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Date de mise à jour 26/05/2023

Découverte d’une HTA chez l’enfant

 

P. Vergnaud1, C. Bertail-Galoin2

1Service de néphrologie pédiatrique, CHU Necker Enfants-Malades, AP-HP, Paris, France
2Département médico-chirurgical de cardiologie congénitale foetale, de l’enfant et de l’adulte, CHU de Lyon, Lyon, FranceService de néphrologie-rhumatologie et dermatologie pédiatrique, hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices Civils de Lyon, Bron, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : paul.vergnaud@aphp.fr (P. Vergnaud).
 

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Article validé par :

Filiale de Cardiologie Pédiatrique et Congénitale (FCPC)

Société de Néphrologie Pédiatrique (SNP)

 

Introduction

L’hypertension artérielle (HTA) de l’enfant concerne environ 4 % de la population pédiatrique à travers le monde. La mesure de la pression artérielle (PA) doit être systématique en consultation chez l’enfant de plus de 3 ans, et une HTA de l’enfant doit être dépistée idéalement de façon annuelle. Avant l’âge de 3 ans, la prise de la PA doit être effectuée devant certains facteurs de risque. La mesure auscultatoire est recommandée, avec un brassard adapté à l’enfant (la hauteur du brassard doit couvrir les 2/3 du bras, et la partie qui se gonfle doit correspondre à 80 à 100 % de la circonférence du bras). Une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA), également appelée « holter tensionnel », peut parfois être nécessaire chez le grand enfant (taille > 120 cm) pour éliminer un effet « blouse blanche ». Une échocardiographie (recherche d’une augmentation de l’épaisseur pariétale) peut également remplir cette fonction si elle est facilement disponible, mais ne dispense pas d’une surveillance au décours, pour ne pas passer à côté d’une HTA réelle débutante.

Il faudra toujours s’assurer que la PA de l’enfant soit prise au calme, dans un contexte adapté, et éviter tout biais de mesure surestimant la valeur réelle de la PA (agitation, pleurs, fièvre, douleurs…). Il est donc recommandé de mesurer la PA dans un environnement calme, chez un enfant en position allongée depuis 5 min. Si celle-ci est impossible, on peut aussi mesurer la PA aux bras en position assise (pieds posés sur le sol non suspendus, dos et bras soutenus, pli du coude au niveau du coeur), mais pas la PA aux membres inférieurs, qui serait systématiquement majorée dans cette position).

L’HTA de l’enfant est le plus souvent secondaire et l’HTA de l’adolescent le plus souvent « essentielle ». Néanmoins, l’HTA essentielle (primaire) reste un diagnostic d’élimination chez l’enfant et l’adolescent après avoir écarté une cause secondaire.

Conduite diagnostique devant une découverte d’HTA de l’enfant

(1) Les valeurs de PA doivent être interprétées en fonction du sexe, de l’âge et de la taille de l’enfant en se reportant à des abaques (cf. ci-après tableau simplifié selon l’âge, et courbes selon la taille ; pour des tableaux plus complets, cf. abaques de l’AAP, garçon : https://publications.aap.org/view-large/7674617, fille : https://publications.aap.org/view-large/7674618). Il existe également des outils numériques facilitant le dépistage de l’HTA chez l’enfant en pratique courante : https://maladiesraresnecker.aphp.fr/calculatrice-ta-pediatrique/). Une PA inférieure au 90e percentile (p) pour l’âge, le sexe et la taille sur les tables de référence est considérée comme normale. Dans ce cas, la PA doit simplement être contrôlée de façon annuelle au cours des consultations systématiques de suivi. Toute anomalie de la PA chez l’enfant doit imposer la prise de la PA aux 4 membres ou au minimum la prise de la PA au membre supérieur droit et à un membre inférieur (droit ou gauche).

Tableau 1. Repères tensionnels simplifiés pour la détection d’une HTA en fonction de l’âge et du sexe, 90e percentile (pré-HTA). Source : HTA de l’enfant et de l’adolescent, Consensus d’Experts de la Société Française d’Hypertension Artérielle..
Âge (années) Pression artérielle (mm Hg)
Garçons Filles
PAS PAD PAS PAD
1 98 52 98 54
2 100 55 101 58
3 101 58 102 60
4 102 60 103 62
5 103 63 104 64
6 105 66 105 67
7 106 68 016 68
8 107 69 107 69
9 107 70 108 71
10 108 72 109 72
11 110 74 111 74
12 113 75 114 75
>=13 120 80 120 80

 

Pré-HTA

(2) Une pré-HTA est définie comme une PA comprise entre le 90e et le 95e p selon les abaques.

(3) Une pré-HTA impose la recherche de facteurs de risque d’HTA chez l’enfant parmi lesquels un antécédent personnel de prématurité, d’hypotrophie, d’hospitalisation en réanimation néo natale, de cardiopathie congénitale, de pathologie uro-néphrologique, de transplantation d’organe solide ou greffe de moelle osseuse, d’infections urinaires récidivantes, d’héma turie ou de protéinurie. On recherche également des antécédents personnels et/ou familiaux de pathologie rénale congénitale, neuro fibromatose, sclérose tubéreuse de Bourneville, hyper tension intracrânienne, traitements hypertenseurs, etc., ainsi que la consommation de toxiques à l’adolescence (alcool, tabac, drogues).

(4) Des conseils hygiéno-diététiques doivent être prodigués à chaque consultation pour prévenir l’apparition d’une vraie HTA : régime équilibré en sel, activité physique régulière, prise en charge d’un éventuel surpoids/obésité.

En cas de pré-HTA, la PA doit être surveillée de façon plus rapprochée, au moins tous les 6 mois.

HTA

(5) L’HTA de l’enfant est définie par une PA systolique et/ou diastolique moyenne (calculée sur au moins 3 mesures) supérieure ou égale au 95e p. Le stade 1 correspond à des PA entre le 95e et le 99e p + 5 mmHg alors que le stade 2 est défini par des PA ≥ au 99e p + 5 mmHg. Le stade 1 peut être confirmé par des nouvelles mesures espacées de 7 à 14 jours alors que le stade 2 impose de réaliser le bilan étiologique, l’évaluation des complications et la recherche de facteurs de risque associés à l’HTA sans attendre.

HTA non symptomatique

L’HTA non symptomatique de l’enfant ne nécessite pas d’hospitalisation mais impose la réalisation d’un bilan étiologique. L’HTA essentielle (primaire) reste un diagnostic d’élimination chez l’enfant.

(7) Ce bilan étiologique comprendra systématiquement une recherche des principales causes d’HTA de l’enfant. Il faudra avant tout rechercher une origine rénovasculaire, et éliminer toute néphropathie aiguë ou chronique pourvoyeuse d’HTA ; il faudra également éliminer des causes endocriniennes, notamment une hyperthyroïdie ; enfin, de façon exceptionnelle, une HTA pourra révéler une cardiopathie congénitale, comme par exemple une coarctation aortique de diagnostic tardif. Le bilan à la recherche d’une HTA secondaire comprendra donc de façon systématique : un ionogramme sanguin avec créatininémie, une calcémie, une numération formule sanguine, un ionogramme urinaire avec rapport protéines/créatinine urinaire sur les premières urines du matin et recherche d’hématurie, un bilan thyroïdien, une écho graphie rénale avec étude Doppler, et une échocardiographie afin de mesurer l’épaisseur pariétale et de détecter une coarctation infraclinique (à plus forte raison si souffle cardiaque, anomalies des pouls, différentielle membre supérieur et membre inférieur > 20 mmHg) ; et selon le contexte, une rénine et une aldostérone plasmatique (jeune enfant, HTA stade 2, anomalie Doppler, hypokaliémie), un angioscanner des artères rénales (anomalie Doppler, rénine élevée, neurofibromatose, sclérose tubéreuse de Bourneville, syndrome de Williams-Beuren), un dosage des catécholamines plasmatiques (jeune enfant, HTA stade 2, céphalées, flush, palpitations), un cortisol libre urinaire (signes évocateurs de Cushing).

(8) Le bilan des complications organiques de l’HTA devra comporter un examen neurologique exhaustif avec une imagerie cérébrale au moindre doute (lésions hémorragiques, ischémiques, microangiopathie thrombotique, lésions de la fosse postérieure…). Sur le plan paraclinique, on réalisera un dosage de la protéinurie avec microalbuminurie et recherche d’hématurie sur un échantillon urinaire au lever (il n’est plus recommandé de recueillir les urines sur 24 heures), un bilan d’hémolyse (LDH, haptoglobine, bilirubine, recherche de schizocytes), un bilan hépatique, une échocardiographie si non faite (mesure de l’épaisseur pariétale a minima, le calcul de la masse du ventricule gauche indexée ou MVGi étant l’indice de référence quoique plus complexe) et un examen ophtalmologique avec fond d’oeil (rétinopathie hypertensive). En cas de retentissement organique de l’HTA, le bilan et la prise en charge thérapeutique devront être poursuivis en urgence en milieu spécialisé.

(9) Les facteurs de risque à rechercher sont ceux énumérés au (3). En cas de surpoids ou d’obésité, il faut compléter le bilan avec la recherche des facteurs de risque cardiovasculaires associés : apnées du sommeil, bilan lipidique, glycémie à jeun.

(10) En cas d’HTA non symptomatique et sans complication, une HTA de stade 1 pourra être prise en charge avec des règles hygiéno-diététiques dans un premier temps (paragraphe 4) et ne nécessitera pas de traitement médicamenteux en première intention.

(11) Un traitement pharmacologique sera indiqué en cas d’HTA de stade 1 avec échec des règles hygiéno-diététiques bien conduites pendant 6 mois, mais également en cas d’HTA de stade 2, d’HTA secondaire sans option interventionnelle (sinon privilégier l’intervention avant de traiter), d’atteinte organique, de maladie rénale chronique (MRC) ou de diabète associé. Quel que soit le stade, la cause ou le retentissement de l’HTA, les mesures hygiéno-diététiques devront toujours être associées au traitement pharmacologique.

Les principales molécules utilisées sont les anti-calciques en première intention (notamment amlodipine, débuter à 0,1 mg/kg × 1/j sans dépasser 5 mg chez l’enfant et 10 mg chez l’adolescent), ainsi que les autres classes ayant une AMM et des formes galéniques permettant leur utilisation en population pédiatrique, seuls ou en association : les bêta-bloquants (acébutolol, propranolol), les inhibiteurs de l’enzyme de conversion en l’absence de sténose des artères rénales, d’insuffisance rénale ou d’hyperkaliémie (captopril, énalapril), les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine II (valsartan) et les diurétiques de l’anse ( furosémide).

HTA symptomatique

(12) Une HTA symptomatique, quel que soit le stade, doit conduire à une hospitalisation immédiate pour évaluation des facteurs de risque, bilan des complications et mise en place rapide de traitements anti-hypertenseurs. Les symptômes d’HTA sont peu spécifiques : ils peuvent aller de signes cliniques mineurs tels que des céphalées plutôt en casque et pulsatiles à prédominance matinale, des douleurs abdominales, des vomissements, des vertiges ou encore des acouphènes, jusqu’à des signes plus sévères comme une cassure staturo-pondérale ou des épistaxis récidivantes.

(13) Une HTA menaçante est définie comme une HTA avec retentissement organique sévère, décelable en consultation par les symptômes suivants :
atteinte neurologique : céphalées importantes, vomissements, signes méningés ou d’hypertension intracrânienne et/ou signes de localisation ;
atteinte cardiaque : dyspnée, douleurs thoraciques et/ou signes d’insuffisance cardiaque ;
atteinte ophtalmologique : flou visuel, myodésopsies (mouches volantes) ou amputation du champ visuel.

Devant une HTA menaçante, il faudra adresser en urgence le patient dans un centre pédiatrique spécialisé et éventuellement débuter un traitement par inhibiteurs calciques en préhospitalier si le délai avant l’arrivée aux urgences est potentiellement > 1 heure (Nicardipine per os 0,5 mg/kg max 20 mg), +/- appel du SAMU pour mise en place d’un traitement IV.

(14) Une HTA symptomatique nécessitera une prise en charge immédiate en milieu spécialisé avec mise en place rapide et immédiate d’un traitement médicamenteux tel que Nicardipine per os (PO) (Loxen®, 0,5 mg/kg/prise max 20 mg/prise, 3 prises par jour maximum avec périodes réfractaires d’1 heure) puis instauration d’un traitement au long cours.

(15) Une HTA menaçante nécessitera l’instauration d’un traitement par Nicardipine en intraveineux (cf. paragraphe 11) à la seringue électrique (IVSE) (0,5 à 5 μg/kg/minute pur sur voie veineuse centrale ou diluée au moins au 1/20e sur voie veineuse périphérique), parfois instauré dès la prise en charge préhospitalière. Le patient devra être hospitalisé en unité de surveillance continue/réanimation pédiatrique ou en unité spécialisée (néphrologie pédiatrique notamment) pour la prise en charge diagnostique et thérapeutique.

Conclusion

L’HTA de l’enfant et de l’adolescent doit être dépistée de façon annuelle à partir de l’âge de 3 ans, voire plus précocement en cas de facteurs de risque d’HTA. Contrairement à l’HTA de l’adulte, l’HTA pédiatrique est a priori secondaire et doit conduire à la réalisation d’un bilan étiologique et à l’évaluation de son retentissement. L’HTA est définie comme une PA systolique ou diastolique ≥ 95e p. L’indication d’un traitement médicamenteux anti-hypertenseur dépend du caractère symptomatique, du retentissement de l’HTA, de son étiologie et du terrain. Une HTA symptomatique nécessite systématiquement une évaluation et une prise en charge en urgence en milieu spécialisé pour l’instauration d’un traitement et l’évaluation des conséquences de l’HTA.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Cet article fait partie du supplément Pas à Pas 2023 réalisé avec le soutien institutionnel de Procter & Gamble et Sanofi.

Références

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Bouhanick B, Sosner P, Brochard K, Mounier-Véhier C, Plu-Bureau G, Hascoet S et al. Hypertension in Children and Adolescents: a position statement from a panel of multidisciplinary experts coordinated by the French Society of Hypertension. Front Pediatr 2021;9:680803. DOI: 10.3389/fped.2021.680803

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