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Troubles du comportement alimentaire du nourrisson
V. Abadie
Hôpital Necker, Faculté Paris Descartes, Paris, France Correspondance - Adresse e-mail : veronique.abadie@nck.aphp.fr (V. Abadi) Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Arbre diagnostique – Commentaires
(1) Le comportement alimentaire du nourrisson dépend de nombreux facteurs : anatomiques, neurologiques, neurohormonaux, sensoriels, psychologiques. Selon que l’un ou l’autre de ces facteurs est altéré, la sémiologie va être différente et correspondre à des causes hétérogènes, du plus organique (fausses routes directes d’un diastème laryngé) au plus psychogène (refus alimentaire d’un trouble du lien mère-bébé). De plus, ces troubles surviennent souvent chez des enfants qui ont des pathologies neurologiques ou syndromiques sous-jacentes, qu’elles soient ou non identifiées au moment où la question du trouble alimentaire se pose. Enfin, on sait que la nutrition artificielle, les séjours en réanimation dans les premières semaines, une chirurgie précoce… ont un effet délétère sur le vécu corporel du bébé, la régulation de l’appétit et le lien parent-enfant. Tous ces éléments expliquent pourquoi l’approche diagnostique d’un TCA du jeune enfant est essentiellement clinique, basée sur une anamnèse orientée, sur l’observation de l’enfant, de son environnement, la perception de son histoire. Aucune investigation n’est systématique. Elles ne dépendent que des hypothèses diagnostiques évoquées sur la clinique qui analyse tout d’abord finement le carrefour aérodigestif, l’existence ou non d’un contexte syndromique et l’examen neurodéveloppemental du bébé.
(2) La première question à se poser devant un TCA est de savoir s’il existe ou non une incompétence du carrefour aérodigestif. Si la clinique est en faveur (fausses routes, stridor, bruit pharyngolaryngé, pneumopathie), il faut demander une fibroscopie complète pour différencier les anomalies anatomiques (kystes, angiomes, diastème, fistule) des anomalies fonctionnelles du carrefour aérodigestif (CAD). En cas d’anomalies fonctionnelles, l’examen neurologique de toutes les paires crâniennes et de toutes les fonctions sensorimotrices et neuromusculaires, associé à la réalisation d’une manométrie de l’œsophage, va permettre de différencier trois cas de figure. Dans le premier, clinique et laryngoscopie sont en faveur d’une incompétence du CAD isolée ou tableau de dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral (DNTC) sans autre anomalie à l’examen neurologique. La présence ou non d’éléments dysmorphiques et/ou malformatifs orientent alors vers un DNTC isolé ou vers un DNTC syndromique. Dans ce dernier cas, la présence ou non d’une fente palatine postérieure oriente vers le champ des séquences de Pierre Robin (isolée, syndromiques ou associées) ou vers celui des DNTC (syndromique : Del 22 q11, CHARGE, Kabuki …. ou associé). S’il existe une anomalie des nerfs crâniens ou des signes d’atteinte de la fosse postérieure, une IRM cérébrale s’impose pour éliminer les anomalies malformatives, acquises ou clastiques de la fosse postérieure. Si cette dysfonction du carrefour aérodigestif s’accompagne de signes neuromusculaires (hypotonie, fatigabilité, syndrome extrapyramidal…), il faut évoquer des anomalies neurologiques ou neuromusculaires congénitales qui se révèlent par des symptômes trompeurs (myotonie de Steinert, myasténie congénitale, atteinte des noyaux gris centraux d’origine métabolique …) et demander les examens spécifiques (EMG, biologie moléculaire).
(3) Si, à la première question, la réponse est positive, c’est-à-dire que le CAD est compétent, il faut se demander si une dyspnée gêne l’alimentation.
(4) Si le nourrisson a un CAD compétent et pas de dyspnée, l’examen neurologique et général élimine ensuite les causes secondaires : tonus insuffisant (chez le nouveau-né) ou asthénie liée à une maladie générale (chez le plus grand). Il faut ensuite se demander par un examen morphologique complet si on est face à une pathologie syndromique ou non.
(5) Dans le cas de figure où l’on est face un enfant « normal », non syndromique qui a un carrefour compétent, pas de dyspnée, pas de pathologie évolutive évidente, on évoque ensuite un trouble digestif, ce d’autant que l’enfant a une symptomatologie douloureuse au cours du repas : douleur du tractus digestif, RGO mal toléré, œsophagite.
(6) S’il n’y a aucun signe de RGO, on évoque une allergie aux protéines du lait de vache (APLV) en recherchant une atopie familiale, une xérose cutanée, des troubles intestinaux… un diallertest et une tentative d’exclusion des PLV peut être proposée. Si le test n’est pas concluant, il faut savoir revenir en arrière car la saveur désagréable des hydrolysats et la contrainte de ces régimes accentuent les TCA psychogènes.
(7) Si ni les douleurs, ni le RGO ni l’APLV n’expliquent les troubles, on cherche des arguments en faveur d’une dysmotricité digestive ou des antécédents de DNTC a minima (difficultés de succion précoce, échec de l’allaitement maternel, minime stridor), symptômes qui ont pu passer inaperçus pour les médecins et font le lit des troubles du lien mère-enfant.
(8) Si aucune anomalie organique objective n’est retrouvée, on est face à un refus alimentaire, une phobie corporelle ou psychique (ou les deux). C’est alors l’histoire de l’enfant, son passé, son vécu qui permettent de différencier les TCA post-traumatiques des TCA d’origine purement psychogène. L’analyse de l’histoire familiale, de la personnalité des parents, du lien
mère-bébé, du comportement de l’enfant permet alors de différencier les psychoses débutantes, les formes graves d’anorexie psychogène chez des bébés anxieux ou déprimés, les bébés hypersensibles, hyperesthésiques qui réagissent brutalement aux contrariétés qu’elles soient corporelle ou psychique, du bébé normal qui subit un trouble du lien par pathologie socio-affective, psychologique ou psychiatrique maternelle.
Références
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