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Thématique:
Oedème palpébral
R. Coste
Service d’Ophtalmologie, CHU Marseille, Hôpital Nord, Chemin des Bourrelly, 13915 Marseille cedex 20, France Correspondance - Adresse e-mail : romain.coste@ap-hm.frCliquez sur l'image pour l'agrandir.
Préambule
Les paupières sont des éléments anatomiques singuliers. Elles sont constituées d’un tissu cutané spécifique qui est le plus mince de l’organisme, et d’un tissu sous-cutané lâche. Ces caractéristiques anatomiques expliquent qu’elles peuvent être le siège d’un œdème de constitution et de diffusion très rapides sans préjuger de la gravité de son étiologie.
L’œdème palpébral est donc un signe clinique fréquent en pathologie ophtalmo-pédiatrique (comme chez l’adulte) et l’orientation diagnostique purement clinique peut être difficile en fonction du délai de prise en charge. L’interrogatoire de l’entourage familial revêt alors toute son importance pour en apprécier les caractéristiques initiales.
Le pronostic fonctionnel pour l’œil peut être engagé dès lors que la diffusion devient rétro-septale, c’est-à-dire lorsqu’il y a franchissement du septum orbitaire, véritable frontière entre le tissu palpébral en avant et la région intra-orbitaire en arrière. Chez l’enfant, jusqu’à 8-9 ans, se surajoute sur le plan fonctionnel le risque de développer une véritable amblyopie, c’est-à-dire une limitation de l’acuité visuelle en raison d’un développement insuffisant des aires visuelles du cortex occipital. En effet, le muscle releveur de la paupière qui est limité en termes de puissance peut être inefficace face au poids de l’œdème, et l’occlusion palpébrale qui en suit peut aboutir à une amblyopie d’autant plus profonde que l’enfant est jeune et que l’occlusion est longue.
Une liste exhaustive des étiologies est impossible dans ce cadre, et nous nous limiterons donc aux causes les plus fréquentes et les plus graves, sans entrer dans le détail des traitements spécialisés. Nous exclurons donc les causes rarissimes, tumorales et traumatiques.
Arbre diagnostique – Commentaires
Devant un œdème palpébral la première question à se poser est : est-il superficiel et circonscrit ou est-il profond et diffus ?
(1) S’il est superficiel et circonscrit, il faut regarder s’il est centré sur la base d’un cil sur le bord libre palpébral auquel cas il s’agit d’un orgelet, qui est un furoncle du bulbe pileux du cil et nécessite un traitement local à base de pommade ophtalmique antistaphylococcique.
(2) Sinon, il s’agit d’un chalazion, qui est un granulome inflammatoire développé aux dépens d’une glande de Meibomius qui a du mal à se vidanger et qui se traite avec des soins locaux d’hygiène des paupières (massage doux avec des compresses d’eau chaude) et une pommade ophtalmique à base de corticoïdes.
S’il est profond et diffus, il faut rechercher quelle était la topographie initiale de l’œdème.
(3) Si l’œdème a débuté au niveau de la paupière supérieure plutôt au niveau du bord supéro-interne de l’orbite avec une fièvre et altération de l’état général, il faut suspecter une éthmoïdite avec un début d’abcès sous-périosté. La confirmation est tomodensitométrique. Le traitement associera une antibiothérapie parentérale et une prise en charge spécialisée par les ORL.
(4) Devant un œdème qui débute au niveau de la paupière supérieure au niveau du bord supéro-externe de l’orbite avec une déformation en « S » italique de la paupière supérieure, il faut penser à une dacryoadénite, c’est-à-dire une inflammation de la glande lacrymale qui sera confirmée par une IRM orbitaire. Le bilan étiologique recherchera une pathologie inflammatoire systémique. L’atteinte peut être bilatérale. Le traitement est celui de la cause et revient souvent à une corticothérapie.
(5) En paupière inférieure, lorsqu’il y a une tuméfaction chaude, tendue et érythémateuse entre l’os lacrymal et le tendon canthal médial, il peut s’agir d’une dacryocystite qui est un abcès du sac lacrymal, et qui survient souvent après un larmoiement chronique et des épisodes de conjonctivites récidivantes unilatérales. À la pression du sac lacrymal abcédé, il peut y avoir une issue de pus, rétrograde par les méats lacrymaux. Le traitement comprend une antibiothérapie locale et générale, et un traitement étiologique par sondage des voies lacrymales avec intubation monocanaliculaire à chaud si besoin, voire parfois un drainage percutané. Le bilan préopératoire comprend un scanner du massif facial et une rhinoscopie antérieure à la recherche d’un éventuel kyste nasal qui pourrait entraîner une détresse respiratoire en cas de bilatéralité.
(6) Si la tuméfaction est chronique et froide avec un aspect bleuté de la peau, alors il s’agit d’un dacryocèle (ou dacryocystocèle ou mucocèle néonatal). Il s’agit d’une ectasie du sac lacrymal, dont le traitement consiste à des compresses chaudes et un massage du sac hernié. Parfois, la stase lacrymale peut entraîner une infection, c’est-à-dire une dacryocystite.
(7) Le diagnostic différentiel d’une étiologie locale est l’hypoprotidémie (syndrome néphrotique par exemple) : œdème palpébral bilatéral sans contexte infectieux. Une bandelette urinaire donne le diagnostic pour les étiologies néphrologiques.
(8) Un œdème froid des deux paupières avec un chémosis aqueux (œdème séreux et blanc de la conjonctive bulbaire) souvent bilatéral et asymétrique, chez un enfant avec un
terrain atopique, est fréquemment un épisode de conjonctivite allergique.
(9) Un œdème chaud et inflammatoire des deux paupières avec une hyperhémie conjonctivale uni ou bilatérale, avec de nombreuses sécrétions conjonctivales blanc jaunâtre, peu ou pas douloureux, doit faire évoquer une conjonctivite bactérienne dont le traitement sera local (à l’exception du nouveau-né). Si les signes sont accompagnés de douleurs importantes avec un œdème palpébral plus important, parfois accompagné d’un écoulement hémorragique, il faut penser à la conjonctivite virale à adénovirus, avec ses fausses membranes, dont le traitement est local avec lavage et antiseptique, et mécanique avec ablation régulière des fausses membranes (parfois sous anesthésie générale). Il ne faudra pas oublier l’éviction scolaire en raison de son pouvoir contagieux (durée de vie du virus de trois semaines sur un milieu inerte).
(10) Les infections palpébrales vont du simple abcès à la cellulite préseptale qui correspond à la diffusion d’une infection tissulaire sous-cutanée à toute une paupière, voire les deux, sans dépasser le plan du septum orbitaire qui s’étend du bord du tarse au rebord orbitaire. Le traitement comprend le drainage percutané et une antibiothérapie générale.
(11) En cas de diffusion plus profonde, il s’agit d’une cellulite orbitaire dont le diagnostic est clinique avec mise en évidence d’un syndrome orbitaire associant une ophtalmoplégie (partielle ou totale) avec une exophtalmie. Le drainage orbitaire est alors une urgence thérapeutique pour le pronostic fonctionnel de l’œil.
Liens d'intérêts
Aucun
Référence
Adenis JP, Morax S. Pathologie orbito-palpébrale. Rapport de la Société Française d’Ophtalmologie. Paris : Masson 1998, 830p.