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Date de mise à jour 14/05/2017

Troubles du sommeil chez le nourrisson

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H. De Leersnyder1, C. Salinier2

1Consultation de Sommeil, Hôpital Necker-Enfants-Malades, 75015 Paris, France
213b place des Augustins, 33170 Gradignan, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : deleers@club-internet.fr

 
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Arbre diagnostique - Commentaires

(1) Le sens et l’origine des troubles du sommeil du nourrisson sont différents selon qu’il s’agit d’un bébé de moins de 6 mois ou d’un nourrisson entre 6 mois et 2 ans. Avant 6 mois, il n’y a pas de trouble du sommeil à proprement parler, mais un trouble du rythme veille-sommeil, le nouveau-né passant progressivement d’un rythme ultradien (alternance de veille et de sommeil toutes les 3-4 heures) à un rythme circadien de 24 heures. Les cycles de sommeil ne sont en place que vers l’âge de 4-5 mois, comme en témoigne la maturation de l’électroencéphalogramme.

(2) Les troubles digestifs banals du bébé sont souvent à l’origine de la plainte parentale : « il ne dort pas, il pleure tout le temps ». Ils cèderont facilement avec ou sans un traitement simple. L’aller­gie aux protéines du lait de vache a été incriminée dans 10 % des insomnies rebelles, inexpliquées, précoces du nourrisson.

(3) Lorsque la plainte parentale est répétée et que les signes persistent, il faudra surtout penser à un trouble des interactions mère-bébé et rechercher une dépression maternelle qui est la pathologie la plus fréquente du post-partum et touche 15 % des femmes.

(4) Entre 6 mois et 2 ans, l’insomnie de l’enfant correspond à une plainte des parents plus qu’à une réalité physiologique. Il peut s’agir de difficultés d’endormissement avec pleurs et opposition au moment du coucher et/ou de réveils nocturnes répétés par exagération des phases de latence entre 2 cycles de sommeil. Lorsqu’ils sont sévères et mettent en jeu l’équilibre familial, l’interrogatoire et un agenda de sommeil en préciseront l’intensité. La signification psychopathologique est différente selon qu’il s’agit de difficultés d’endormissement, de réveils noctur­nes ou des deux. Mais il ne faut pas oublier l’examen clinique, indispensable si les troubles du sommeil sont particulièrement sévères ou inhabituels.

(5) Les troubles de l’endormissement traduisent toujours une difficulté de séparation qu’elle soit due à un événement traumatisant dans la vie de l’enfant ou dans celle de ses parents. La dépression maternelle peut conduire à une relation fusionnelle mère-enfant. L’enfant-roi lui-même témoigne des difficultés parentales pour préparer leur enfant à accepter les règles de la vie en société. Les réveils nocturnes peuvent être associés aux troubles d’endormissement, l’enfant étant incapable de se rendormir seul entre 2 cycles de sommeil, il doit recréer les conditions de l’endormissement à chaque réveil.

(6) Les réveils nocturnes peuvent survenir dans le premier tiers de la nuit, en sommeil lent profond, sous forme d’une terreur nocturne. Les réveils nocturnes isolés, dans la deuxième partie de la nuit, surviennent pendant les phases de latence entre 2 cycles de sommeil. L’enfant est réveillé. Il peut simplement avoir fait un cauchemar, mais lorsque les réveils sont répétés et angoissés, ils vont souvent être le témoin d’une histoire familiale complexe et de secrets parfois transgénérationnels, que l’enfant perçoit avant même qu’on lui en ait parlé.

(7) Toutes ces ­situations justifient une consultation longue, ­dédiée au sommeil. Le médecin reprendra, par l’interrogatoire, les circonstances de la grossesse, de l’accouchement, des premiers mois de vie, puis questionnera les parents sur les deuils, l’histoire même de l’enfance des parents, les traumatismes familiaux. L’enfant n’a, le plus souvent, pas de problème psychologique, mais les troubles du sommeil viennent révéler les difficultés de la parentalité pour des parents parfois dans une souffrance ancienne. Le traitement médicamenteux est inutile, une aide psychologique est souvent nécessaire.

(8) Parmi les causes médicales, les manifestations ORL sont les plus fréquentes. Les apnées du sommeil, dues dans la grande majorité des cas à une hypertrophie amygdalienne, sont rares à cet âge, en dehors d’anomalies cranio-faciales (syndrome de Pierre Robin, micrognatisme). Elles justifient un enregistrement ­polysomnographique.

(9) Les troubles du sommeil peuvent aussi accompagner des troubles neurologiques ou psychiatriques plus graves. Dans les syndromes autistiques, l’insomnie silencieuse est un signe précoce, trop souvent reconnu a posteriori, et devra être évoquée chez un ­enfant ayant un trouble relationnel, des stéréotypies, un ­retard de langage. Dans le cadre d’un syndrome neurologique, on craindra toujours des crises convulsives et il faudra demander un électroencéphalogramme au moindre doute. Enfin, dans certaines maladies génétiques, le trouble du sommeil peut être un élément diagnostique s’il traduit une anomalie du rythme circadien comme dans le syndrome de Smith-Magenis ou dans le syndrome d’Angelman où il est associé à un retard mental.

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Références

Challamel MJ. Le sommeil de l’enfant. Masson Ed. 2009.

Ednick M, Cohen AP, McPhail GL, et al. A review of the effects of sleep during the first year of life on cognitive, psychomotor, and temperament development. Sleep 2009;32:1449-58.

Marcelli D, Cohen D. Enfance et psychopathologie. Masson Ed. 2009.

Spicuzza L, Leonardi S, La Rosa M. Pediatric sleep apnea: early onset of the ‘syndrome’? Sleep Med Rev 2009;13:111-22.