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Date de mise à jour 13/05/2017

Hémorragie génitale de la petite fille

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A. Cartault, G. Hanrot, C. Pienkowski

Unité d’endocrinologie, génétique, maladies osseuses et gynécologie médicale, Hôpital des enfants, Toulouse, France
Auteur correspondant. Adresse e-mail : crc@chu-toulouse.fr
 
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Arbre diagnostique – Commentaires

(1) Les causes d’un saignement génital chez une petite fille prépubère sont multiples. La démarche diagnostique va consister en un interrogatoire et un examen clinique général à la recherche de signes associés (développement pubertaire) et un examen gynécologique pour localiser l’origine du saignement (vulvaire ou endovaginal) et rechercher d’eventuelles leucorrhées.

Saignement d’origine vulvaire

(2) Cause traumatique : la chute à califourchon est la cause la plus fréquente des plaies de la vulve. Les lésions siègent généralement au niveau de la partie antérieure de la vulve. Selon le contexte et le type de plaie, on pourra être amené à évoquer également un sévice sexuel.

(3) Atteintes cutanéomuqueuses : ces lésions ne donnent pas d’hémorragie abondante et se traduisent généralement par quelques traces de sang isolées :

  • les vulvites simples sans surinfection bactérienne ou mycosique le plus souvent : lésions de grattage, fissures ;

  • le lichen scléreux vulvaire : il peut exister de petites hémorragies locales ou hématomes sous-épithéliaux. Une des plaintes majeures est le prurit vulvaire ;

  • les angiomes et les malformations vasculaires peuvent s’accompagner de saignements lorsque les lésions atteignent les muqueuses. Ces malformations sont souvent connues depuis la petite enfance. Un bilan exhaustif des autres localisations est nécessaire.

(4) Le prolapsus de l’urètre : il s’observe plus fréquemment chez les petites filles de race noire. Le prolapsus occasionne rarement des symptômes urinaires. A l’examen, on observe une tuméfaction arrondie rouge framboisée de volume très variable, située sous le clitoris et non douloureuse.

(5) Saignement d’origine endovaginale

Devant des leucorrhées associées au saignement, il faudra s’attacher en premier lieu à rechercher un corps étranger endovaginal par un interrogatoire précis et un examen clinique spécialisé. Des examens complémentaires peuvent être nécessaires : radiographie (abdomen sans préparation), échographie pelvienne et de la filière vaginale.

(6) Beaucoup plus rarement, l’hémorragie peut provenir d’une tumeur cervico-vaginale, généralement maligne (botriosarcome, adénocarcinome, tumeur du sac vitellin). Il s’agit alors d’hémorragie de sang rouge, la tumeur peut être extériorisée à la vulve.

(7) Saignement d’origine utérine

Le saignement est lié au développement de la muqueuse endométriale utérine secondaire à une stimulation hormonale œstrogénique. Ceci est mis en évidence par l’échographie qui montre la présence d’un fin liseré blanc correspondant à la ligne endométriale. On observe des signes cliniques pubertaires associés, secondaires à l’imprégnation œstrogénique : développement mammaire et pilosité pubienne.

(8) Ces petites ménarches sont inaugurales de la puberté qui se déroulera normalement par la suite.

La stimulation hormonale peut cependant être permanente : il peut s’agir d’une puberté précoce centrale (début pubertaire avant 8 ans). Les saignements s’associent à un développement pubertaire, une accélération de la croissance et une avance de la maturation osseuse.

Il peut s’agir d’une activité ovarienne autonome :

  • les kystes sécrétants ovariens notamment dans le syndrome de Mc Cune Albright surviennent chez la toute petite fille (2 à 4 ans). Ce syndrome associe une puberté précoce périphérique, une atteinte cutanée (taches café au lait) et une atteinte osseuse (dysplasie osseuse). Le diagnostic est effectué par échographie pelvienne qui note la présence d’une masse ovarienne anéchogène, strictement liquidienne. La mutation des protéines Gs-a  est recherchée dans le sang périphérique ou le liquide de ponction du kyste ;

  • les tumeurs ovariennes sécrétantes dont les plus fréquentes sont les tumeurs de la granulosa qui correspondent à des tumeurs des cordons sexuels sécrétant des stéroïdes. Elles surviennent chez la fille pré pubère (6-8 ans) et s’associent à des signes cliniques de développement pubertaire voire parfois à des signes de virilisation. L’échographie montre une masse ovarienne hétérogène, le taux d’œstradiol est élevé ainsi que l’inhibine et l’AMH (hormone anti mullérienne).

Cette sécrétion d’œstrogènes peut être transitoire : Un saignement peut survenir chez le nouveau-né la 1re semaine de vie. On l’appelle aussi crise génitale ; elle est physiologique, liée à l’activation transitoire de l’axe hormonal et va régresser spontanément en quelques jours. Chez la fillette plus âgée, il peut s’agir également de menstruations précoces pouvant durer quelques jours et se reproduire de façon cyclique pendant deux à trois mois, avant de régresser spontanément.

Tout saignement issu de l’orifice vaginal devra être adressé à un gynécologue afin de réaliser une vaginoscopie et une imagerie par échographie afin d’éliminer une lésion tumorale. Il arrive parfois qu’aucune cause ne soit retrouvée au saignement. Le saignement serait probablement lié à une fragilité de la muqueuse vaginale. Une surveillance s’impose. En cas d’hémorragie génitale abondante, l’enfant devra immédiatement être hospitalisée en milieu spécialisé, le risque étant une hémorragie grave avec choc hypovolémique et anémie aiguë.

Références

Duflos-Cohade C, Thibaud E. Gynécologie pédiatrique. EMC, Paris : Elsevier Ed., Pédiatrie, [4-107-D-20], 1998.

Imai A, Horibe S, Tamaya T. Genital bleeding in premenarcheal children. BJOG 1995;49:41-5.

Pienkowski C, Lumbroso S, Bieth E, et al. Recurrent ovarian cyst and mutation of the Gsa gene in ovarian cyst fluid cells: What is the link with McCune Albright syndrome? Acta Paediatr 1997;86:1019-21.

Pienkowski C, Baunin C, Gayrard M, et al. Ovarian mass in adolescent Girls. Endocr Dev 2004;7:163-82.