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Date de mise à jour 22/07/2019

Dyspnée du nourrisson

 

A. Masson*

Service de Pédiatrie, CHU Limoges, Hôpital de la mère et de l’enfant, 8 avenue Dominique Larrey, 87000 Limoges
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : alexandra.masson-rouchaud@chu-limoges.fr (A. Masson).
 

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Article validé par :

SFP (Société Française de Pédiatrie)

SP2A (Société Pédiatrique de Pneumologie et Allergologie)

Introduction

La dyspnée du nourrisson est une cause fréquente de consultation nécessitant d’en reconnaître la cause, d’évaluer sa gravité et de débuter sans tarder le traitement adapté.

Conduite à tenir face à une dyspnée du nourrisson

(1) L’interrogatoire comprend les antécédents périnataux (facteurs de risque d’infection materno-foetale, détresse respiratoire néonatale, tabagisme in utero, terme de naissance), les antécédents familiaux d’atopie (asthme, allergie, eczéma), les antécédents personnels (atopie, chirurgie), le mode de vie (mode de garde, animaux, tabagisme passif), les vaccinations, l’âge actuel du nourrisson, le mode d’apparition de la dyspnée (progressive/brutale), son évolution (aiguë/chronique) et l’histoire clinique avec signes associés. On recherchera la notion de syndrome de pénétration en faveur d’un corps étranger.

(2) L’inspection a deux objectifs : évaluer la gravité clinique et orienter le bilan étiologique. Elle va permettre de définir si la dyspnée est « bruyante » avec des sons perceptibles à l’oreille des parents et du clinicien, témoignant d’une obstruction ( stridor, cornage, wheezing, frein expiratoire) et de rechercher la présence ou non de signes de lutte associés. L’auscultation cardio pulmonaire et un examen général compléteront l’analyse sémiologique. En cas de dyspnée obstructive, il convient de libérer les voies aériennes supérieures, de respecter la position de l’enfant (proclive), d’apporter éventuellement de l’oxygène ± support ventilatoire. L’importance des signes de lutte et la saturation en oxygène (cyanose, sueurs) permettront de guider l’urgence de la prise en charge. La tolérance hémodynamique (choc, hépatomégalie, pouls fémoraux) et l’examen neurologique doivent également être évalués.

(3) Dans le cas d’une dyspnée obstructive, il faut définir le niveau de l’obstruction, ce qui n’est pas toujours simple. La recherche de signe de gravité doit être systématique : une fréquence respiratoire > 60/min, l’intensité des signes de lutte, des apnées (témoin de l’épuisement respiratoire), une cyanose, une agitation, des troubles de la conscience, des sueurs et/ou une tachycardie. Des signes en faveur d’un corps étranger enclavé ou d’une épiglottite aiguë nécessitent une prise en charge en urgence.

(4) Une dyspnée inspiratoire sera le plus souvent d’origine laryngée avec un stridor et éventuellement une toux rauque, mais une obstruction nasale ou pharyngée sont également possibles. L’hypertrophie amygdalienne et adénoïdienne est fréquente. Devant un stridor, il est important de rechercher le délai d’apparition (depuis la naissance, intervalle libre, augmentation progressive/rapide). L’urgence est toujours le corps étranger avec un syndrome de pénétration à rechercher à l’interrogatoire (après l’âge de 6 mois). En cas de doute, la nasofibroscopie permettra de confirmer la présence d’un corps étranger et devra être alors couplée à son extraction.

(5) La dyspnée aux deux temps (bruit de drapeau) correspond à un obstacle trachéal. La compression vasculaire par un arc aortique est toujours à rechercher ; normalement l’aorte descendante est toujours positionnée le long du bord gauche du rachis sur le cliché thoracique.

(6) Le wheezing est caractéristique de la dyspnée expiratoire par une atteinte bronchique ou bronchiolaire. Les causes sont variées mais l’âge et les modalités d’installation de la dyspnée permettront d’orienter le diagnostic. Un premier épisode de dyspnée sifflante chez un jeune nourrisson est le plus souvent une bronchiolite. Là encore l’inhalation de corps étranger doit être recherchée. Le scanner thoracique est un bon examen pour éliminer ce diagnostic en cas de notion de syndrome de pénétration. Devant la répétition d’épisodes de dyspnée sifflante, tout nourrisson dit « asthmatique » doit avoir un cliché thoracique de face en inspiration, et expiration si besoin, afin d’écarter un autre diagnostic.

(7) Lorsque la dyspnée n’est pas « bruyante » (silencieuse), l’auscultation cardiopulmonaire et le reste de l’examen physique (hémodynamique, etc.) permettent le plus souvent d’orienter le diagnostic. Les causes infectieuses sont les plus fréquentes ; on y retrouve certaines causes obstructives telles que la bronchiolite ou l’asthme dont le wheezing peut être absent, mais également les pneumonies. En cas de suspicion d’insuffisance cardiaque (difficultés chroniques à la prise alimentaire, hépatomégalie, souffle cardiaque, cardiomégalie sur un cliché thoracique), il faut pratiquer une échographie cardiaque et un bilan biologique (troponine, peptide natriurétique de type B (BNP). Une dyspnée chronique avec difficultés de prise pondérale doit faire rechercher une pathologie parenchymateuse. La radiographie est l’examen de choix en première intention pour orienter ou argumenter le diagnostic. Elle permet de rechercher un foyer systématisé, un élargissement ou une déviation médiastinale évoquant une compression, une hyperclarté (malformation ?), un épanchement (liquidien, gazeux). Par exemple, des images bulleuses à la radiographie de thorax évoqueront une malformation adénomatoïde kystique du poumon ou un emphysème lobaire congénital. Un situs inversus orientera vers une dyskinésie ciliaire. L’examen tomodensitométrique thoracique permettra l’analyse plus spécifique de l’ensemble des structures. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est actuellement de plus en plus utilisée pour l’analyse thoracique avec l’avantage d’être non irradiante et l’absence de nécessité d’anesthésie générale pour les nourrissons. Des examens biologiques pourront compléter cette enquête.

(8) Les dyspnées sine materia (sans signe de lutte ni anomalies auscultatoires) peuvent s’intégrer dans un contexte d’atteinte du système nerveux central (SNC) (traumatisme crânien, méningite, encéphalite), une acidose isolée (intoxication, décompensation de maladie métabolique, diabète), un choc hémorragique. L’interrogatoire et l’examen clinique orienteront les examens : numération de la formule sanguine (NFS), gaz du sang artériel (GDS), bandelette urinaire, recherche de toxiques (sang, urine), glycémie, tomodensitométrie (TDM) cérébrale, ponction lombaire, etc.

Conclusion

L’interrogatoire, l’inspection et l’auscultation cardiopulmonaire sont les éléments clés pour caractériser le type de dyspnée. Selon les cas, une radiographie de thorax de face et quelques examens simples permettront la plupart du temps de faire le diagnostic et d’orienter vers une prise en charge spécifique. Les pathologies infectieuses restent les causes les plus fréquentes.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts avec cet article.

Références

Drummond D. Dyspnée aiguë. In: de Blic J, Delacourt C. Pneumologie pédiatrique. Lavoisier; 2018.

Bourrillon A. Détresse respiratoire du nourrisson. In: Bourrillon A, et al. Pédiatrie pour le praticien. Masson; 2008:672-6.

Société française de néonatologie. Prise en charge du nouveau-né à risque d’infection néonatale bactérienne précoce. Recommandations de bonne pratique clinique. 2017.