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Souffle cardiaque isolé de l’enfant : indication d’une consultation de cardiologie
A. Chantepie
Cardiopédiatre, CHU Tours, hôpital Clocheville, 49, boulevard Béranger, 37044 Tours, France Correspondance - Adresse e-mail : alain.chantepie@univ-tours.fr (A. Chantepie) Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Arbre diagnostique – Commentaires
Le pas à pas présenté ici se veut une aide décisionnelle pour les praticiens de premiers recours confrontés à la découverte d’un souffle cardiaque isolé de l’enfant.
(1) Souffle cardiaque non isolé : la conduite à tenir est différente s’il existe des symptômes fonctionnels (syncope, malaise, palpitation, dyspnée, douleur précordiale), des signes morphologiques évocateurs de syndrome malformatif, ou s’il existe des antécédents familiaux de pathologie cardiaque potentiellement transmissible (myocardiopathie, Marfan, Noonan, etc.) ou des cas de mort subite de sujets jeunes. Ces antécédents ou symptômes ainsi que la présence d’anomalies cardiovasculaires à l’examen clinique (HTA, pouls fémoraux mal perçus, éclat de B2, bruits surajoutés) doivent conduire à demander un avis cardiologique. En cas de souffle cardiaque chez le nouveau-né ou le jeune nourrisson, il convient de s’assurer de l’absence de signes d’alerte prémonitoire d’une urgence cardiaque : mauvaise prise de poids et difficultés pour s’alimenter, cyanose, polypnée et dyspnée, pouls mal perçus.
(2) Un souffle diastolique ou continu correspond en général à une pathologie cardiaque (fuite aortique ou pulmonaire, canal artériel, fistule coronaro-cardiaque notamment), mais il existe un souffle fonctionnel de type continu mieux perçu chez les enfants en position assise ou debout disparaissant avec les mouvements de rotation de la tête : il correspond aux turbulences liées au retour veineux dans la veine cave supérieure.
(3) Souffle systolique : les souffles organiques sont presque toujours entendus pendant la systole ventriculaire ; les souffles fonctionnels sont également en majorité de type systolique : ils ne couvrent habituellement que la première partie de la systole, accolés au premier bruit et à distance du second bruit.
(4) Âge de l’enfant : la probabilité de diagnostiquer une pathologie cardiaque est différente selon l’âge de l’enfant. Elle est élevée chez le nouveau-né et le nourrisson de moins de 3 mois, âge habituel de découverte des cardiopathies congénitales (prévalence de 8 à 10 pour 1 000 naissances). Au-delà de 3 mois cette probabilité devient plus faible. Après l’âge de 3 ans la prévalence des souffles organiques est de moins de 1 pour 1 000. Les cardiopathies diagnostiquées tardivement sont : communication interauriculaire, bicuspidie aortique, sténose aortique ou pulmonaire peu serrée, insuffisance mitrale, persistance de canal artériel, coarctation aortique.
(5) Disparition du souffle en position debout : de nombreux auteurs ont signalé que l’une des caractéristiques principales permettant de distinguer un souffle fonctionnel d’un souffle organique était la diminution d’intensité ou la disparition du souffle lors de l’auscultation de l’enfant debout par rapport à la position couchée. Dans notre expérience, la valeur prédictive positive du caractère fonctionnel d’un souffle systolique après l’âge de 2 ans, lorsque le souffle disparaît en position debout, est de 98 %. Le test d’orthostatisme paraît donc très intéressant à réaliser en pratique courante car il est simple et fiable. Pour être valable, ce test nécessite que l’enfant soit au repos, calme et en position debout depuis au moins 1 à 2 minutes, ce qui permet d’obtenir une diminution du débit cardiaque par rapport à la situation de décubitus.
(6) Souffle fonctionnel : encore appelé « souffle innocent » ou « souffle anorganique », le souffle fonctionnel est un bruit physiologique entendu chez les enfants et les adultes alors que le cœur est normal. Le souffle est dû au bruit normal effectué par le flux sanguin lors de l’éjection du sang du ventricule gauche vers l’aorte : il s’agit d’un souffle d’éjection qui est d’autant plus intense que le débit cardiaque est élevé. La prévalence élevée de ce type de souffle chez l’enfant s’explique surtout par le fait que la distance entre le stéthoscope et les structures cardiaques est faible, ce qui facilite la transmission de tous les bruits intracardiaques, y compris les bruits du cœur qui sont bien plus forts chez les sujets maigres que chez les sujets corpulents. Si le débit cardiaque augmente (fièvre, anémie, effort), le souffle est plus intense ; si le débit cardiaque diminue (orthostatisme), le souffle diminue d’intensité ou disparaît.
En dehors des modifications d’intensité du souffle liées au changement de position de l’enfant, il existe d’autres caractères sémiologiques qui distinguent le souffle fonctionnel du souffle organique, mais ces critères distinctifs ne sont pas absolus et nécessitent une bonne expérience de l’auscultation normale et pathologique de l’enfant. Les principaux critères en faveur d’un souffle fonctionnel sont : faible intensité (1/6 à 3/6), temps uniquement proto- ou protomésosystolique, localisation au bord gauche du sternum à l’endapex, absence d’irradiation, timbre musical vibratoire et absence d’autres modifications auscultatoires.
(7) Avis cardiologique : il est souhaitable, dès lors qu’il existe un doute sur l’origine fonctionnelle ou organique d’un souffle même si celui-ci est isolé. Si, à l’issue de la consultation cardiologique, le doute persiste (ou en cas d’anxiété extrême des parents), une échocardiographie permettra de statuer définitivement sur la cause du souffle.
(8) Absence d’avis cardiologique : le but de l’exposé est de proposer une stratégie diagnostique et un arbre décisionnel permettant d’éviter des avis cardiologiques superflus et des examens inutiles et coûteux. Compte tenu de la prévalence élevée des souffles fonctionnels chez l’enfant après l’âge de 2 ans, le pédiatre devrait avoir suffisamment d’expérience clinique pour repérer avec une grande certitude les souffles fonctionnels. Afin de rassurer complètement les parents et l’enfant, il convient d’expliquer le mécanisme physiologique du souffle fonctionnel et les raisons de sa forte prévalence dans l’enfance, et d’insister sur la normalité des structures cardiaques autorisant la poursuite de toutes les activités normales, y compris sportives.
Liens d’intérêts
L’auteur a déclaré n’avoir aucun lien d’intérêts pour cet article.
Références
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