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Date de mise à jour 14/05/2017

Lithiase urinaire de l’enfant

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O. Boyer

Service de néphrologie pédiatrique, centre de référence des maladies rénales héréditaires de l’enfant et de l’adulte ; unité Inserm U983 ; institut Imagine ; faculté de médecine Paris-Descartes, hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : olivia.boyer@nck.aphp.fr (O. Boyer)

 

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Arbre diagnostique – Commentaires

(1) La lithogenèse est un processus multifactoriel qui met en jeu les caractères intrinsèques d’un individu (anatomie, métabolisme) et des facteurs environnementaux (hydratation, alimentation, infections, toxiques). Les circonstances de découvertes peuvent être : infection urinaire, élimination d’un calcul, douleurs abdominales, colique néphrétique (rare), hématurie micro- ou macroscopique (de sang rouge) ou fortuite. Un facteur prédisposant est retrouvé dans 50 à 90 % des cas de lithiases de l’enfant : anomalies métaboliques héréditaires mono- ou multigéniques (33-60 %) et malformations de l’arbre urinaire (15-35 %). Les causes génétiques et environnementales sont souvent intriquées, et il est fréquent de retrouver plusieurs facteurs de prédisposition chez un même enfant. L’incidence de la lithiase est en augmentation chez l’enfant dans les pays industrialisés probablement du fait d’une modification des habitudes alimentaires (diètes riches en protéines animales et en sodium, pauvres en eau), et de l’utilisation plus large des antibiotiques.

(2) Au cours des infections urinaires à bactéries uréasiques (proteus, klebsiella, pseudomonas et staphylocoques), l’alcalinisation des urines conduit à la formation de struvite et de carbapatite et à la cristallisation des différents composants. Les infections à germes non uréasiques peuvent compliquer et révéler la présence d’un calcul, et 20 à 60 % des cas sont associés à un facteur métabolique de prédisposition. Ainsi, la découverte d’une infection (ou d’une malformation urologique) ne doit pas faire surseoir à l’exploration métabolique complète.

(3) Les uropathies malformatives (syndrome de la jonction pyélo-urétérale, méga-uretères, reflux vésico-urétéral) favorisent la formation des calculs du fait de la stase urinaire et du risque accru d’infection. Néanmoins, ces malformations ne sont pas en elles-mêmes lithogènes et sont associées à une anomalie métabolique dans 70 à 80 % des cas de lithiase pédiatrique.

(4) Chez l’enfant, le principal facteur métabolique prédisposant aux lithiases est l’hypercalciurie (~ 50 %). L’hypercalciurie primaire idiopathique en est la première cause. Elle peut être d’origine rénale et/ou absorptive. C’est une pathologie multifactorielle faisant intervenir une susceptibilité génétique (ATCD familiaux dans 50 %) et des facteurs environnementaux. Les rares causes monogéniques d’hypercalciurie incluent l’acidose tubulaire distale, le syndrome de Bartter, la maladie de Dent, des mutations activatrices du récepteur sensible au calcium, la tyrosinémie et la maladie de Wilson et l’hyperparathyroïdie primaire dans le cadre de néoplasies endocriniennes multiples. Les mutations du gène NPT2a augmentent l’absorption intestinale du calcium. Une immobilisation prolongée, une nutrition parentérale prolongée, une intoxication à la vitamine D, une consommation excessive de sel, les diurétiques de l’anse et les corticoïdes favorisent l’hypercalciurie (notamment chez le prématuré). Normes de calciurie/créatininurie (Tableau 1).

(5) L’hyperoxalurie est également un facteur de risque important de lithiase pédiatrique (2-20 %). L’hyperoxalurie primaire (oxalose) est une maladie autosomique récessive rare du métabolisme du glyoxylate entraînant un risque majeur de néphrocalcinose, d’insuffisance rénale et de thésaurismose. Une hyperoxalurie modérée est fréquente en association avec une hypercalciurie dans la lithiase idiopathique de l’enfant. Les hyperoxaluries secondaires peuvent se voir chez l’enfant notamment en cas de résection intestinale, de nutrition parentérale prolongée, de maladie de Crohn ou de malabsorption des graisses (mucoviscidose, maladie cœliaque, etc.).

(6) La cystinurie (2-10 % des cas) est une pathologie autosomique récessive caractérisée par un défaut de réabsorption tubulaire proximale des acides aminés dibasiques. Il faut y penser devant des lithiases récidivantes chez l’enfant.

(7) Une hyperuricurie est détectée chez 2-8 % des enfants avec lithiase. L’hyperuricurie idiopathique est souvent familiale, asymptomatique, et associée à une hypercalciurie. Les calculs d’acide urique sont rares chez l’enfant. Quand ils surviennent, ils sont généralement dus à une hyperuricémie comme observée dans les syndromes de lyse tumorale, les déficits complets (syndrome de Lesch-Nyhan) ou partiels de l’activité enzymatique de l’hypoxanthine phosphorybosyl transférase. Des causes plus rares de lithiases sont la xanthinurie et le déficit en adénine phosphorybosyl transférase responsables de calculs xanthiniques et de 2,8 dihydroxyadénine, respectivement.

 

Tableau I. Rapport Calcium/créatinine mmol/mmol (mg/mg).

< 6 mois

max 2,4 (0,86)

7-12 mois

max 1,7 (0,6)

1-5 ans

max 1,1 (0,4)

> 5 ans 

max 0,7 (0,25)

 

(8) Certains médicaments et toxiques favorisent la formation de calculs en précipitant directement sous forme de cristaux dans les voies urinaires comme la ceftriaxone, l’indinavir, la sulfadiazine, le topironate ou la gélopectose. En Chine, le frelatage des laits maternisés avec de la mélamine a conduit en 2008 à plusieurs dizaines de milliers de cas de calculs urinaires chez le nourrisson.

(9) Dans 10-50 % des cas, aucune cause n’est détectée. La lithiase peut être favorisée par un déséquilibre alimentaire et un défaut d’hydratation. Dans les pays en développement, une carence en protéines animales et un excès de céréales associés à des diarrhées aiguës ou chroniques seraient responsables de la lithiase « endémique », en règle vésicale.

(10) À l’inverse, une consommation excessive de viande, de sel ou le régime « cétogène » prescrit dans certaines maladies neurologiques de l’enfant (riche en protides et en graisses, pauvre en glucides) favorisent le développement de lithiases calciques du haut appareil.

(11) La prise en charge médicale consiste à éviter la formation de nouveaux calculs par dilution des urines (boissons abondantes, > 1,5 L/m², réparties sur le nycthémère), correction d’une éventuelle hypocitraturie (lithogène), éviction des excès d’apports protidiques et sodés et par des mesures spécifiques : alcalinisation des urines (citrate ou bicarbonate de potassium) ± vitamine B6 en cas d’oxalose ; alcalinisation des urines, D-pénicillamine ou Acadione dans la cystinurie ; alcalinisation des urines et régime pauvre en purines dans la xanthinurie ; alcalinisation des urines et allopurinol en cas d’hyperuricémie. En cas d’hypercalciurie, supplémentation en potassium ± citrate ± hydrochlorothiazide (0,5-1 mg/kg) (sous surveillance du ionogramme), pas de restriction calcique, la supplémentation en vitamine D est contre-indiquée sauf en cas de carence avérée. Enfin, chez les enfants à risque de lithiases, un traitement préventif par hydratation abondante doit être conseillé.


Liens d’intérêts

Essais cliniques en qualité de co-investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (Roche) ; Conférences : invitations en qualité d’auditeur (Alexion, Pfizer).

Références

Lottmann H, Gagnadoux MF, Daudon M. Urolithiasis in children. In: Gearhart J, Rink R, Mouriquand P, eds. Pediatric Urology. Saunders Elsevier; 2009.

Avner E, Harmon W, Niaudet P, et al., eds. Pediatric Nephrology, 6th ed. Springer Verlag; 2009.

Habbig S, Beck BB, Hoppe B. Nephrocalcinosis and urolithiasis in children. Kidney Int 2012;82:493-7.