S. Rivière¹, H. Petat²
¹Service des urgences pédiatriques, Hôpital Trousseau, AP-HP, Paris, France
²Service de pédiatrie médicale, CHU Charles Nicolle, Rouen, France

Introduction
(1) Le terme de crise d’asthme est retenu pour définir toute modification clinique dont les symptômes sont une dyspnée habituellement expiratoire, d’apparition brutale ou progressive, variable dans le temps et dans son intensité, s’accompagnant d’une obstruction bronchique réversible soit spontané ment, soit après intervention thérapeutique. Les symptômes associés sont les sibilants et la toux.
Conduite à tenir face à une crise d’asthme chez un enfant de 6 à 12 ans
(2) Une première observation rapide ou « Quick look » en moins de 30 secondes évalue le comportement, la respiration et la coloration (« CRC »). Puis le médecin doit procéder à l’évaluation standardisée « ABCDE ». Il commence par les voies aériennes (Airways) pour vérifier qu’elles sont bien libres. Puis il évalue la respiration (Breathing) avec la fréquence respiratoire, le travail respiratoire (signes de lutte), le volume courant (ampliation thoracique) et l’oxygénation (saturation). En cas de SpO2 < 94%, administrer de l’O2 au moyen d’un masque à haute concentration avec un débit de 6-10L/min selon la taille du masque jusqu’à mise en place des nébulisations de bronchodilatateurs de courte durée d’action (BDCA). Puis la Circulation est évaluée avec la fréquence cardiaque, la perfusion périphérique, les pouls, la pression artérielle et la précharge. Ensuite, le médecin apprécie l’état de conscience (Disability) en s’aidant du score de Glasgow si besoin, avec recherche de signes d’hypercapnie. Enfin, on recherche un facteur déclenchant (Environnement) type virose ou allergène ; et s’il y a un doute avec une anaphylaxie, traitement en urgence par adrénaline IM (→ protocole spécifique).
(3) Devant une crise d’asthme, il faut immédiatement évaluer la gravité de celle-ci. On définit ainsi les crises non graves et les crises graves. Les critères de gravité devant être recherchés (Tableau 1) sont : l’état général altéré ou une modification de comportement, des troubles hémodynamiques, une fréquence respiratoire <16/min ou >30/min, une fréquence cardiaque < 60/min ou > 124/min, la diminution ou l’absence de murmure vésiculaire à l’auscultation, des sibilants rares ou absents (à interpréter en fonction du murmure vésiculaire), l’utilisation de muscles accessoires, une SpO2 en air ambiant< 95%, un score de PRAM ≥ 4. La présence d’un de ces critères suffit à qualifier la crise de « grave ». Parmi les crises graves, il faut identifier un asthme aigu grave (AAG), associant généralement plusieurs signes de gravité, et engageant le pronostic vital de l’enfant. Le score de PRAM (Tableau 2) est un score de gravité clinique de l’asthme de l’enfant. Il prend en compte la SpO2, l’utilisation des muscles accessoires du cou (contraction des muscles scalènes et sterno-cléido-mastoïdiens), le tirage sus-sternal, le murmure vésiculaire et les sibilants entendus lors de l’auscultation. Réalisé régulièrement, il permet d’évaluer la gravité de la crise et l’efficacité des thérapeutiques mises en place, avec un souhait de standardisation au sein d’une même équipe et entre les intervenants (préhospitalier, différents secteurs hospitaliers).
Tableau 1 : Évaluation de la gravité de la crise d’asthme chez l’enfant

Tableau 2. Score de PRAM, d’après Ducharme 2008 et annexes des recommandations SP2A

(4) Il faut rechercher systématiquement les facteurs déclenchants de la crise et les facteurs de risque d’AAG : la perte du contrôle de l’asthme de plus de 7 jours, la présence d’un terrain poly-allergique, une allergie alimentaire connue, un logement humide, un antécédent de séjour en réanimation (au cours de la vie).
(5) Les β2-agonistes de courte durée d’action sont le traitement de référence de première intention. Ils sont efficaces dans l’asthme quels que soient l’âge et le niveau de gravité. La voie inhalée est préférée. Le salbutamol est le bronchodilatateur le plus utilisé dans les recommandations internationales. La première dose doit être administrée le plus rapidement possible dès l’évaluation initiale. La posologie et la fréquence d’administration dépendent de la gravité de la crise et de la réponse aux traitements. Le salbutamol en aérosol-doseur (AD) muni d’une chambre d’inhalation (CI) est aussi efficace que la nébulisation dans les crises d’asthme non graves et moins susceptible de provoquer une hypoxémie ou une tachycardie. La posologie initiale est alors de 4 bouffées par prise en cas de crise non grave, à répéter si besoin au bout de 20 minutes. En cas de crise grave, la posologie initiale est de10 (à 15) bouffées en extrahospitalier, à répéter au bout de 20 minutes ; il est toutefois recommandé de réaliser dès que possible des nébulisations de bronchodilatateurs sous 6L/min d’oxygène (posologies2,5 mg de salbutamol ou terbutaline si poids ≤ 15 kg, 5 mg si poids > 15 kg) à raison de 3 nébulisations en 1 heure. En cas d’AAG, l’administration de nébulisations de bronchodilatateurs doit être en continu (2 nébulisations successives ou ≥ 4 nébulisations par heure, posologie 10 mg / h si poids ≤ 15 kg, 15mg / h si poids > 15 kg). Le salbutamol IV en dose starter (15 µg/kg) ou en IV continu (posologie initiale à 1µg/kg/min) est recommandé en cas de non levée du bronchospasme malgré l’administration en continu de nébulisations de bronchodilatateurs, en lien avec une équipe d’unité de soins intensifs pédiatriques (USIP) ou de réanimation.
(6) La corticothérapie systémique est recommandée d’emblée dans les crises graves. Dans les crises non graves, elle est recommandée d’emblée en cas de facteurs de risque d’AAG ou en l’absence de réponse thérapeutique à H1. L’administration des corticoïdes diminue le risque d’hospitalisation et de récidive. L’amélioration clinique n’apparait que 3 à 4 heures après leur prise. Il est donc nécessaire de les donner le plus tôt possible lors de la prise en charge, si indiqués (première heure). La voie orale est aussi efficace que la voie IV. L’utilisation de la prednisone ou de la prednisolone en comprimé ou forme orodispersible est privilégiée. Les posologies recommandées sont 20 mg chez l’enfant ≤ 20 kg et 40 mg chez l’enfant > 20 kg. La durée de prescription initiale est de 3 jours, et peut être augmentée au cas par cas.
(7) L’hydratation est à adapter aux besoins quotidiens de l’enfant et à l’augmentation de ses pertes. Il faudrait être incitatif pour les boissons, et dans les crises les plus graves, mettre en place une hydratation intraveineuse.
(8) Il est recommandé d’évaluer l’efficacité des thérapeutiques mises en place à H1, puis entre H2et H4. Une amélioration franche et rapide est en faveur d’une efficacité du traitement. En l’absence de réponse au traitement, il est recommandé de répéter les évaluations. Il faut considérer le niveau du score de PRAM ≥ 4 comme un seuil de maintien ou d’augmentation de la pression thérapeutique et de surveillance du patient.
(9) L’administration de bromure d’ipratropium en nébulisations n’a d’intérêt qu’aux urgences, et est recommandée dans les crises graves en cas de réponse insuffisante aux BDCA lors de l’évaluation àH1, ou d’emblée en cas de signes d’AAG. Elle est toujours associée aux BDCA, et consiste en 3 nébulisations successives, à la dose de 0.25 mg si le poids est < 30 kg, et 0.50 mg si le poids est ≥ 30 kg. En hospitalisation, il n’est pas recommandé de poursuivre les nébulisations d’ipratropium.
(10) La supplémentation en O2 est recommandée en cas de SpO2 ≤ 94%. La voie d’administration doit être adaptée selon les débits : lunettes si ≤ 3 L/min, masque à moyenne ou haute concentration si> 3 L/min.
(11) Il est recommandé d’administrer du sulfate de magnésium IVL dans les formes graves ne répondant pas au traitement de première ligne, à la dose de 50 mg/kg (max 2 g) sur 20 minutes, sous monitorage cardio-respiratoire. Au décours, le patient doit être surveillé au moins 24 heures en milieu hospitalier. Un contact doit être pris avec une USIP pour une surveillance adaptée si le sulfate de magnésium a eu besoin d’être administré. De même, il est recommandé de solliciter les réanimateurs pour discuter d’un support ventilatoire en cas de non-réponse aux traitements et de signes cliniques d’aggravation ou d’épuisement respiratoire tels que l’hypoxémie requérant une oxygénothérapie > 3 L/min avec des besoins croissants et/ou des signes hypercapnie. Si le transfert en USIP ou réanimation est retardé, on peut discuter l’initiation d’une ventilation de type HFNC (thérapie à haut débit par canule nasale) ou VNI (ventilation non invasive). L’intubation d’un enfant asthmatique est un geste à risque, exceptionnel, et doit être réalisé dans un environnement de réanimation.
(12) Les examens complémentaires se discutent dans les formes graves ou résistantes au traitement. Il est recommandé de faire un gaz du sang veineux en cas d’AAG. La normocapnie et a fortiori l’hyper-capnie sont des signes de gravité. En cas d’administration de salbutamol par nébulisation continue ou par voie IV, il est recommandé de monitorer la kaliémie au minimum une fois par jour. La radiographie de thorax de face est recommandée en cas d’AAG ou de doute sur un diagnostic différentiel.
(13) Le retour à domicile est possible si l’enfant ne présente pas de signe de gravité et est stable pendant au minimum 1 heure. Le score de PRAM doit être ≤ 3. La présence de signes initiaux d’AAG impose une surveillance plus prolongée, même en cas d’évolution favorable.
(14) L’ordonnance de sortie doit comprendre :
- Des BDCA type salbutamol (Ventoline spray® 100 µg) avec chambre d’inhalation : 2 à 4 bouffées x 4/j pendant au moins 7 jours, à adapter selon la durée de résolution totale des signes.
- Une chambre d’inhalation avec des explications pour l’utilisation, avec ou sans masque selon les possibilités de l’enfant. Les techniques de prise doivent être expliquées, montrées et vérifiées.
- Une corticothérapie par voie orale, si initiée (prednisone 20 mg si ≤ 20 kg, 40 mg si > 20 kg) pour une durée de 3 jours au total, pouvant être prolongée de 2 à 4 jours parfois en cas de crise grave ayant nécessité une hospitalisation.
- Un traitement de fond par corticostéroïdes inhalés doit être instauré pour toute crise d’asthme grave et/ou en cas de signes préalables de mauvais contrôle, sans attendre l’avis d’un pneumopédiatre, prescrit pour au moins 3 mois, à ne pas arrêter sans avis médical.
Un plan d’action de crise doit être remis au patient et expliqué. Ce document écrit et personnalisé doit être simple, visuel et synthétique. Il doit permettre de répondre aux interrogations sur quand et comment adapter le traitement de secours, quand recourir au médecin, urgences et SAMU. Le traitement de fond doit bien être distingué du traitement de crise par le patient et les parents. Des vidéos pédagogiques peuvent être utiles pour contribuer à l’éducation thérapeutique du patient (lien en référence).
(15) Au décours d’une crise grave, il est recommandé un repos au domicile d’au moins 24 heures et un arrêt des activités sportives d’au moins 7 jours. Une visite chez le médecin traitant est recommandée dans les 7 jours pour évaluer l’évolution de la crise, puis à 1-2 mois pour une évaluation globale de l’asthme. Au décours d’une crise grave, un suivi spécialisé, de préférence par un pneumopédiatre, est recommandé.
Conclusion
Les précédentes recommandations de la prise en charge de la crise d’asthme de l’enfant de la SP2Adataient de 2007. Ces nouvelles recommandations sont guidées par une volonté de simplification et d’harmonisation. Le terme de crise d’asthme a été préféré car compréhensible par tous. La crise d’asthme se définit en niveaux de gravité : non-grave ou grave. Parmi les crises graves, l’asthme aigu grave est une urgence vitale. L’utilisation du score de PRAM pour l’évaluation initiale et l’évolution de la crise est maintenant recommandé. La place des examens complémentaires et les critères d’hospitalisation ont été explicités. La posologie des bronchodilatateurs de courte durée d’action et des corticoïdes oraux a été simplifiée. La place limitée du bromure d’ipratropium, l’inutilité d’augmenter ou d’ajouter des corticoïdes inhalés pour le traitement de la crise et la nécessité d’études pour clarifier l’efficacité du sulfate de magnésium IV chez l’enfant font partie aussi des points forts de ces recommandations actualisées.