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Parcours de soins des extrêmes prématurés
E. Zana-Taïeb
Service de médecine et réanimation néonatales de Port-Royal, 75014 Paris, France Correspondance - Adresse e-mail : elodie.zana-taieb@aphp.fr (E. Zana-Taieb).Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Arbre décisionnel – Commentaires
(1) Avant la naissance, une prise en charge coordonnée entre obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes et pédiatres est nécessaire, afin de favoriser les transferts in utero vers des maternités de type 3. La corticothérapie anténatale doit être débutée le plus tôt possible associée si besoin à une tocolyse et à une antibiothérapie maternelle à décider au cas par cas.
(2) Il est nécessaire d’évaluer simultanément la viabilité de ces extrêmes prématurés. Leur prise en charge résulte d’une décision collégiale, si les soignants la jugent pertinente et si les parents le souhaitent.
(3) La circulation foetale et les capacités à réguler le débit cardiaque évoluent avec l’âge gestationnel. La naissance entraîne un bouleversement de cette circulation. Le clampage retardé du cordon facilite l’adaptation hémodynamique.
(4) La première barrière alvéolo-capillaire pulmonaire est fonctionnelle à partir de 24-26 semaines d’aménorrhée (SA). La réanimation cardiorespiratoire doit être menée selon les dernières recommandations de l’ILCOR (international liaison committee on ressucitation) [1].
(5) La prévention de l’hypothermie est importante dès la salle de naissance avec l’enveloppement immédiat dans un sac en polyéthylène car le taux de mortalité augmente avec le degré d’hypothermie.
(6) La maladie des membranes hyalines est causée par un déficit temporaire de production de surfactant et peut être traitée par du surfactant exogène. Une assistance respiratoire, ventilation mécanique nasale ou par l’intermédiaire d’une sonde d’intubation, est utilisée pour pallier l’immaturité pulmonaire. Chez certains enfants, la ventilation mécanique associée à l’immaturité pulmonaire se complique d’une inflammation qui entraîne une dysplasie broncho-pulmonaire [2]. Cette complication constitue l’une des principales causes de morbidité chez les enfants prématurés.
(7) La surveillance neurologique des grands prématurés passe par des échographies trans- fontanellaires répétées pour détecter des hémorragies intra-ventriculaires dont les plus graves peuvent grever le pronostic neurologique. Plus tard, des cavitations peuvent apparaître qualifiées de leucomalacie périventriculaire qui peut également avoir des conséquences négatives sur le pronostic neurologique. L’électroencéphalographie (EEG) recherche entre autres des pointes positives rolandiques, témoin précoce d’une leucomalacie périventriculaire. Le fond d’oeil recherche des lésions de rétinopathie pouvant nécessiter un traitement par laser.
(8) Les mécanismes de déglutition et de respiration ne sont pas coordonnés. Le début d’alimentation des enfants se fait par voie entérale, à l’aide d’une sonde gastrique. L’administration à ces nouveau-nés du colostrum et la poursuite d’une alimentation par lait de mère sont d’autant plus importantes qu’elles permettent une diminution des infections, une durée plus courte de séjour et une diminution de durée d’administration de l’alimentation parentérale. L’immaturité digestive peut se compliquer d’une maladie rare, mais mortelle et mal connue : l’entérocolite ulcéro-nécrosante. Elle correspond à une destruction du tube digestif qui survient plusieurs semaines après la naissance.
(9) L’immaturité du système immunitaire, de la peau et des intestins, l’insuffisance de passage des anticorps maternels et la multiplication des portes d’entrée infectieuses comme le cathéter central favorisent les infections secondaires.
(10) Chez le foetus, le canal artériel fait communiquer l’aorte et l’artère pulmonaire. Ce canal s’obstrue spontanément et définitivement à la naissance. Mais chez le prématuré, il tarde à se fermer et peut entraîner un excès de sang dans la circulation pulmonaire. Dans ces cas, un traitement est nécessaire pour le fermer : médicamenteux dans un premier temps puis chirurgical ou endovasculaire. Les enfants atteints de dysplasie broncho-pulmonaire sont à risque de développer une hypertension artérielle pulmonaire qui doit être dépistée et traitée si nécessaire.
(11) Les soins de développement (dont la forme la plus aboutie est le NIDCAP [Newborn Individualized developmental Care and Assessment Program] [3]) permettent d’individualiser au mieux cette prise en charge après une observation attentive du prématuré par les soignants en intégrant les parents dans les soins. Le rythme veille/sommeil doit être respecté et les sources de stress (lumière, bruit) doivent être limitées. Le contact avec les parents est fortement encouragé sous forme de « peau à peau » et comme corégulateur de leur enfant.
(12) Un enfant peut sortir de l’hôpital lorsqu’il est devenu autonome du point de vue respiratoire et digestif. L’hospitalisation à domicile permet de raccourcir la durée d’hospitalisation tout en accompagnant parent et enfant.
(13) Le suivi de ces prématurés nécessite des évaluations répétées de leur comportement et de leur développement neurologique. Le réseau de suivi associe des médecins libéraux spécifiquement formés à la prise en charge des grands prématurés en collaboration avec des psychomotriciens.
(14) Le centre d’action médico-social précoce (CAMPS) doit être impliqué précocement afin de soutenir au mieux le développement neurologique et prévenir ou prendre en charge les troubles du tonus, les troubles de l’oralité mais aussi le lien parent-enfant. Les parents d’enfants prématurés sont plus souvent atteints de dépression ou de stress post-traumatique que les parents d’enfants nés à terme.
Liens d’intérêts
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts en relation avec cet article.
Références
[1] Wyllie J, Bruinenberg J, Roehr CC, et al. European Resuscitation Council Guidelines for Resuscitation 2015: Section 7. Resuscitation and support of transition of babies at birth. Resuscitation 2015;95:249-63.
[2] Jobe AH, Bancalari E. Bronchopulmonary dysplasia. Am J Respir Crit Care Med 2001;163:1723-9.
[3] Als H, Duffy FH, McAnulty G, et al. NIDCAP improves brain function and structure in preterm infants with severe intrauterine growth restriction. J Perinatol 2012;32:797-803.