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Mon enfant n'entend pas
G. Pierre, M. Mondain
Service d’ORL, Hôpital Gui de Chaulliac, 34295 Montpellier cedex 5, France Auteur correspondant - Adresse e-mail : michel.mondain@free.frCliquez sur l'image pour l'agrandir.
Arbre diagnostique – Commentaires
La plainte « mon enfant n’entend pas » est floue, et correspond à de nombreuses situations cliniques. Ce tableau n’est pas exhaustif et reprend les principales étiologies. Il sépare sur la partie gauche, la démarche diagnostique et étiologique face à une surdité ancienne ou progressive, et sur la droite, la démarche clinique face à une surdité d’apparition récente ou brutale. L’otite séreuse ou séro-muqueuse est la cause la plus fréquente de surdité de l’enfant.
Nous voudrions préciser plusieurs points.
(1) Il faut écouter les parents. Concernant les surdités sévères ou profondes bilatérales, l’âge au moment du diagnostic est supérieur de plusieurs mois à l’âge de la suspicion parentale de surdité,et le retard est souvent lié au médecin qui rassure les parents. Le pédiatre n’a pas tous les moyens pour éliminer une surdité, et tout enfant suspect de déficience auditive doit avoir une audiométrie subjective et/ou objective si besoin. Il faut encore rappeler qu’il est possible de faire une audiométrie à tout âge. Un des « effets bénéfiques collatéraux » de la mise en place du dépistage néonatal de la surdité est d’éviter certains de ces écueils.
(2) Tout retard de langage ou de parole doit faire poser la question de la normalité de l’audition. Cette question doit être soulevée en cas de traumatisme de l’extrémité céphalique, de tympan anormal, y compris dans un contexte post-infectieux.
(3) En cas d’état chronique, c’est-à-dire face à une surdité stable ou progressive ou fluctuante, l’audiométrie permet de préciser le mécanisme de la surdité (surdité de transmission par atteinte de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne ; surdité de perception par atteinte le plus souvent de l’oreille interne, parfois des voies auditives) et le côté (uni ou bilatéral). Le PEA permet de confirmer le seuil auditif dans le domaine des fréquences explorées par les clicks des PEA (2 000-4 000 Hz) sur chaque oreille et d’amener des informations sur le mécanisme de la surdité (transmission, endocochléaire, rétrocochléaire) : cela a un intérêt pour confirmer la perte auditive en cas de doute lors des épreuves subjectives, et pour confirmer le côté de l’atteinte chez l’enfant de moins de 5-6 ans qui a du mal à donner des réponses fiables en cas de surdité asymétrique. Par ailleurs, il est systématiquement réalisé en cas de surdité de perception (pour confirmer le seuil avant appareillage et explorer le mécanisme de la surdité).
(4) Les enfants qui verbalisent peuvent simuler une surdité, unilatérale ou bilatérale. Cela reste rare. L’audiométrie subjective peut être mise en défaut. Ceci explique la réalisation de PEA dans le cadre des surdités unilatérales, et le recours au PEA chaque fois qu’il existe un doute (discordance entre la perte auditive et le niveau de parole, discordance entre les tests audiométriques et le comportement de l’enfant en consultation).
(5) La surdité de perception unilatérale entraîne une gêne pour la localisation sonore, une augmentation de la sonie, une dégradation plus rapide du message dans un bruit de fond, ce qui peut gêner l’enfant en classe. Il est classique de dire que ce type de surdité n’entraîne pas de retentissement langagier. Toutefois, certains enfants peuvent avoir un retentissement scolaire et parfois langagier : le suivi annuel est de mise pour mettre en place rapidement une action correctrice si besoin. Par ailleurs, l’imagerie (IRM ou scanner) doit être demandée, surtout à la recherche d’une malformation cochléaire, plus qu’à la recherche d’un neurinome.
(6) Le bilan étiologique doit être mené chez tout enfant présentant une surdité de perception bilatérale : il comprend un phénotypage de la surdité, une imagerie cochléo-vestibulaire, un génotypage et des explorations complémentaires guidés par l’examen du généticien. Pour les surdités de perception profondes bilatérales, les mutations du gène de la connexine 26 à l’état homozygote sont les plus fréquentes.
(7) Quatre grands types de traumatisme peuvent entraîner une surdité chez l’enfant : traumatisme crânien (avec ou sans fracture du rocher — pouvant entraîner des surdités de perception ou de transmission — souvent pris en charge dans un service d’urgences), traumatisme direct (coton-tige trop enfoncé — pouvant entraîner une plaie du conduit, une perforation tympanique, des dégâts ossiculaires et parfois un traumatisme cochléaire), barotraumatisme (pouvant entraîner perforation du tympan, épanchement rétrotympanique, atteinte cochléaire), traumatismes sonores aigus (entraînant une atteinte cochléaire). Tous ces traumatismes peuvent entraîner une atteinte de l’oreille
interne qui peut nécessiter un traitement en urgence : il faut donc disposer rapidement d’une expertise ORL pour proposer une prise en charge adaptée.
(8) La surdité brusque est une surdité de perception brutale : on évoque un mécanisme vasculaire ou viral (labyrinthite virale) que l’on ne peut pas démontrer. Sa prise en charge doit se faire rapidement, et un bilan doit être conduit dans les jours qui suivent l’accident.
Enfin, il faut rappeler que l’on peut intervenir à tout âge pour prendre en charge une surdité de l’enfant, en prenant en compte le caractère bilatéral, le mécanisme et la profondeur de la surdité dans les choix thérapeutiques. La balance bénéfices/inconvénients pour le futur de l’enfant est toujours posée et prend en compte de très nombreux paramètres.
Liens d'intérêts
Aucun
Références
Garabedian EN, Bobin S, Monteil JP, et al. ORL de l’enfant. Editions Médecine-Sciences Flammarion, 2e édition, 2006.
Mondain M, Blanchet C, Venail F, et al. Classification et traitement des surdités de l’enfant, Ed. Techniques - EMC, ORL 2005;20-190-C-20:14 pages.
Blanchet C, Mondain M, Uziel A. Comment faire le diagnostic de surdité chez l’enfant ? In : Les surdités de l’enfant. Masson Ed., 2009, pp. 1-7.