Vous êtes ici


Date de mise à jour 29/04/2022

Enfant exposé à un cas de tuberculose pulmonaire

 

L. de Pontual, M. Pellan, E. Foucaud

Service de Pédiatrie, Hôpital Jean Verdier, APHP, avenue du 14 Juillet, Bondy, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : loic.de-pontual@aphp.fr (L. de Pontual).
 

Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
 
 
Article validé par :

GPGse (Groupe de Pédiatrie Générale, Sociale et Environnementale

GPIP (Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique)

SP2A (Société de Pneumologie et Allergologique Pédiatrique)

 

Remerciements aux relecteurs :

G. Benoist (GPGse)

J. Gaudelus

E. Grimprel (GPIP)

Conseil scientifique (SP2A)

Introduction

La source de contamination d’un enfant est avant tout un adulte souvent bacillifère. Un dépistage autour d’un cas adulte contagieux doit être rapidement organisé par le Centre de Lutte Anti Tuberculose (CLAT). Le diagnostic de tuberculose chez un enfant doit faire rechercher un contaminateur.

Le risque d’infection chez l’enfant exposé est modulé par différents facteurs, liés à la contagiosité du cas index, aux conditions d’exposition et à l’enfant lui-même. Il est de 25 % en moyenne. La proportion des infectés ayant d’emblée des signes de (ou évoluant vers une) tuberculose maladie (TM) varie avec l’âge de l’enfant et peut atteindre 40 % chez les moins de 5 ans.

Une fois l’enfant infecté, le principal facteur de progression immédiate vers la maladie est le jeune âge de l’enfant. Ce risque est très augmenté chez les enfants âgés de moins de 2 ans (qui sont aussi les plus à risque de faire une forme grave : méningite et miliaire) ; ce qui justifie la prophylaxie systématique dans cette tranche d’âge. Ce risque persiste jusqu’à 5 ans.

Conduite à tenir chez un enfant exposé à un cas de tuberculose pulmonaire

Définition d’un contact considéré à risque de transmission.

Le risque de transmission est particulièrement corrélé à l’intensité et à la durée d’exposition avec un cas index bacillifère (BAAR positifs à l’examen microscopique) et/ou dont la culture s’avère positive. L’intensité de l’exposition est dépendante de la proximité et de la répétition des contacts, notamment le partage d’un même domicile (contact intrafamilial) ou d’une même classe. Le risque de transmission augmente avec la durée d’exposition au cas index qui est estimée par le cumul des temps de contact (prolongés ou répétés). À titre indicatif, une durée d’exposition cumulée supérieure à 8 heures avec un sujet bacillifère est considérée comme significativement à risque de transmission.

(1) Évaluation initiale : examen clinique et radiographie du thorax de face +/- profil en cas de doute.

Un examen clinique complet doit être systématique. La radiographie pulmonaire permet de mettre en évidence des lésions pulmonaires en faveur du diagnostic de tuberculose maladie.

(2) Enfant âgé de moins de 5 ans ou immunodéprimé : un test immunitaire (IDR ou IGRA) doit être réalisé précocement du fait du risque important de progression vers une tuberculose maladie.

Deux types de tests immunitaires sont possibles :
• L’IDR à la tuberculine (Tubertest®). Sa lecture doit se faire entre 48 et 72 heures après l’injection, par la mesure en millimètres du plus grand diamètre transversal de l’induration. Elle permet une évaluation de la réponse immunitaire globale in vivo après administration de nombreux antigènes mycobactériens (dont ceux présents dans le BCG). Par conséquent, l’IDR doit être interprétée en fonction de la vaccination par le BCG. Une IDR négative n’élimine jamais une tuberculose.
• Les tests mesurant la libération d’interféron gamma (IGRA) par les lymphocytes du patient (Quantiferon® et T spot-TB®). Ils correspondent au dosage d’une seule cytokine (interféron gamma) ex-vivo libérée en réponse à deux antigènes mycobactériens spécifiques de M. tuberculosis absents du BCG. L’interprétation des IGRA est actuellement uniquement qualitative : test positif ou négatif selon un seuil établi par le fabriquant. Tout IGRA positif témoigne d’une infection par une mycobactérie du complexe M. tuberculosis. Parfois, il peut être rendu indéterminé ce qui impose de refaire le test. Chez les enfants de 2 ans et plus, l’IGRA est plus spécifique que l’IDR, particulièrement chez ceux qui ont reçu le vaccin BCG. Ceci permet de limiter la nécessité d’effectuer d’autres tests et d’éviter d’amorcer un traitement si l’IGRA est négatif.

(3) Enfant âgé de 5 ans ou plus immunocompétent : le test immunitaire sera réalisé 8 à 12 semaines après le dernier contact avec le cas index si la radiographie de thorax est normale, du fait du risque moindre de progression vers une tuberculose maladie.

Radiographie du thorax normale : résultats du/des test(s) immunitaire(s).

(4) En cas de test immunitaire positif (IDR ou IGRA) avec radiographie normale, le diagnostic d’ITL (Infection Tuberculeuse Latente) doit être porté. Pour un enfant vacciné par le BCG et exposé à un cas de tuberculose contagieuse, une IDR phlycténulaire ou une induration ≥ 15 mm doit être considérée comme témoignant d’une infection. En l’absence de vaccination par le BCG, le diagnostic d’ITL doit être proposé si l’IDR est ≥ 10 mm.

(5) En l’absence de critère d’ITL (test immunitaire négatif et radiographie normale).

(5a) Pour les enfants de moins de 5 ans, une réévaluation 8 à 12 semaines après doit être faite avec examen clinique et test immunitaire de contrôle. Une nouvelle radiographie de thorax ne sera réalisée qu’en cas de test immunologique devenu positif.

(5b) Pour les enfants âgés de 5 ans ou plus et immunocompétents, la surveillance peut être arrêtée si le test immunitaire qui a eu lieu 8 à 12 semaines après le dernier contact est négatif.

(6) Enfants devant bénéficier d’une prise en charge thérapeutique (hors TM)

(6a) Les enfants ayant des critères d’ITL doivent bénéficier d’un traitement par isoniazide (10 mg/Kg/j) et rifampicine (15 mg/Kg/j) pendant 3 mois. En l’absence de pathologie hépatique chronique, il n’est pas nécessaire de réaliser de bilan sanguin avant traitement.

(6b) Même en l’absence d’argument en faveur d’une infection lors de la première évaluation, une prophylaxie par isoniazide et rifampicine pendant 3 mois est recommandée pour les enfants de moins de 2 ans et les enfants immunodéprimés jusqu’à leur deuxième évaluation qui aura lieu 8 à 12 semaines après le dernier contact avec le cas index.

(7) Radiographie du thorax anormale ou signes cliniques.

Par définition, l’infection tuberculeuse latente (ITL) ne s’accompagne d’aucun signe clinique ou radiographique.

De nombreux cas de TM pédiatriques restent également asymptomatiques. Lorsqu’ils sont présents, les symptômes sont non spécifiques : toux, fièvre, baisse de l’appétit, amaigrissement, signes auscultatoires localisés, détresse respiratoire.

Toute anomalie radiologique évocatrice : infiltrat, nodule de taille variable, trouble de ventilation (opacité avec rétraction, hyperclarté avec distension), adénopathies hilaires ou médiastinales (à centre hypodense en TDM), cavité ou caverne, épanchement pleural, doit faire évoquer le diagnostic de TM, quel que soit le résultat du test immunitaire.

Une hospitalisation est alors nécessaire.

Concernant les prélèvements diagnostiques, l’expectoration spontanée doit être privilégiée. Lorsque l’enfant ne crache pas spontanément, les méthodes alternatives de recueil sont l’aspiration nasopharyngée, l’expectoration induite, ou le tubage gastrique, avec un rendement microbiologique équivalent pour ces différentes techniques. On réalisera ces prélèvements 3 jours de suite le matin à jeun pour examen direct à la recherche de BAAR et culture sur milieu liquide et solide. Un test d’amplification de l’ADN en temps réel, Xpert MTB/RIF, permet un diagnostic rapide (en moins de 2 heures) à la fois de tuberculose (identification directe de M. tuberculosis) mais aussi de résistance à la rifampicine. Ce test génomique est recommandé en cas de positivité de l’examen microscopique ou en cas de négativité de cet examen mais avec une culture positive. Une culture positive avec réalisation d’un antibiogramme permet de poser un diagnostic définitif et de vérifier la résistance aux médicaments. Un examen tomodensitométrique avec injection permet de préciser l’étendue des lésions (infiltrats alvéolaires et compressions bronchiques), le siège et les caractéristiques des adénopathies. La fibroscopie bronchique n’est pas systématique mais à discuter avec un spécialiste pneumologue pédiatre.

Tous les patients atteints de la tuberculose doivent bénéficier d’une sérologie VIH.

Conclusion

Le dépistage des enfants exposés à un adulte tuberculeux représente un élément essentiel de la prévention de la TM de l’enfant. De nombreuses particularités pédiatriques rendent le diagnostic de tuberculose parfois difficile, nécessitant le recours à un faisceau d’arguments pour poser les indications thérapeutiques adaptées.

Remerciements

Cet article fait partie du numéro supplément « Pas à Pas 2020 » réalisé avec le soutien institutionnel des sociétés Gallia, Procter & Gamble et Sanofi Pasteur.

Liens d’intérêts

Aucun

Références

Infections tuberculeuses latentes : détection, prise en charge et surveillance. HCSCP. 2019. Disponible sur internet à : https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=hcspr20190510_infetubelatedtecprisencharetsurv.pdf

Lignes directrices concernant la prise en charge de la tuberculose chez l’enfant dans le cadre des programmes nationaux. 2016. Disponible sur internet à : https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/251469/9789242548747-fre.pdf?sequence=1

Getahun H, Matteelli A, Chaisson RE, Raviglione M. Latent Mycobacterium tuberculosis infection. N Engl J Med 2015;37(22)2:2127–35.

Lewinsohn DM, Leonard MK, LoBue PA et coll. Official American Thoracic Society/Infectious Diseases Society of America/Centers for Disease Control and Prevention clinical practice guidelines: Diagnosis of tuberculosis in adults and children. Clin Infect Dis 2017;64(2):111–5.

Laurenti P, Raponi M, de Waure C, Marino M, Ricciardi W, Damiani G. Performance of interferon-ƴ release assays in the diagnosis of confirmed active tuberculosis in immunocompetent children: A new systematic review and meta-analysis. BMC Infect Dis 2016;16:131.