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Hypercholestérolémie de l’enfant
J. Lemale¹*, P. Tounian¹
1Service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques, hôpital Trousseau, Groupe hospitalier Est-Parisien, AP-HP, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris Cedex 12, France *Auteur correspondant - Adresse e-mail : julie.lemale@aphp.fr (J. Lemale). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.Article validé par : | |
SFP (Société Française de Pédiatrie) GFHGNP (Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques) SFEDP (Société Française d’Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique) |
Introduction
L’hypercholestérolémie (HC) de l’enfant est le plus souvent découverte lors d’un dépistage ciblé de la population pédiatrique ayant des antécédents familiaux de dyslipidémie. Il s’agit le plus souvent d’une HC familiale (HCF) par mutation du récepteur Low Density Lipoprotein (LDL) ou plus rarement de l’apolipo protéine B 100 (ApoB 100), mais des formes polygéniques sont possibles. En pratique clinique, l’origine génétique de l’HC n’a pas d’importance, seuls les taux de LDL-cholestérol doivent être pris en compte. Les HC sévères, le plus souvent familiales, nécessitent une prise en charge dès l’âge pédiatrique en raison de leur évolution potentiellement grave à moyen et long termes. En effet dans ces formes d’HC, bien que silencieuses cliniquement, les lésions d’athérosclérose débutent dès les premières années de vie ; elles peuvent être mises en évidence par une augmentation de l’épaisseur intimamédia et des altérations de la fonction artérielle. Le premier événement coronarien survient en moyenne 20 ans plus tôt par rapport à la population générale. Compte tenu de ce risque d’accidents cardiovasculaires prématurés, il est recommandé d’abaisser le taux de LDL-cholestérol dès l’enfance avec un traitement spécifique.
Conduite à tenir face à une HC
(1) Un taux de LDL-cholestérol > 1,60 g/L doit être contrôlé sur un deuxième prélèvement après 12 heures de jeûne à 2-4 semaines d’intervalle. En cas d’antécédents familiaux d’HCF et/ou d’accidents vasculaires précoces, le contrôle est réalisé si le LDL- cholestérol > 1,30 g/L. Un bilan lipidique complet doit être pratiqué avec dosage du High Density Lipoprotein (HDL)-cholestérol et des triglycérides.
(2) Actuellement, un dépistage ciblé de la population pédiatrique, réalisé en cas d’antécédents familiaux d’HCF et/ou d’accidents vasculaires précoces, semble raisonnable : il doit être fait à partir de 6-8 ans, voire plus tôt s’il y a une suspicion d’HCF homozygote ou si les parents le souhaitent. Le dépistage concerne également les enfants dont les antécédents familiaux sont inconnus (enfants adoptés, naissance par procréation médicalement assistée [PMA] ou gestation pour autrui [GPA]).
L’intérêt d’un dépistage généralisé est discuté car il risque d’accroître l’anxiété des familles et d’entraîner des diagnostics et traitements abusifs. De même, la recherche systématique d’une HC n’est pas justifiée chez l’enfant obèse en l’absence d’antécédent d’HCF.
(3) L’interrogatoire doit rechercher des antécédents familiaux d’HCF, de traitements par statines, d’accidents vasculaires précoces (insuffisance coronarienne, accident vasculaire cérébral, mort subite) avant 55 ans chez l’homme et avant 60 ans chez la femme chez les apparentés des 1er, 2e et 3e degrés (utilisation du Dutch Lipid Clinic Score pour les parents). La notion de maladie chronique ou la prise d’un traitement médicamenteux doivent être rapportées afin d’éliminer une cause secondaire d’HC. L’examen clinique doit être complet avec le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) et la recherche de xanthomes cutanés qui sont exceptionnels chez l’enfant.
(4) Les causes secondaires sont à éliminer. Parmi celles-ci, on recherchera des causes endocriniennes ou métaboliques (hypothyroïdie, anorexie mentale), des causes viscérales (cholestase, syndrome néphrotique, insuffisance rénale), une maladie de surcharge (glycogénose, sphingolipidose), un syndrome de Klinefelter et la prise de médicaments parmi lesquels des rétinoïdes, des corticoïdes, des bêtabloquants ou des contraceptifs oraux. Devant une HC, un bilan biologique ou radiologique systématique à la recherche d’une cause secondaire n’est pas nécessaire, celui-ci sera pratiqué selon les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
(5) De façon associée, les différents facteurs de risque doivent être recherchés : obésité, diabète, hypertension artérielle, tabagisme actif de l’adolescent, antécédents d’accidents cardiovasculaires prématurés chez les parents au 1er et 2e degrés : < 55 ans chez les hommes et < 60 ans chez les femmes, lipoprotéine (a) (Lp(a)) > 500 mg/L.
(6) On distingue d’une part les formes polygéniques dont la transmission n’est pas mendélienne. Leurs expressions sont rares en pédiatrie. Le LDL-cholestérol est dans la majorité des cas < 1,90 g/L. Dans ces formes, aucune prise en charge spécifique n’est nécessaire en pédiatrie.
(7) D’autre part, il existe les formes monogéniques de transmission mendélienne, autosomique dominante, avec un LDLcholestérol souvent > 1,90 g/L. Un dépistage génétique doit être proposé à l’enfant et sa famille, avec accord des parents et consentement écrit, à la recherche d’une mutation hétérozygote des gènes impliqués dans le métabolisme des LDL (gène du récepteur du LDL, de l’ApoB 100 et de la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 [PCSK9]). Le traitement diététique est systématiquement proposé en première ligne. La période pubertaire peut minimiser l’HC et nécessite une réévaluation en cas de bilan limite en fin de puberté.
À noter que les mutations homozygotes du gène codant pour le récepteur du LDL sont exceptionnelles et nécessitent une prise en charge très précoce avec réalisation d’aphérèses.
(8) Le traitement diététique repose sur : a) une limitation de la consommation des acides gras (AG) saturés et des aliments riches en cholestérol (beurre, laitages non écrémés, fromages > 50 % de matières grasses, viandes grasses, charcuterie, fritures, oeufs, etc.) ; b) une consommation d’AG monoet poly insaturés (huile de colza, huile d’olive, margarines, poissons) ; c) la consommation d’aliments riches en stérols végétaux (certaines margarines et yaourts). Le régime doit être réalisé au moins 3 à 6 mois avant une nouvelle évaluation du bilan lipidique. Une activité physique régulière est également préconisée, bien qu’elle n’ait pas d’influence directe sur les concentrations plasmatiques de LDL-cholestérol.
(9) Après l’âge de 8 ans et après des mesures hygiénodiététiques adéquates bien suivies, un traitement par statines doit être débuté en cas de LDL-cholestérol > 1,90 g/L (en l’absence de facteurs de risque associés) ou de LDL- cholestérol > 1,60 g/L (en présence de facteurs de risque associés). Le bilan préthérapeutique comprend le dosage des transaminases et de la créatine phosphokinase (CPK). La pravastatine ou l’atorvastatine sont les molécules utilisées en 1re intention, elles sont débutées à la dose minimale de 10 mg puis progressivement augmentées si nécessaire pour atteindre l’objectif thérapeutique qui est un LDL- cholestérol < 1,30 g/L. Ces traitements sont très bien tolérés chez l’enfant. La surveillance biologique est effectuée 3 mois après l’initiation du traitement puis tous les ans avec la réalisation d’un bilan lipidique complet et le dosage des transaminases, la CPK sera dosée uniquement en cas de douleurs musculaires.
Conclusion
La découverte d’une HC chez l’enfant doit être confirmée par un deuxième prélèvement à jeun à distance du premier. En cas de confirmation de taux élevés du LDL-cholestérol, des causes secondaires doivent être éliminées avant de poser le diagnostic d’HC primitives. Parmi celles-ci, on distingue les formes polygéniques avec une élévation modérée du LDL-cholestérol et les formes monogéniques dont la prise en charge est souhaitable dès l’enfance en raison d’un risque cardiovasculaire précoce. Les mesures diététiques sont insuffisantes dans ces formes monogéniques et le recours à un traitement médicamenteux par statine est le plus souvent nécessaire.
Liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Références
Wald DS, Bestwick JP, Morris JK, Whyte K, Jenkins L, Wald NJ. Child – Parent Familial Hypercholesterolemia Screening in Primary Care. N Engl J Med 2016;375:1628-37.
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Cuchel M, Bruckert E, Ginsberg HN, Raal FJ, Santos RD, Hegele RA, et al. Homozygous familial hypercholesterolaemia: new insights and guidance for clinicians to improve detection and clinical management. A position paper from the Consensus Panel on Familial Hypercholesterolaemia of the European Atherosclerosis Society. Eur Heart J 2014;35:2146-57.
Mamann N, Lemale J, Karsenty A, Dubern B, Girardet JP, Tounian P. Intermediate-term efficacy and tolerance of statins in children. J Pediatr 2019, In press.