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L’enfant triste
G. Picherot1,*, S. Nguyen2
1Service de pédiatrie, CHU Nantes, 44093 Nantes et GPG 2Service de neurologie pédiatrique, CHU Lille, 69000 Lille et SFNAuteur correspondant - Adresse e-mail : picherotgeorges@orange.fr (G. Picherot).
Arbre décisionnel – Commentaires
(1) Définition : la tristesse physiologique est un changement émotionnel en réaction normale à un événement douloureux ou difficile.
(2) La démarche de ce Pas à Pas concerne la tristesse pathologique (TP) de l’enfant qui amène les parents à une consultation pédiatrique avec ce motif « mon enfant est triste ». Si ce mot tristesse est souvent prononcé, il n’est finalement que très peu retrouvé dans les bibliographies pédiatriques. La limite entre normal et anormal est imprécise. On peut retenir que la tristesse anormale est une tristesse qui dure et entraîne quel que soit l’âge une inquiétude de l’entourage. Lorsqu’elle est pathologique la tristesse est accompagnée d’un retentissement comportemental, social et somatique plus ou moins associés selon les causes de la tristesse.
(3) L’expression de la tristesse est différente selon l’âge :
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chez le nourrisson : les pleurs sont toujours la première expression citée même s’ils ne sont ni synonymes ni constants dans la TP. La reconnaissance des visages qui expriment la tristesse a fait l’objet de travaux à partir du CAFE (child affection facial expression, échelle d’émotions par le visage). La tristesse est associée à des modifications comportementales : mimique pauvre, diminution des échanges, difficultés d’alimentation ou de sommeil etc.
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chez l’enfant, la tristesse s’associe à une recherche d’isolement, à une diminution d’activité. L’irritabilité et la dévalorisation sont fréquentes.
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chez l’adolescent la tristesse est reconnue aussi par des modifications des expressions et un repli sur soi avec isolement social et perte de confiance. La TP recoupe la plupart des éléments des « états dépressifs »
(4) Les parents (ou l’entourage) sont à l’origine de la consultation. Il n’y a pas de demande spontanée des enfants pour ce symptôme. Leur reconnaissance des signes de tristesse semble dépendante de leur propre état émotionnel.
(5) La tristesse dans les maladies somatiques :
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au cours de quelques maladies somatiques, la tristesse est un symptôme associé qui peut être révélateur. Les modifications de l’humeur sont fréquentes au cours de maladies digestives telles que maladie cœliaque, ou maladies inflammatoires (Crohn). Toutes les affections associées à une fatigue en particulier les pathologies hématologiques : anémie, pathologies malignes. Les intrications psychosomatiques qui associent inquiétude et tristesse sont constantes dans beaucoup de pathologies neurologiques. La tristesse accompagne toujours les fins de vie des enfants.
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les enfants porteurs de TDAH, ont fréquemment des troubles de l’humeur en particulier une TP avec ou sans hyperactivité. Certains présentent un véritable état dépressif ;
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la douleur s’associe ou peut se révéler par une TP ;
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la tristesse est associée à la stigmatisation de certaines pathologies : obésité, troubles dysmorphiques, énurésie.
(6) La tristesse sociale :
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la maltraitance est considérée comme une des causes principales des modifications de l’humeur. Son expression peut être modifiée comme celle de la douleur dans ce contexte. TP et états dépressifs doivent tout au long de l’enfance et de l’adolescence faire rechercher une maltraitance. Les questionnaires type child trauma questionnaire (CTQ) permettent de rechercher les événements traumatiques de type maltraitance ;
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les harcèlements (dont les cyber-harcèlements) sont une forme de maltraitance pouvant se révéler uniquement par une tristesse pathologique ;
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l’événement de base est la séparation avec ses réactions variables de la tristesse à la dépression. La TP n’est pas une constante. Beaucoup d’enfants surmontent ces événements sans pathologie.
(7) La tristesse dans les pathologies psychiatriques :
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le principal diagnostic psychiatrique est la dépression. Elle est possible à tous les âges. La dépression peut être réactionnelle (états dépressifs ?) ou véritable maladie. La tristesse n’est qu’un des éléments de la dépression. Très proche de la TP, la dépression s’inscrit dans la durée (plus de deux semaines) et l’accompagnement de symptômes secondaires inhibition, état maniaque ou troubles somatomorphes ;
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les troubles anxieux s’accompagnent souvent de TP avec d’autres symptômes : panique, phobie, mutisme phobie scolaire, troubles du sommeil. Les traumatismes de l’enfance peuvent être suivis de TPST avec au premier plan des phénomènes anxieux.
Liens d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts en relation avec cet article.
Ce Pas à Pas a été validé par la Société française de neurologie pédiatrique
Références
Lobue V, Thrasher C the Child Affective Facial Expression (CAFE) set: validity and reliability from untrained adults Frontiers in Psychology 2015 www.frontiersin.org.
Gloanec Y, Garet Gloanec N. La dépression de l’enfant Med Ther Pediatr 2008;11:100-7.
Pont SJ, Puhl R, Cook SR, et al. AAP section on obesity, the obesity society. Stigma Experienced by Children and Adolescents With Obesity. Pediatrics. 2017;140:e20173034.
Denis H, Baghdadli A. Les troubles anxieux de l’enfant et l’adolescent Arch Pediatr 2017;24:87–90.