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Date de mise à jour 09/05/2022

Orientation diagnostique devant une acidose métabolique

 

L. de Parscau

Service de pédiatrie et génétique médicale, CHU Morvan, 29609 Brest
Correspondance - Adresse e-mail : loic.deparscau@chu-brest.fr (L de Parscau).
 

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Abréviations

TA  :

TAP :

TAU :

Trou anionique

Trou anionique plasmatique

Trou anionique urinaire

 

Arbre diagnostique – Commentaires

(1) Une acidose métabolique peut être suspectée cliniquement devant une dyspnée de Kussmaul (respiratoire ample et rapide) mais le plus souvent le signe d’alerte est une réserve alcaline basse sur l’ionogramme sanguin. La mesure du pH plasmatique (gaz du sang) est indispensable pour affirmer une acidose méta- bolique qui associe une acidose (pH < 7,38) et une réserve alcaline abaissée ([HCO 3– ] < 20 mmol/l). L’acidose stimule les centres respiratoires et provoque une hyperventilation expliquant une baisse de la PCO 2 .

(2) La première étape de l’enquête étiologique repose sur le calcul du trou anionique plasmatique. Sa valeur normale diffère selon que l’on prend ou non en compte le K + : (Na + + K + ) - (Cl – + HCO 3– ) = 16 ± 4 mEq/l (< 20) ou Na + - (Cl – + HCO 3– ) = 12 ± 4 mEq/l (< 16). Il représente donc les anions indosés (albuminate, phosphate...) et ne peut pas être interprété en cas d’hyper ou hypoalbuliné- mie. Si le trou anionique plasmatique est normal, la chlorémie est élevée en cas d’acidose métabolique puisque la réserve alca- line est abaissée. Cette situation traduit une perte de bicarbo- nate qui peut être soit digestive, soit urinaire. La distinction entre ces deux causes peut être suspectée par le calcul du trou anionique urinaire (TAU = Na + + K + – Cl – ). Il est le reflet de la concentration de NH4 + urinaire. En situation d’acidose, le rein réagit en augmentant l’excrétion urinaire de H + sous la forme de NH4 + dans le tube distal si sa fonction est intacte. L’équilibre ionique étant neutre et le NH4 + n’étant pas pris en compte dans le calcul du TA U, il devient négatif (Cl – > Na + + K + ).

(3) En cas de perte digestive, pratiquement toujours accompagnée de signes cliniques (diarrhée), la fonction tubulaire distale d’acidification des urines par excrétion de NH4 + est conservée ; le trou anionique urinaire est négatif et le pH uri- naire est bas.

(4) En cas d’acidose par fuite urinaire de bicarbonate au niveau du tube proximal, la situation est la même (TAU négatif et pH urinaire < 5,5) si la fonction tubulaire distale est respectée. En revanche en cas d’acidose tubulaire distale, l’excrétion urinaire de NH4 + est altérée ; le trou anionique urinaire est donc positif et le pH urinaire n’est pas abaissé malgré l’acidose métabolique plasmatique. L’analyse de la cause et du mécanisme d’une acidose tubulaire repose sur l’enquête génétique (recherche d’arguments pour une forme familiale dominante ou récessive), la recherche d’une cause potentielle toxique ou autoimmmune et de signes cliniques associés (auditifs, oculaires, systémiques...), l’analyse des signes biologiques associés (kaliémie, calciurie, citraturie, signes de syndrome de Fanconi en particulier) et l’échographie rénale. Une première orientation étiologique initiale est schématisée dans le tableau. La confirmation des formes génétiques peut de plus en plus souvent être apportée par la recherche de mutations des gènes responsables.

(5) Un trou anionique plasmatique augmenté traduit l’accumulation d’acides anormaux et peut se voir dans plusieurs situations.

(6) L’insuffisance rénale chronique avancée, facilement reconnue par le dosage de créatinine, s’accompagne d’une diminution de l’excrétion des acides organiques, responsable d’une acidose métabolique à trou anionique augmenté. Mais au stade d’insuffisance rénale modérée, l’acidose métabolique en général discrète résulte d’une altération de la fonction tubulaire et s’accompagne donc d’une hyperchlorémie et d’un trou anio- nique plasmatique normal.

(7) Le dosage de lactate doit faire partie du bilan d’une acidose métabolique à trou anionique augmenté. La cause de l’acidose lactique peut être due à une hypoperfusion tissulaire (anémie, choc, insuffisance cardiaque, exercice musculaire intense ...), une cause toxique, une insuffisance hépatique ou témoigner d’une erreur innée du métabolisme (acidurie organique, anomalie du métabolisme énergétique, plus rarement anomalie du cycle de l’urée).

(8) Une cétonurie ou cétonémie feront rechercher en priorité un diabète insulinodépendant, ou un jeune prolongé, voire une maladie héréditaire du métabolisme.

(9) De principe on recherchera des arguments en faveur d’une intoxication exogène (méthanol, éthylène glycol, aspirine en particulier) à confirmer par un dosage spécifique.

(10) En l’absence de cause évidente en situation d’urgence, on fera systématiquement en période d’acidose des prélève- ments à la recherche d’une maladie métabolique héréditaire (chromatographie des acides aminés plasmatiques et des acides organiques urinaires en particulier). Ces prélèvements, une fois l’acidose corrigée, risquent de ne pas être informatifs, d’où l’importance de bien les réaliser en période d’acidose (première miction). L’interprétation des données peut être beaucoup plus complexe en cas de causes multiples et intriquées, en particulier chez les patients en réanimation où une approche par le modèle de Stewart est préférable. Le traitement de l’acidose métabolique dépend du mécanisme et de la cause. Outre le traitement symptomatique (maintien d’une bonne hémodynamique et d’une ventilation adaptée), une supplémentation en bicarbonate se justifie dans les acidoses par perte rénale. En revanche, en cas d’acidose métabolique par gain d’acides, une supplémentation en bicarbonate pourrait augmen- ter le risque d’œdème cérébral et ne se discute qu’en cas de pH < 7,10 par une solution non hyperosmolaire avec un débit pro- gressif sans bolus en ayant pour objectif un pH > 7,2.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en relation avec cet article.

Références

Collège universitaire des enseignants de néphrologie. Désordres de l’équilibre acide-base. Manuel universitaire de Néphrologie. Available from : URL : http : //www.cuen.fr/umvf/spip.php ? article248.
Quintard H, Hubert S, Ichai C . Qu’apporte le modèle de Stewart à l’interprétation des troubles de l’équilibre acide – base ? Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 2007 ; 26 : 423–33.