors de la palpation cervicale par le médecin ou la famille (80%), ou par échographie dans le cadre d'une surveillance spécifique.
Les différences entre les nodules thyroïdiens survenant à l’âge pédiatrique et l’âge adulte sont nombreuses, tant sur le plan clinique, moléculaire que pathologique. Le risque de cancer y est plus élevé chez l’enfant (environ 25%) que chez l’adulte (5 à 10%) : il s’agit alors le plus souvent de carcinome papillaire de la thyroïde. Le diagnostic de cancer thyroïdien chez l’enfant se fait en général à un stade plus avancé que chez l’adulte, souvent déjà au stade métastatique, de localisation ganglionnaire (80%) ou pulmonaire (30%). Le taux de récidives après thyroïdectomie est également plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte (30% contre 4.7 à 8%). Le pronostic reste toutefois plus favorable que chez l’adulte. Les nodules thyroïdiens pédiatriques ont la particularité de s’inscrire beaucoup plus
fréquemment dans des syndromes de prédisposition tumorale tels que la NEM2 (Néoplasie Endocrinienne Multiple type 2), le syndrome DICER1, le syndrome de Cowden (anomalie du gène PTEN), le complexe de Carney, la sclérose tubéreuse ou le Xeroderma Pigmentosum. Le diagnostic précoce de
ces maladies génétiques permet le dépistage des pathologies associées et un conseil génétique approprié pour le patient et sa famille.
Le diagnostic précoce est important ; il faut ensuite proposer une conduite à tenir adaptée.
Conduite diagnostique devant un nodule thyroïdien chez l’enfant
Les circonstances diagnostiques d'un nodule thyroïdien sont très variables :
• Incidentalome radiologique ou échographique réalisé pour un examen cervical ou thoracique.
• Au cours d’une palpation systématique par le médecin traitant / pédiatre lors de l’examen de la région cervicale (évaluation de ganglions cervicaux).
• Fortuit par les parents ou l’enfant lui-même.
• Surveillance par palpation systématique dans un contexte familial de nodules ou cancers thyroïdiens, prédisposition génétique connue, ou d’antécédent personnel de cancer.
Il n’existe pas de recommandation sur la nécessité de palpation thyroïdienne ou la fréquence de la palpation en population générale.
La découverte d’un nodule thyroïdien nécessite d’emblée un avis endocrino-pédiatrique, en parallèle de la réalisation de l’échographie par un radiologue expérimenté.
(1) En cas de découverte d’un nodule thyroïdien, il est important de recueillir l’histoire familiale et personnelle afin de rechercher des antécédents de tumeurs ou de cancers pouvant évoquer des syndromes de prédisposition, ainsi que les antécédents d’irradiation cervicale directe ou indirecte.
À l’examen clinique, il faut rechercher des signes évocateurs de syndrome de prédisposition tumorale :
- NEM2 : névrome muqueux, alacrymie, hyperparathyroïdie.
- Syndrome de Cowden : macrocéphalie, trouble du neuro développement, autisme, lésions cutanéo-muqueuses de type hamartomes.
- Syndrome DICER 1 : goitre multinodulaire ou antécédents familiaux de cancers thyroïdiens ou cancers rares.
- Complexe de Carney : lentigines cutanées péri-orificielles, myxome cutané.
Il faut également rechercher des signes en faveur d’une dysthyroïdie :
- Hyperthyroïdie : perte de poids avec une croissance staturale normale ou accélérée, tachycardie, palpitations, hypertension artérielle, troubles de la thermorégulation, transit accéléré, dysménorrhée, tremblement des mains.
- Hypothyroïdie : asthénie, ralentissement de croissance, transit ralenti, hypotension artérielle, frilosité.
(2) Le statut thyroïdien est à documenter par un bilan thyroïdien initial : T4 libre, T3 libre, TSH, couplé à un dosage de la calcitonine pour éliminer les rares cancers médullaires de la thyroïde nécessitant une évaluation échographique puis une prise en charge chirurgicale.
(3) Situations avec dysthyroïdie
(3a) En cas de bilan thyroïdien évocateur d’une hypothyroïdie (TSH élevée > 10 mUI/L +/- T4L abaissée), on réalise un dosage des anticorps anti-thyroperoxydase (TPO), stigmate d’une origine auto-immune. L’échographie thyroïdienne peut identifier :
- un goitre isolé ou associé à la présence de pseudo nodules au sein d’une thyroïde hétérogène dans les thyroïdites auto immunes.
- un goitre souvent nodulaire dans un trouble de l’organification de l’iode.
(3b) Un bilan thyroïdien évocateur d’une hyperthyroïdie (TSH abaissée +/- T4L élevée) est complété par le dosage des d’anticorps anti-récepteurs de la TSH (TRAKs) et anti TPO. L’échographie thyroïdienne avec doppler peut identifier un nodule isolé ou un goitre multinodulaire.
(4) Situation avec un bilan thyroïdien normal
L’échographie thyroïdienne doit être réalisée par un radiologue ou spécialiste ayant une expertise en échographies thyroïdiennes, avec une cartographie de la thyroïde et une description détaillée des nodules : localisation, taille, forme, aspect, vascularisation.
Un score échographique de prédiction de malignité dit score EU-TIRADS (European -Thyroid Imaging Reporting and Data System) est ainsi établi. Ce score a été mis en place en 2017 en Europe et prend en compte différents critères : la forme du nodule, les contours, l’échogénicité, la présence de micro- ou macro-calcifications, l’échostructure, la présence d’un halo, la vascularisation, la présence d’une extension extra-thyroïdienne.
Ce score EU-TIRADS, très fiable chez l’adulte, n’a qu'une performance diagnostique relative chez les enfants et doit être utilisé avec précaution : le risque de malignité y est sous-évalué alors que justement la fréquence du cancer est plus élevée devant un nodule chez l’enfant. On estime que pour tout nodule
cliniquement décelable et pour les nodules TIRADS 3, 4 et 5 de plus de 1cm, la cytoponction à l'aiguille fine est à réaliser.
Plusieurs situations découlent de ce score.
Si la classification EU-TIRADS est de 1, l’échographie est considérée normale.
(5) Si la classification EU-TIRADS est de 2, une surveillance échographique est préconisée. Cette surveillance doit être réalisé tous les 6 à 12 mois. Si on retrouve une progression du stade EU-TIRADS vers un stade 3, 4 ou 5 avec un nodule > 1 cm, il faut alors suivre la recommandation du stade corres-
pondant (cf. ci-dessous).
(6) Si la classification EU-TIRADS est de 3, 4, 5 avec un nodule de moins de 1 cm de diamètre, un avis spécialisé (endocrinologue pédiatre) est nécessaire pour décider en fonction des antécédents et pathologies associées, d’une surveillance échographique tous les 6 mois ou d’une cytoponction immédiate.
(7) Si la classification EU-TIRADS est de 3, 4, 5 avec un nodule de plus de 1 cm de diamètre : il est alors recommandé de réaliser une cytoponction à l’aiguille fine. Cette cytoponction doit être réalisée par un spécialiste ayant une expertise dans les cytoponctions thyroïdiennes.
Lorsqu’elle est réalisée dans de bonnes conditions, les performances diagnostiques de la cytoponction chez l’enfant sont similaires à celles de l’adulte. Toutes les cytoponctions sont à réaliser sous guidage échographique, même en cas de nodule palpable.
L’analyse cytologique de la ponction permet de classer le nodule selon un cadre standardisé avec la classification Bethesda : son utilisation est recommandée pour l'évaluation des nodules thyroïdiens tant chez les adultes que les enfants et propose un risque de malignité en fonction du stade établi.
Depuis 2023, ces risques proposés sont différents entre l’adulte et l’enfant et il est important de vérifier qu’ils soient bien appliqués lors du rendu du cytologiste :
Bethesda I : l’analyse histologique n’a pu conclure (manque d’élément cellulaire / ponction hématique) : surveillance ou chirurgie à discuter en réunion pluridisciplinaire (RCP) selon le contexte clinique.
(8) Bethesda II : le nodule a été classé « bénin » : surveillance échographique tous les 6 à 12 mois.
(9) Bethesda III (atypie cellulaire de signification indéterminée), IV (néoplasie folliculaire) ou V (suspicion de malignité) : prise en charge à discuter en RCP. Lobectomie ou thyroïdectomie totale selon l’âge du patient, les antécédents (irradiation...), la présence d’un syndrome de prédisposition tumorale, la classification EU-TIRADS et le volume du nodule.
(10) Bethesda VI ou nodule à caractère malin : thyroïdectomie totale plus ou moins associée à un curage ganglionnaire discuté en RCP.
Les suites d’une chirurgie pour suspicion de nodule malin ou cancer de la thyroïde relèvent d’une prise en charge spécialisée.
Des explorations génétiques à la recherche de syndrome de prédisposition sont préconisées dès la confirmation du caractère malin d’un nodule.
Conclusion
Les nodules thyroïdiens sont rares en pédiatrie, et sont plus souvent inscrits dans un contexte de prédisposition tumorale que chez l’adulte.
La prise en charge, notamment l’indication de la cytoponction et de la chirurgie, est différente de celle chez l’adulte. Il est nécessaire que cette prise en charge soit confiée à des spécialistes en endocrinologie pédiatrique et en radiologie pédiatrique, avec discussion pluridisciplinaire si besoin.
Mots clés
nodule thyroïdien, prédisposition génétique, échographie, EU-TIRADS, Bethesda
Bibliographie - Références
• SFE-AFCE-SFMN 2022 Consensus on the management of thyroid nodules: Thyroid nodules in children.
Coutant R, Lugat A, Mirallié E. et al. Annales d'Endocrinologie 2022;83(6):431-434
• 2022 European Thyroid Association Guidelines for the management of pediatric thyroid nodules and
differentiated thyroid carcinoma. Lebbink C, Links T, Czarniecka A et al. Eur Thyroid J 11(6):e220146.