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Thématique:
Traumatisme dentaire chez l’enfant
S. Rivière
Service des urgences pédiatriques, CHU Armand-Trousseau (AP-HP), Paris, France*Auteur correspondant - Adresse e-mail : simon.riviere@aphp.fr (S. Rivière). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Article validé par : | |
GFRUP (Groupe Francophone de Réanimation et d’Urgences Pédiatriques) |
Remerciements aux relecteurs : | |
L. Hoang N. Lepouriel J. Nancy C. Naulin-Ifi (chirurgiens-dentistes) D. Brossier B. Vrignaud (GFRUP) |
Introduction
L’objectif de ce pas à pas est de permettre aux pédiatres évaluant un enfant traumatisé dentaire en première ligne de savoir quand adresser au chirurgien-dentiste ou au chirurgien maxillo-facial, et dans quel délai. Il est important que chaque service d’urgence ou cabinet médical identifie localement des partenaires ayant une orientation pédiatrique, ainsi que les modalités d’adressage.
Seuls les traumatismes dentaires isolés sont traités ici ; il ne faut toutefois pas oublier de rechercher systématiquement un éventuel traumatisme crânien ou du massif facial associé.
La conduite à tenir diffère selon le type de denture concernée ; il est donc essentiel de connaître la chronologie normale des dentures d’un enfant : 0-5 ans = dents temporaires (DT) uniquement, numérotées de 51 à 85 ; 5-12 ans : denture mixte avec coexistence de dents permanentes et de dents temporaires ; > 12 ans : dents permanentes (DP), numérotées de 11 à 48.
Les DT, dents temporaires ou dents de lait, apparaissent vers 6 mois et chutent à partir de 5-6 ans, avec au total 20 dents, soit 10 par mâchoire, avec de chaque côté (Figure 1) : 1 incisive centrale et 1 latérale, 1 canine et 2 molaires.
Figure 1. Dents temporaires ou dents de lait.
Les DP, dents permanentes ou définitives, apparaissent après 6 ans, avec au total 32 dents, soit 16 par mâchoire, avec de chaque côté (Figure 2) : 2 incisives, 1 canine, 2 prémolaires, et 3 molaires (dont une dite « dent de sagesse »).
Figure 2. Dents permanentes ou définitives.
Conduite à tenir devant un traumatisme dentaire isolé
Différentes situations à connaître
(1) Fracture
En cas de fracture (dent cassée), il est nécessaire de rechercher une atteinte pulpaire. Celle-ci est caractérisée par une douleur très intense (« rage de dents ») et nécessite une prise en charge adaptée : rincer avec un anesthésique topique type lidocaïne gel, puis réaliser une hémostase par compression et prévoir une consultation spécialisée très rapidement, idéalement dans l’heure quand cela est possible, et au plus tard dans les 24-48 heures.
En l’absence d’atteinte pulpaire, une consultation spécialisée dans les 24-48 heures est souhaitable, surtout pour les DP, en limitant le délai à 1 semaine maximum pour les DT. L’objectif est de poser un pansement sur la plaie dentinaire pour éviter la contamination bactérienne du tissu et de la pulpe sous-jacente. Penser à dire aux parents de rechercher les éventuels fragments cassés et de les mettre dans un milieu humide (sérum physiologique, lait ou eau).
(2) Expulsion (avulsion)
En cas de DT tombée, il n’y a aucune mesure particulière, si ce n’est de rechercher la dent pour vérifier qu’il s’agit bien d’une expulsion (et non d’une impaction, ou encore d’une inhalation/ ingestion). Il ne faut surtout pas la réimplanter, le risque principal étant l’inhalation et la lésion du germe de la DP de remplacement. Une consultation spécialisée est cependant souhaitable dans les jours qui suivent.
En cas de DP tombée, il s’agit d’une urgence thérapeutique. Il est nécessaire de la réimplanter au plus vite, sans attendre la consultation spécialisée, qui aura elle-même lieu au décours immédiat du geste. Limiter le temps extra-oral de la dent permet d’augmenter les chances de conservation à long terme.
Protocole de réimplantation d’une DP
La réimplantation doit se faire au plus tôt, idéalement dans l’heure, voire sur le lieu de l’accident. Ne pas toucher la racine, prendre la dent par la couronne. Rincer la dent avec du sérum physiologique (ou à défaut sous l’eau froide pendant 10 secondes). Sous anesthésie locale, rincer l’alvéole et éliminer le caillot avec du sérum physiologique. Repositionner la dent doucement dans l’alvéole avec une légère pression digitale, puis faire mordre sur un paquet de compresses jusqu’à la consultation spécialisée pour stabiliser le tout. Adresser ensuite l’enfant aux urgences dentaires les plus proches, à jeun, pour pose d’une contention par un chirurgien-dentiste. Débuter une antibiothérapie par amoxicilline (voir plus bas).
(3) Impaction (intrusion)
En cas de dent enfoncée, une alimentation molle est conseillée pendant 1 semaine, avec une consultation spécialisée dans les 24-48 heures (maximum 1 semaine) pour une DT et impérativement dans les 24 heures pour une DP.
Si l’impaction concerne une DT, il y a un risque pour le germe de la DP de remplacement. Lors de la consultation spécialisée, une radiographie de contrôle sera faite ainsi qu’une vérification des tables osseuses externe et interne, et des muqueuses en regard.
Si l’impaction concerne une DP, le spécialiste suivra la vitalité de la dent, souvent immature, pour vérifier que l’édification radiculaire s’achève dans de bonnes conditions.
(4) Extrusion/luxation latérale
Une DT mobile et non à sa place risque d’être inhalée par l’enfant. Il vaut mieux dans ce cas précis retirer complètement la dent de lait et un avis spécialisé peut alors être utile. Si la dent de lait est extrêmement mobile, le pédiatre peut la retirer directement avec une compresse en tenant la dent par la racine et en tournant pour l’extraire.
A contrario, pour une DP, il faut tenter une réduction/réimplantation avec une pression légère.
Dans tous les cas, la consultation spécialisée est à prévoir dans les 24 heures.
(5) Autre.
Si la dent est à sa place et n’est pas fracturée, une alimentation molle pendant 1 semaine et une consultation sans urgence (idéalement dans la semaine) suffisent, qu’il s’agisse d’une DT ou d’une DP.
Si la dent est mobile et douloureuse, on parle de subluxation ; s’il s’agit simplement d’une douleur à la percussion, on parle de contusion.
Autres mesures
Une antibiothérapie n’est le plus souvent pas nécessaire sur un traumatisme dentaire isolé. Elle est nécessaire seulement en cas de plaie muqueuse importante, de fracture alvéolaire, ou de réimplantation d’une dent définitive. Dans ces rares cas : amoxicilline 50 mg/kg/j en 2 ou 3 prises, sans dépasser 3 g/j, pendant 7 jours. Si allergie : clindamycine ou doxycycline.
Quelle que soit la gravité du traumatisme, il faut rédiger un certificat médical initial en notant la numérotation de la dent atteinte, pour prise en charge ultérieure par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), mutuelle ou assurance.
Conclusion
Un traumatisme sur une dent de lait ne nécessite dans la majorité des cas aucun geste en urgence, et peut être vu à distance en consultation dentaire. Si la dent de lait est très mobile, une extraction peut être nécessaire pour éviter l’inhalation (principal risque chez l’enfant).
A contrario, un traumatisme sur une dent définitive nécessite une consultation dentaire rapide. L’expulsion d’une dent définitive nécessite une réimplantation en urgence par le pédiatre.
Pour tous les traumatismes dentaires plus compliqués que ceux décrits ici, il est nécessaire d’avoir un avis spécialisé en urgence.
Liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Cet article fait partie du supplément Pas à Pas 2021 réalisé avec le soutien institutionnel de Procter & Gamble et Sanofi Pasteur.
Références
2020 IADT Guidelines for the Evaluation and Management of Traumatic Dental Injuries www.iadt-dentaltrauma.org/for-professionals.html
Naulin-Ifi C, Manière MC. La dent et l’enfant de 0 à 16 ans. Espace ID coll Questions-Réponses 2019.