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Date de mise à jour 30/07/2019

Hypoglycémie néonatale en contexte à risque

 

D. Mitanchez*

Service de Néonatalogie, CHU Trousseau APHP, 26 Avenue du Dr Arnold Netter, 75012 Paris
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : delphine.mitanchez@aphp.fr (D. Mitanchez).
 

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Article validé par :

SFP (Société Française de Pédiatrie)

SFN (Société Française de Néonatalogie)

Introduction

Il existe un certain nombre de situations néonatales à risque d’hypoglycémie néonatale transitionnelle, c’est-à-dire survenant entre la naissance et 48-72 heures de vie. Nous traiterons ici des situations rencontrées en maternité.

Conduite à tenir dans les situations à risque d’hypoglycémie néonatale

(1) Les nouveau-nés à risque pour lesquels une surveillance systématique est nécessaire sont ceux nés avant 37 semaines, ceux petits pour l’âge gestationnel (ou PAG) avec un poids de naissance < 10e percentile (p), ceux nés macrosomes avec un poids de naissance > 90e p, ou ceux nés de mère avec un diabète traité par insuline ou mal équilibré sous régime. Sont également concernés les nouveau-nés présentant une hypothermie, une infection néonatale bactérienne précoce, une asphyxie périnatale modérée, une polyglobulie et ceux dont la mère a été traitée par β-bloquants pendant la grossesse.
Pour tous ces nouveau-nés, des mesures préventives doivent être établies dès la naissance, en particulier celles assurant l’homéo stasie thermique : séchage, réchauffement, bonnet et peau à peau. L’alimentation doit être débutée dès la 1re heure en favorisant l’allaitement maternel.
Pour les nouveau-nés asymptomatiques, la surveillance de la glycémie capillaire débutera avant la 2e tétée, soit entre 3 et 4 heures de vie, et sera maintenue toutes les 3 heures.
Pour ceux qui sont symptomatiques, en particulier ceux dont la tétée n’est pas efficace, la surveillance sera débutée avant 2 heures de vie.

(2) Le nouveau-né asymptomatique est surveillé en suites de couches ou en unité mère-enfant. Il faut soutenir et favoriser l’allaitement maternel fréquent, au moins toutes les 3 heures. En l’absence d’allaitement maternel, un biberon de lait artificiel sera proposé toutes les 3 heures, avec, en 1re intention, une formule pour prématuré pour les prématurés et ceux < 10e p et une formule 1er âge pour les autres. Une surveillance de glycémie capillaire sera faite toutes les 3 heures avant la tétée.

(3) Pour les nouveau-nés asymptomatiques
• Si la glycémie capillaire est > 2 mmol/L : une alimentation régulière sera assurée en surveillant la qualité des prises alimentaires, sans modification du régime. Si 3 valeurs de glycémies consécutives sont > 2,5 mmol/L, la surveillance sera espacée toutes les 6 heures et arrêtée après 24 heures si toutes les valeurs sont restées > 2,5 mmol/L (case A).
• Si la glycémie capillaire est <=2mmol/L et confirmée sur une mesure 1 heure après la prise alimentaire habituelle : en cas d’allaitement maternel, un complément de lait artificiel sera proposé et enrichi si besoin ; en cas d’allaitement artificiel, l’alimentation sera enrichie progressivement avec des nutriments apportant du glucose et des triglycérides à chaîne moyenne (ex. : Dextrine Maltose®, Liquigen®, Duocal®). La surveillance sera maintenue toutes les 3 heures. On reviendra à l’étape antérieure de prise en charge lors que la glycémie >=3 mmol/L pendant 12 heures avec une surveillance 3 heures après chaque changement de régime (case B).
• Si la glycémie capillaire est <=1mmol/L (case C) on réalisera si possible un dosage de la glycémie sur plasma (tube fluoré) mais les mesures thérapeutiques seront débutées sans attendre le résultat. On fera un bolus de glucosé à 10 % de 2 à 3 mL/kg en intraveineuse lente (IVL) sur 5 minutes relayé par une perfusion de soluté glucosé à 10 % sur la base de 80 mL/ kg/j qui pourra être modulée en fonction de la part d’alimentation entérale qui sera maintenue. Toute mesure thérapeutique doit être contrôlée 30 minutes après sa mise en place. Si l’accès veineux n’est pas possible en urgence, on administrera le bolus en intra gastrique à l’aide d’une sonde. Il est important de maintenir une part d’alimentation entérale éventuellement enrichie, si possible par voie orale. Dans cette situation, l’objectif thérapeutique est une glycémie > 2,5 mmol/L ou > 3,3 mmol/L en cas d’hyper insulinisme. Lorsque la perfusion et l’alimentation orale ne permettent pas d’obtenir ces objectifs, on augmentera la perfusion et/ou on utilisera une alimentation sur sonde gastrique à débit continu. On diminuera l’apport IV ou on reviendra à l’étape antérieure de l’enrichissement entéral lorsque la glycémie sera supérieure aux objectifs pendant 12 heures avec une surveillance 3 heures après chaque changement.

(4) Pour les nouveau-nés symptomatiques (case D)
Lorsqu’un nouveau-né présente des symptômes, on considère qu'il faut intervenir en cas de glycémie <=2,5mol/L, et la correction de la glycémie doit être concomitante de la disparition des symptômes. Le diagnostic d’hypoglycémie sur la constatation simultanée de signes cliniques et d’une glycémie basse suivi de la correction des symptômes lors de la normalisation de la glycémie constituent la triade de Whipple. Les signes cliniques sont variés et non spécifiques et leur apparition n’est pas corrélée à la profondeur de l’hypoglycémie. Les signes modérés sont : les trémulations, une léthargie avec mauvaise prise des biberons, une irritabilité ou une hypothermie. Les signes plus sévères sont les apnées ou les bradycardies répétées, les signes de détresse respiratoire, les convulsions, voire un coma. On réalisera si possible un dosage de la glycémie sur plasma mais les mesures thérapeutiques seront débutées sans attendre le résultat. Comme précédemment, on réalisera un bolus de glucosé à 10 % de 2 à 3 mL/kg en IVL sur 5 minutes, relayé par une perfusion de soluté glucosé à 10 % sur la base de 80 mL/kg/j. Dès que possible, on introduira une alimentation orale ou sur sonde gastrique qui pourra être enrichie. L’objectif thérapeutique est de maintenir la glycémie > 2,5 mmol/L ou > 3,3 mmol/L en cas de suspicion d’hyperinsulinisme. On diminuera l’apport IV ou on reviendra à l’étape antérieure de l’enrichissement entéral lorsque la glycémie sera supérieure aux objectifs thérapeutiques pendant 12 heures avec une surveillance 3 heures après tout changement.
On envisagera des traitements spécifiques si les hypoglycémies persistent (glucagon, diazoxide, hémisuccinate d’hydrocortisone) avec un transfert en unité de néonatologie ou en service spécialisé.

(5) Lorsque le nouveau-né a eu une hypoglycémie symptomatique ou plus de 2 épisodes d'hypoglycémie profonde (<= 1 mmol/L) ou d'hypoglycémie (<= 2 mmol/L) ou que les hypoglycémies persistent au-delà des premières 48-72 heures, un bilan spécifique sera réalisé : dosages hormonaux (insuline, peptide C, cortisol, ACTH, GH), gaz du sang, lactate, et en 2e intention selon la clinique, un dosage de β-hydroxybutyrate et d’acylcarnitines. Il sera obligatoirement accompagné d’un dosage plasmatique de la glycémie. Il s’agit dans ces cas de rechercher une autre cause qu’un trouble de l’adaptation à la vie extra-utérine à l’origine des hypoglycémies. Les critères diagnostiques de l’hyperinsulinisme sont des hypoglycémies sans horaire, à la fois pré- et postprandiales, nécessitant des apports en glucose supérieurs à la production hépatique (>= 10 mg/kg/min) pour correger l'hypoglycémie et une réponse positive au test au glucagon (normalisation de l’hypoglycémie après l’injection sous-cutanée de 1 mg de glucagon). Une hyperinsulinémie (insuline plasmatique >= 3mU/L) et une augmentation du peptide C accompagnent l’hypoglycémie alors qu’il n’y a pas de corps cétoniques.

(6) La mesure de la glycémie capillaire à l’aide de bandelettes et de lecteur est facile, rapide et peu consommatrice de sang. Mais elle a été développée avant tout pour l’autocontrôle des sujets diabétiques, et sa fiabilité est relative chez les nouveau-nés. Ainsi, une hypoglycémie détectée à la bandelette devrait être contrôlée par une technique standardisée au laboratoire. Cela n’est pas toujours possible en pratique, mais il est recommandé de pratiquer au moins une fois une mesure de glycémie sanguine lors de la détection d’une glycémie capillaire basse, afin de confirmer le résultat.

Conclusion

Il est important d’identifier les nouveau-nés à risque d’hypo glycémie en maternité et d’assurer des mesures de prévention et de surveillance. Il faut différencier les nouveau-nés asymptomatiques et symptomatiques car les seuils d’interventions sont différents. Dans tous les cas, lorsque le niveau de la glycémie implique la mise en place de mesures thérapeutiques, celles-ci doivent être débutées en urgence pour limiter le risque potentiel de séquelles neurologiques. Si la situation ne correspond pas à celle d’une hypoglycémie transitionnelle, toutes les mesures doivent être mises en place pour rechercher une autre cause aux hypoglycémies.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article.

Références

Harding JE, Harris DL, Hegarty JE, et al. An emerging evidence base for the management of neonatal hypoglycaemia. Early Hum Dev 2017;104:51-6.

Tin W. Defining neonatal hypoglycaemia: a continuing debate. Semin Fetal Neonatal Med 2014;19:27-32.

Thornton PS, Stanley CA, De Leon DD, et al. Recommendations from the Pediatric Endocrine Society for Evaluation and Management of

Persistent Hypoglycemia in Neonates, Infants, and Children. J Pediatr 2015;167:238-45.

Maiorana A, Dionisi-Vici C. Hyperinsulinemic hypoglycemia: clinical, molecular and therapeutical novelties. J Inherit Metab Dis 2017;40:531-42.

Beardsall K. Measurement of glucose levels in the newborn. Early Hum Dev 2010;86:263-7.