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Démarche diagnostique devant des bleus faciles
H. Chambost
AP-HM, Centre des Maladies Hémorragiques, Hématologie Immunologie et Oncologie Pédiatrique, Hôpital d’Enfants La Timone et Aix-Marseille Univ, INSERM, INRA, C2VN, Marseille, FranceAuteur correspondant - Adresse e-mail : herve.chambost@ap-hm.fr (H. Chambost)
Arbre diagnostique – Commentaires
(1) Bleus faciles. Il s’agit d’ecchymoses récurrentes et/ou disproportionnées par rapport au traumatisme déclenchant. Après avoir écarté des lésions non hémorragiques (taches mongoloïdes, taches café au lait, etc.) ou non ecchymotiques (purpura pétéchial), le diagnostic est orienté par l’aspect des lésions et le contexte (âge, facteur déclenchant, autres signes hémorragiques, pathologie familiale, prises médicamenteuses, etc.).
(2) Les médicaments susceptibles d’induire des ecchymoses sont les anticoagulants et antiagrégants (aspirine, autres antiinflammatoires non stéroïdiens avec effet moindre). La prise prolongée de corticoïdes peut aussi entraîner une certaine fragilité vasculaire.
(3) Le bilan d’hémostase visant l’exploration d’ecchymoses comporte un hémogramme avec compte plaquettaire, un dosage du fibrinogène et les temps globaux de coagulation que sont le TCA et le temps de Quick (TQ). L’étude morphologique des plaquettes sur frottis sanguin est très utile à l’identification et à la classification des pathologies plaquettaires.
(4) Les inhibiteurs anti-facteurs entraînent un taux de facteur de coagulation effondré, non corrigé lors du test des mélanges. Les anticorps anti-prothrombinases marqués par un syndrome hémorragique cutané transitoire à l’occasion d’un épisode infectieux sont diagnostiqués par un TQ allongé en rapport avec un taux de facteur II effondré. Les anti-FVIII de pronostic plus péjoratif sont exceptionnels chez l’enfant.
(5) Les hémophilies A et B. Les déficits en FVIII ou FIX sont les plus fréquents des troubles hémorragiques constitutionnels sur la voie de la coagulation (1/10 000 naissances pour l’hémophilie A). Le tableau hémorragique et les antécédents familiaux peuvent orienter le diagnostic mais les formes sporadiques sont fréquentes. Des bleus faciles peuvent être révélateurs, souvent associés à des hématomes souscutanés. Cette symptomatologie isolée concerne surtout les déficits modérés ou atténués. Elle peut aussi toucher des filles conductrices à taux diminué.
(5A) Un taux bas de FVIII, doit faire écarter le diagnostic différentiel de maladie de Willebrand.
(5B) Les taux bas de FIX doivent être interprétés avec prudence au cours des premiers mois de vie, en vérifiant les normes pour l’âge et en comparant avec les autres facteurs vitamine K dépendants du fait de l’immaturité physiologique de la synthèse hépatique.
(6) La maladie de Willebrand (MW) est la plus fréquente des maladies hémorragiques constitutionnelles. Les anomalies du facteur Willebrand (FW) sont variées et les formes sévères de la maladie sont rares. La MW s’accompagne d’un TCA allongé uniquement lorsqu’un taux bas de FW antigène (FW:Ag) ou une liaison FW-FVIII altérée induit une diminution significative du taux de FVIII. Ceci correspond à trois situations :
-
type 1 sévère et type 3 : diminution parallèle du FVIII et du FW:Ag (absent/type 3) ;
-
type 2N : anomalie du FW sur le site de liaison au FVIII
Dans les autres cas (type 1 modéré, types 2 hors 2N) une MW peut être symptomatique alors que le TCA est normal.
Le diagnostic de MW associe un tableau clinique avec ecchymoses et saignements muqueux, des antécédents familiaux et des résultats biologiques évocateurs. Le dépistage biologique de la MW peut comporter un allongement du temps d’occlusion du PFA 100. Le diagnostic est caractérisé par les dosages du FW (FW:Ag et activité FW:RCo). L’influence de nombreux facteurs (inflammation, groupes sanguins ABO, imprégnation œstrogénique…) rend l’interprétation difficile, justifiant le rôle d’expertises de laboratoires spécialisés.
(7) Le déficit sévère en FXI peut se manifester par des saignements plus ou moins graves après traumatisme ou chirurgie. La symptomatologie ecchymotique est rare.
(8) Les déficits quantitatifs et qualitatifs en fibrinogène allongent à la fois le TQ et le TCA alors que le bilan d’hémostase standard est normal en cas de déficit en FXIII. Ces déficits, classiquement associés à un saignement très prolongé à la chute du cordon ombilical sont responsables de syndromes hémorragiques graves.
(9) Les déficits en facteurs de la voie intrinsèque et de la voie finale commune ne sont habituellement symptomatiques qu’en situation de déficit sévère. Leur caractère isolé ou combiné, la réflexion autour du métabolisme de la vitamine K, de la fonction hépatique et la recherche d’une CIVD permettent leur classification étiologique.
(10) Les pathologies plaquettaires représentent de nombreuses affections acquises et congénitales, de fréquence variable. Elles sont parfois intégrées dans un tableau syndromique. Le syndrome hémorragique associé au nombre de plaquettes, est souvent plus corrélé à la dysfonction associée à chaque maladie. Les tests fonctionnels couplés aux études phénotypiques (glycoprotéines de surface, grains sécrétoires) et génotypiques permettent une caractérisation de plus en plus fine de ces maladies par le centre de référence (CRPP).
(11) Les pathologies vasculaires responsables de manifestations hémorragiques sont plus souvent associées à des saignements muqueux. Cependant une fragilité excessive du tissu conjonctif telle qu’observée dans le syndrome d’Ehlers-Danlos peut se manifester par la survenue de bleus faciles. Le type IV, forme avec atteinte vasculaire prédominante, est caractérisé par une peau fine et translucide laissant apparaître des vaisseaux sous-cutanés, associé à la survenue facile d’ecchymoses et hématomes. D’autres anomalies du collagène telles que le syndrome de Marfan et l’ostéogenèse imparfaite peuvent donner lieu à des saignements faciles. Le diagnostic est orienté par le tableau syndromique.
Liens d’intérêts
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts en relation avec cet article.
Ce Pas à Pas a été validé par la Société d’hématologie et d’immunologie pédiatrique
Références
Andrew M, et al. Development of the human coagulation system in the full-term infant. Blood 1987;70:165-72.
Sham R, Francis C. Evaluation of mild bleeding disorders and easy bruising. Blood Rev 1994;8:98-104.
Baccini V, Alessi MC. Les thrombopénies constitutionnelles : démarche diagnostique. Rev Med Interne 2016;37;117-26.
Carpenter S, et al. Evaluation for suspected child abuse: conditions that predispose to bleedings. Pediatrics 2013;131;e1357