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Date de mise à jour 14/05/2017

Conduite à tenir devant une hyponatrémie chez l’enfant : de la démarche diagnostique aux principes thérapeutiques

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S. Taque

Service de pédiatrie, CHU Fontenoy, 16, boulevard de Bulgarie, 35000 Rennes, France Membre de la société de néphrologie pédiatrique
Correspondance - Adresse e-mail : sophie.taque@chu-rennes.fr (S. Taque)

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Arbre diagnostique – Commentaires

(1) L’hyponatrémie (sodium plasmatique < 135 mmol/L) est un trouble hydroélectrolytique fréquent, symptomatique ou silencieux, dont l’apparition peut être aiguë ou chronique. La vitesse d’installation de l’hyponatrémie est plus importante que sa valeur absolue. Une réflexion physiopathologique rigoureuse est indispensable pour confirmer l’hypo-osmolarité plasmatique (< 280 mosmol/L) et éliminer les pseudo- et les fausses hyponatrémies, évaluer la réponse rénale, et le volume extracellulaire. Ces différents éléments permettront d’identifier la cause et d’adapter la prise en charge thérapeutique.

Rappels physiologiques :

  • osmolarité plasmatique : concentration de particules osmotiques dans un litre de plasma (mosm/L) ;

  • osmolalité plasmatique : concentration de particules osmotiques par kilogramme d’eau plasmatique (mosm/kg). Ces deux valeurs sont proches ;

  • l’osmolarité peut être calculée facilement : OsmoP (mosmo/L) = (Na × 2) + glucose (mmol/L) + urée (mmol/L). La valeur calculée est comprise entre 280 et 285 mosm/L.

L’hyponatrémie vraie est hypotonique et correspond à une hyperhydratation intracellulaire.

(2) Les pseudohyponatrémies iso-osmotiques sont en relation avec une hyperlipémie ou une hyperprotidémie, et ne modifient pas l’hydratation intracellulaire. La natrémie est donnée en rapport avec le volume plasmatique, en principe peu différent du volume d’eau plasmatique. Si la quantité de protéines ou de lipides plasmatiques est importante, la natrémie sera sous-évaluée, alors que rapportée à la quantité d’eau, elle serait normale.

(3) Les fausses hyponatrémies sont en rapport avec la présence d’autres osmoles comme le glucose ou le mannitol qui entraînent un appel d’eau, une dilution du milieu extracellulaire et une déshydratation intracellulaire.

(4) Clinique : L’hyponatrémie n’est pas souvent symptomatique surtout si elle est chronique. Dans une forme aiguë (< 48 h), c’est une urgence thérapeutique car elle peut entraîner une hyperhydratation des cellules cérébrales avec œdème cérébral (agitation, confusion, convulsions, coma, dyspnée de Cheynes-Stokes). Dans une forme chronique, elle peut se manifester par une apathie, des nausées, une anorexie, des crampes musculaires, une confusion. Une correction trop rapide de l’osmolarité peut également être délétère avec l’apparition de lésions osmotiques démyélinisantes.

Les différents types d’hyponatrémie et leurs étiologies : les hyponatrémies vraies sont décrites en fonction des modifications de la volémie auxquelles elles sont associées.

(5) Hyponatrémie avec volume extracellulaire abaissé (hyponatrémies hypo-osmolaires) :

La perte de NaCl est plus importante que la perte d’eau.

(6) Pertes extrarénales de sel :

  • pertes digestives : diarrhées, vomissements, péritonite, pancréatite, iléus ;

  • pertes cutanées, brûlures, dermatoses bulleuses, sudation du sportif avec apports hydriques hypotoniques.

(7) Pertes rénales de sel :

  • prise de diurétiques thiazidiques ou surdosage en diurétiques ;

  • insuffisance surrénale aiguë : elle entraîne une déshydratation extracellulaire par perte de sel en rapport avec l’insuffisance minéralocorticoïde. S’y associent une hyperkaliémie +/– une acidose métabolique et une hypoglycémie. L’administration de sérum salé à 0,9 % associé à de l’hémisuccinate d’hydrocortisone corrige les troubles ;

  • les néphropathies tubulo-interstitielles : diverses pathologies peuvent être impliquées comme une reprise de diurèse après insuffisance rénale, ou un lever d’obstacle, une uropathie obstructive, mais aussi les acidoses tubulaires proximales et les maladies kystiques de la médullaire comme la néphronophtise ;

  • CSWS : le Cerebral Salt Wasting Syndrome survient chez des patients présentant un traumatisme crânien grave. L’hyponatrémie peut être dans ce cas plurifactorielle et potentialisée par l’administration de mannitol et ou de carbamazépine.

(8) Dans les hyponatrémies avec perte de Na, la correction des troubles passe par l’apport de NaCl. La quantité de Na (mmol) à perfuser = (Natrémie désirée – Natrémie mesurée) × 0,6 × poids (kg). Pour une natrémie < 125 mmol/L, un soluté de NaCl hypertonique à 10 % (1 710 mmol/L) peut être utilisé, sans que la vitesse de correction n’excède 1 à 2 mmol/L/h, jusqu’à l’obtention d’une natrémie à 125 mmol/L. Puis on peut poursuivre la correction par un soluté isotonique (NaCl 0,9 %) à une vitesse de 8 mmol/L/j.

(9) Hyponatrémie avec volume extracellulaire augmenté :

On note dans ce cas un excès relatif d’eau plus important que l’excès de sel. L’hyponatrémie est la conséquence de la production d’hormone anti-diurétique (HAD), stimulée par l’hypovolémie efficace et l’angiotensine II. Le syndrome néphrotique, l’insuffisance cardiaque et la cirrhose sont les trois étiologies à rechercher. Le diagnostic positif est essentiellement clinique et repose sur les signes d’hyperhydratation extracellulaire (œdèmes périphériques, épanchement des séreuses et une élévation de la pression artérielle). Outre le traitement étiologique, le traitement symptomatique vise à obtenir un bilan sodé négatif, par un régime désodé strict (< 2 g/24 h), une restriction hydrique sévère (30 ml/kg/j et/ou adaptée au bilan entrées/sorties) et l’utilisation de diurétiques.

(10) Hyponatrémie avec volume extracellulaire normal :

C’est un excès d’eau avec hyperhydratation intracellulaire dite « pure » par persistance d’une « antidiurèse ». Il s’agit :

  • des hyponatrémies endocrines : insuffisance surrénalienne centrale (pas d’hyperkaliémie mais hypoglycémie fréquente) et hypothyroïdie.

  • mais aussi du SIADH : sécrétion inadéquate d’HAD. C’est un diagnostic fréquent. L’osmolarité urinaire > 150 mosm/L, inadaptée devant une osmolarité plasmatique basse signe l’antidiurèse. Il existe de très nombreuses étiologies mais les causes pulmonaires neurologiques et médicamenteuses doivent être recherchées. La restriction hydrique seule permet le plus souvent la correction de l’hyponatrémie. Si le trouble de dilution est très marqué avec une osmolarité urinaire très élevée, on peut associer un diurétique de l’anse pour positiver la clairance de l’eau libre.

L’intoxication à l’eau est plus rare en pédiatrie. Elle peut se rencontrer chez les potomanes, chez les patients très dénutris (apport osmotique faible), chez l’insuffisant rénal oligurique ou iatrogène par perfusion de solutés hypotoniques ou avec des perfusions de plus de 6 ml/kg/h.

Liens d’intérêts

L’auteur a déclaré n’avoir aucun lien d’intérêts pour cet article.

Références

Passeron A, Dupeux S, Blanchard A. Hyponatrémie : de la physiopathologie à la pratique. Rev Med Interne 2010;31:277-86.

Audibert G, Hoche J, Baumann A, et al. Désordres hydroélectrolytiques des agressions cérébrales : mécanismes et traitements. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31:e109-15.

Rivkees SA. Differentiating appropriate antidiuretic hormone secretion, inappropriate antidiuretic hormone secretion and cerebral salt wasting: the common, uncommon, and misnamed. Curr Opin Pediatr 2008;20:448-52.

Tsimaratos M, Paut O, Derhi S, Fortier G, Viard L, Camboulives J. Severe postoperative hyponatremia : role of prolonged fasting and perfusion of hypotonic solution - Arch Pediatr 1994;1:1153.