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Date de mise à jour 09/05/2022

Traitement du rachitisme carentiel

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A. Lienhardt-Roussie

Centre de Référence Maladies Rares du Métabolisme Phosphocalcique, Endocrinologie, Pédiatrique, Hôpital de la Mère et de l’Enfant, CHU Dupyutren, 87042 Limoges
Correspondance - Adresse e-mail : anne.lienhardt@chu-limoges.fr (A. Lienhardt-Roussie)

 

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Arbre diagnostique – Commentaires

Le rachitisme carentiel (RC) est une maladie de l’os en croissance avec défaut de minéralisation de l’os conduisant à la formation d’un os de mauvaise qualité. Dans les pays occidentaux, les rachitismes carentiels sont plus rares que les non carentiels. Le RC peut se diagnostiquer de la naissance à l’adolescence mais les signes cliniques et radiologiques sont différents. Les besoins en vit D sont majeurs pendant les périodes de croissance rapide. Des recommandations ont été réactualisées en 2016.

(1) Facteurs de risque

  • Environnementaux : latitude > 60° toute année ; latitude > 30° en hiver ; brouillard, froid, chaleur, pollution.

  • Personnels : alimentation: allaitement exclusif ; mère carencée en vit D ; pas de poisson gras ; déficit en apports calciques (pas de lait, régime végétalien) ; pigmentation de la peau ; non exposition solaire.

  • Pathologiques : maladie dermatologique gênant l’exposition solaire ; malabsorption, atteinte hépatique ; augmentation du catabolisme vit D (granulomatoses).

  • Iatrogènes : anticonvulsivants (gardenal, dihydan) ; rifampicine ; ketoconazole ; corticoïdes.

(2) Signes cliniques

  • Hypocalcémie : à tout âge : convulsions, cardiomyopathie, retard de croissance, hypotonie musculaire, HTIC ; pendant la petite enfance : retard des acquisitions posturales et de la marche, infections pulmonaires à répétition; à l’adolescence : crises de tétanie, fatigabilité à la marche.

  • Signes osseux : nourrisson : chapelet costal, nouures épiphysaires (poignet, cheville), douleurs osseuses, craniotabès, retard de fermeture des fontanelles, déformation des jambes (genu varum/valgum) apparaissant à la marche ; enfant plus grand : retard d’éruption dentaire, hypoplasie de l’émail dentaire, fragilité dentaire, caries précoces, douleurs osseuses, fractures spontanées.

(3) Signes radiologiques

  • Métaphyses : précoce et caractéristique du jeune enfant : élargissement en cupule convexe avec spicule latérale (toit de pagode) ; aspect irrégulier et flou, élargissement de l’interligne articulaire, bouchon de champagne des métaphyses chondrocostales.

  • Epiphyses : plus tardif : noyaux d’ossification irréguliers avec retard d’ossification ; aspect tigré, flou irrégulier.

  • Diaphyses : tardif et plus volontiers rencontré chez l’adolescent : déminéralisation avec amincissement cortical, diminution du rapport cortico-diaphysaire puis de la densité osseuse, fractures spontanées. Déformations : à tout âge : genu varum/valgum ; coxa vara ; scoliose ; vertèbres en double contour, ceinture pelvienne déformée avec risque de dystocie.

(4) Signes biologiques

  • Bilan au moindre doute : calcémie, phosphatémie, créatinine (sang et urine), TRP, phosphatases alcalines, 25OH vit D (forme de réserve), PTH, bilan de carences autres, inutilité en première intention du dosage de la 1-25OH vit D.

  • Signes biologiques : calcémie normale ou basse, hypophosphatémie, calciurie effondrée, PTH et Phosphatases alcalines élevées, 25OH vit D basse : 30-34 nmol/l soit 12-14 ng/ml.

  • Définition du statut en vit D : suffisance : > 50 nmol/l (20 ng/ml) ; insuffisance : 30-50 nmol/l (12-20 ng/ml) ; carence vraie : < 30 nmol/l (12 ng/ml). Le centre de référence français recommande des taux > 75 nmol/l soit 30 ng/ml pour l’enfant. Le dosage systématique de la 25OH vit D est inutile, les surdosages survenant pour des taux de 25OH vit D > 250 nmol/l soit 100 ng/ml.

(5) Traitement

  • Traiter l’hypocalcémie. Vitamine D : forme orale restaure plus vite les stocks ; vit D2 ou D3 si dose quotidienne, vit D3 si dose de charge ; dose quotidienne versus dose de charge recommandée ; dose quotidienne : naissance-12 mois : 2 000 UI/j ; 12 mois-12 ans : 3 000 à 6 000 UI/j ; > 12 ans: 6 000 UI/J ; durée 3 mois minimum ; dose de charge : ne pas dépasser 150 000 UI ; < 3 mois : non recommandée ; 3-12mois : 50 000 UI ; 12 mois-12 ans : 150 000 UI en deux prises ; > 12 ans : 300 000 UI en deux prises.

  • Supplémentation calcique : 500 mg/j ; la supplémentation calcique doit être débutée avant la supplémentation en vit D, refaire les stocks ; arrêter quand calciurie s’élève ; apports lactés : 4 à 5 produits laitiers quotidiens (le calcium alimentaire est mieux absorbé que le calcium médicamenteux). 

(6) Efficacité : Normalisation rapide du bilan biologique (phosphatases alcalines en un mois). Amélioration en 3 à 6 mois des déformations des membres inférieurs.

(7) Traitement préventif : Le rachitisme carentiel guéri, mettre en place le traitement préventif quel que soit l’âge. Les recommandations sont différentes (plus basses) de celles publiées en 2012 par la SFP car doses proposées pour prévenir la survenue d’un RC.

  • Vitamine D : forme orale vit D2 ou D3 si dose quotidienne, vit D3 si dose de charge ; naissance-12 mois : 400 UI/ j quel que soit le mode d’allaitement ; > 12 mois : au moins 600 UI/j (apports par des aliments supplémentés ou par médicament). > 12 mois : supplémentation indispensable si absence de consommation de produits enrichis en vit D ou si facteurs de risque de carence en vit D. Aucun dosage de la 25OHvit D n’est requis.

  • Apports calciques recommandés pour éviter la survenue d’un RC : 0-6 mois : 200 mg/j ; 6-12 mois : 250 mg/j ; > 12 mois : apports suffisants > 500 mg/j, apports déficitaires < 300 mg/j.

(8) Autres rachitismes

  • Dosages complémentaires indispensables : 1-25 OH vit D, bilan phosphore avec taux de réabsorption du phosphore. Rachitisme par mutation du récepteur de la vit D ou de la un alpha hydroxylase ou par fuite urinaire de phosphore.

  • Confier l’enfant au spécialiste.

Liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

Références

Munns CF, Shaw N, Kiely M et al. Global Consensus Recommendations on Prevention and Management of Nutritional Rickets. J Clin Endocrinol Metab 2016;101:394-415.

Lienhardt A. La supplémentation en vitamine D, quand et comment ? In Linglart, J Bachetta. Pathologie phosphocalcique et osseuse de l’enfant. Doin, Paris, 2016.

Vidailhet M, Mallet E, Bocquet A et al. Vitamin D: still a topical matter in children and adolescents. A position paper by the Committee on Nutrition of the French Society of Paediatrics. Arch Pediatr 2012;19:316-28.

Lienhardt-Roussie A, Linglart A, Garabédian M. Treatment of chronic hypocalcaemia during childhood. Arch Pediatr 2008;15:650-2.