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Date de mise à jour 18/05/2018

Les inégalités de longueur des membres inférieurs

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F. Launay

Service des urgences Pédiatriques, hôpital Timone Enfants, 264 rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5
Auteur correspondant - Adresse e-mail : franck.launay@gmail.com (F. Launay)

Les inégalités de longueur des membres inférieurs

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Arbre diagnostique – Commentaires

Devant une inégalité de longueur des membres inférieurs (ILMI),

il y a trois questions successives à se poser :

  • quelle est l’importance de l’ILMI ?

  • quel est le pronostic de cette ILMI ?

  • quel traitement possible de cette ILMI ?

(1) Quelle est l’importance de l’ILMI ?  L’ILMI peut se mesurer de façon clinique et de façon radiographique.

D’un point de vue clinique, la mesure peut se faire debout en mettant une cale sous le pied du côté le plus court jusqu’à ce que le bassin soit équilibré. Lorsque le bassin est équilibré, il suffit alors de mesurer la hauteur de la cale afin de connaître l’ILMI. Cependant, la mesure peut se faire en position couchée en mesurant avec un mètre ruban la distance entre l’épine iliaque antéro-supérieure et la malléole interne. La précision de ce type de mesure est de l’ordre du centimètre.

D’un point de vue radiographique, la meilleure solution pour mesurer l’ILMI est de réaliser une téléradiographie des deux membres inférieurs debout de face avec les deux genoux tendus, ce qui a l’avantage de prendre en compte une éventuelle différence de hauteur des deux pieds dans le calcul de l’ILMI. Ce type de radiographie permet également de mesurer les différents segments osseux permettant ainsi de savoir quel est le segment responsable de l’ILMI.

(2) Quel est le pronostic de l’ILMI ? Pour connaître l’ILMI en fin de croissance, il faut tout d’abord connaître la cause de cette ILMI. Afin de répondre à cette question, il faut s’en poser plusieurs : L’origine de cette ILMI est-elle congénitale ou acquise ?

S’agit-il d’une hypotrophie ou d’une hypertrophie ? En d’autres termes, est-ce le membre le plus court qui est pathologique, ou est-ce le membre le plus long ?

S’agit-il d’une ILMI régulière évoluant de façon constante, d’une ILMI irrégulière, ou d’une ILMI d’épiphysiodèse secondaire à la destruction d’un cartilage de croissance ?

Parmi les ILMI congénitales, on peut citer :

  • les ILMI par hypotrophie : hypoplasie essentielle ; hémimélie tibiale ; hémimélie fibulaire ; pied bot varus équin ;

  • les ILMI par hypertrophie : hémi-hypertrophie ; malformations vasculaires (Klippel-Trenaunay).

Les ILMI d’origine congénitale sont stables avec le temps. Elles restent identiques en valeur relative, mais du fait de la croissance de l’enfant, elles vont avoir tendance à augmenter avec le temps. Par exemple, une ILMI à la naissance de l’ordre de 2 cm donnera une ILMI en fin de croissance d’environ 10 cm.

Parmi les ILMI acquises, on peut citer :

  • les ILMI par hypotrophie : neurologique (polio, hémiplégie cérébrale infantile) ; épiphysiodèse post-traumatique ; épiphysiodèse post-infectieuse ;

  • les ILMI par hypertrophie : fractures diaphysaires ; tumeurs ;

Les ILMI d’origine acquise sont d’évolution variable. Ainsi, les ILMI neurologiques et tumorales sont irrégulières. Les ILMI par fracture diaphysaire sont régulières. Elles sont liées à une stimulation des cartilages de croissances sus-jacent et sous-jacent à la fracture pendant une période de seulement 18 mois, puis elles stoppent leur évolution. Enfin, les ILMI liées à une atteinte d’un cartilage de croissance, qu’elle soit infectieuse ou traumatique, sont des ILMI d’épiphysiodèse.

Avec tous ces éléments, il est alors possible d’évaluer le pronostic de l’ILMI en fin de croissance. La première méthode disponible est la méthode arithmétique de Ménelaus, qui est peu utilisée au profit des méthodes graphiques, mais qui a l’avantage de la simplicité. Elle consiste à estimer l’aggravation de l’ILMI par plusieurs mesures successives permettant d’extrapoler l’ILMI finale.

Cependant, il paraît utile de pouvoir estimer l’ILMI finale en une seule consultation afin de prévoir au mieux et suffisamment à l’avance la prise en charge thérapeutique ultérieure. C’est pour cette raison que les méthodes graphiques ont été développées. Elles nécessitent de connaître divers éléments :

  • l’âge osseux ;

  • les courbes de croissance des membres de Green et Anderson ;

  • l’analyse de la croissance de chaque cartilage des membres inférieurs.

L’âge osseux est important puisque nous parlons de croissance et de prévision d’ILMI finale. Il faut donc pouvoir l’apprécier cliniquement (stade pubertaire) et radiographiquement (stade de Risser, radiographies du coude gauche, radiographies de la main gauche et du poignet gauche). Les radiographies permettent en mesure qualitative par l’analyse de l’apparition, de la modification morphologique et de la soudure des points d’ossification. Ainsi, pour le coude on peut utiliser les méthodes de Sauvegrain ou de Sempé qui sont très précises entre 10 et 12 ans. L’évaluation de l’âge osseux de la main se fait par la lecture de l’atlas de Greulich et Pyle ou du logiciel Maturos. En pratique quotidienne, on utilise en fait la moyenne de ces différents âges osseux pour apprécier au mieux cet âge.

Les courbes de croissance des membres de Green et Anderson sont des courbes publiées en 1964 à partir de l’analyse des longueurs chez 67 garçons et 67 filles. Elles permettent d’y noter la longueur de chaque segment de membre de 0 à 18 ans avec une courbe moyenne et des écarts types.

Enfin, il faut connaître la contribution de chaque épiphyse à la croissance des membres inférieurs. Le genou est responsable de 65 % de la croissance en longueur du membre inférieur. En ce qui concerne le fémur, le cartilage de croissance distal est responsable de 70 % de la croissance en longueur du fémur alors que le cartilage de croissance proximal en est responsable que de 30 %. En ce qui concerne le tibia, la différence est moins nette car le cartilage de croissance proximal est responsable de 57 % de la longueur finale du tibia alors que le cartilage de croissance distal n’en est responsable que de 43 %.

Parmi les méthodes graphiques existantes, on peut citer la méthode de Héchard et Carlioz, qui est la plus utilisée en France. Elle consiste à reporter sur un graphique la longueur de chaque segment afin de pouvoir extrapoler l’inégalité de longueur des membres inférieurs.

Cependant, afin d’aider le clinicien à évaluer rapidement une ILMI finale, il existe des applications smartphones qui faciliteront cette prise en charge prévisionnelle.

(3) Quel traitement possible de l’ILMI ? De façon très schématique, il existe 4 types d’ILMI :

  • les ILMI extrêmes (> 20 cm) ;

  • les ILMI majeures (entre 4 et 20 cm) ;

  • les ILMI moyennes (entre 2 et 4 cm) ;

  • les ILMI mineures (< 2 cm).

Les ILMI extrêmes relèvent plus de l’amputation et de l’appareillage par prothèse. Les ILMI majeures relèvent plutôt de l’allongement du membre le plus court. Les ILMI moyennes relèvent plutôt de l’épiphysiodèse ou le ralentissement de la croissance du côté le plus long, alors que les ILMI mineures relèvent plutôt de l’appareillage par une simple semelle de compensation.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts en relation avec cet article

Références

Hamel A, Launay F, Viehweger E, Jouve JL, Bollini G, Rogez JM. Iné- galité de longueur des membres inférieurs chez l’enfant. Médecine Thérapeutique/Pédiatrie 2004,7:40-6.

Jouve JL, Bollini G, Launay F, Glard Y, Craviari T, Guillaume JM, Panuel M. Cartilage de croissance et croissance en orthopédie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale. Elsevier 2009, 14-009-A-10.