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Date de mise à jour 27/05/2024

Malaise du nourrisson

 

G. Mortamet1, E. Launay2

1Service de soins critiques pédiatriques, CHU Grenoble, université de Grenoble – Alpes, France
2Service de pédiatrie générale, CHU Nantes, université de Nantes, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : gmortamet@chu-grenoble.fr (G. Mortamet).
 

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Article validé par :

Filiale de Cardiologie Pédiatrique et Congénitale (FCPC)

Groupe Francophone de Réanimation et d’Urgences Pédiatriques (GFRUP)

Groupe de Pédiatrie Générale, sociale et environnementale (GPGse)

Société Française de Neurologie Pédiatrique (SFNP)

 

Introduction

(1) Le malaise du nourrisson est un accident inopiné et brutal, résolutif ou non, qui inclut un ou plusieurs des éléments suivants : cyanose ou pâleur, anomalie du rythme respiratoire (apnée, polypnée, ou respiration irrégulière), modification du tonus et/ou du comportement (avec ou sans perte de connaissance). Le malaise du nourrisson n’est pas un diagnostic spécifique, mais plutôt un motif de consultation. Il se présente essentiellement chez des enfants âgés de moins de 6 mois, plus souvent durant l’hiver. Il génère fréquemment une grande anxiété familiale avec impression de mort imminente.

Les étiologies sont très diverses, le plus souvent bénignes. Le défi clinique consiste à identifier les nourrissons qui devront bénéficier d’examens complémentaires et d’une observation prolongée, sur la base d’éléments en faveur d’un diagnostic sous-jacent identifiable potentiellement sévère ou un risque d’événements ultérieurs, tout en évitant les examens, la surveillance et l’admission à l’hôpital inutiles pour les nourrissons ne présentant pas ces caractéristiques. En raison de la diversité des présentations, des causes et des pronostics des nourrissons présentant un malaise, l’évaluation et la prise en charge doivent être individualisées.

(2) Il convient d’éliminer les « faux malaises » (endormissement, spasmes du sanglot, etc.). Une vidéo fournie par les parents peut être un outil d’intérêt pour analyser l’événément ou orienter vers une étiologie particulière.

Conduite à tenir devant un malaise du nourrisson

(3) Mesures d’urgence immédiates

Dès l’évaluation médicale initiale du nourrisson, il faut rechercher des critères objectifs de gravité (défaillance hémodynamique, ventilatoire, neurologique) ou des éléments cliniques évocateurs faisant redouter une urgence (sepsis, détresse respiratoire).

Leur identification doit conduire à une prise en charge thérapeutique urgente et à leur réévaluation régulière après mesures correctrices, en suivant l’algorithme A/B/C/D/E.

Évaluation de la gravité du malaise

(4) Signes d’alerte à l’interrogatoire et à l’examen clinique
Un interrogatoire et un examen clinique rigoureux (nourrisson déshabillé) doivent être conduits. Les antécédents personnels (y compris néonataux) et familiaux, les traitements éventuels (ceux de l’enfant, de la mère, ou les médicaments présents au domicile), le contexte social doivent être évalués. Un épisode similaire antérieur doit être recherché.

L’environnement de l’enfant doit être évalué (mode de couchage, modalités de chauffage, cas similaires dans l’entourage, etc.). Le déroulement du malaise doit être précisément analysé avec le contexte (effort, fièvre…), les signes précurseurs, le type de malaise (coloration, tonus, mouvements anormaux, regard, respiration, durée), le mode de récupération et les éventuelles interventions réalisées (stimulation, bouche-à-bouche, massage cardiaque), en s’interrogeant sur leur caractère justifié ou non. Les parents ont parfois filmé une partie de l’épisode sur leur smartphone.

L’examen clinique s’attache d’abord à rechercher des signes de gravité : défaillance hémodynamique (tachycardie, bradycardie, hypotension, hypoperfusion périphérique), respiratoire (hypoxie, signes de détresse respiratoire, signes d’hypercapnie), ou neurologique (troubles de conscience, tonus, convulsions). L’examen clinique complet (nourrisson déshabillé) a également pour objectif de s’orienter vers une cause potentielle de malaise et d’évaluer l’état général de l’enfant. Parmi les points importants de cet examen : le poids et le périmètre crânien doivent être mesurés, reportés sur les courbes et comparés aux valeurs normales ; les signes de traumatisme apparents doivent être recherchés (toute lésion sentinelle chez un enfant non déambulant doit être considérée comme suspecte (voir PAP Lésions ecchymotiques de l’enfant non déambulant).

La présence de signes d’alerte et notamment : un antécédent d’épisode similaire (en particulier si récent < 24 heures), la notion de décès inexpliqué dans l’enfance ou jeune adulte chez un membre de la famille, un élément de gravité durant le malaise (cyanose, perte de connaissance, nécessité de geste de réanimation), la survenue au cours d’un effort, une augmentation brutale même faible du PC, des signes en faveur de sévices, une anomalie dysmorphique ou congénitale, une pathologie sousjacente significative doivent conduire à des examens complémentaires systématiques et à une surveillance hospitalière.

Parmi les causes de malaise, la crise fébrile simple peut s’accompagner d’une rupture du contact. Il s’agit d’une entité bien identifiable (crise épileptique reliée à la fièvre, survenant chez un nourrisson/enfant âgé de 6 mois à 5 ans, ayant un développement psychomoteur normal et en dehors de toute atteinte, infectieuse ou non, du SNC) qui ne justifie pas le plus souvent d’examen complémentaire en dehors de celui/ceux éventuellement requis par l’épisode fébrile (retour de voyage de zone endémique de paludisme par exemple…).

(5) Critères de bas risque de pathologie grave
Après évaluation, le nourrisson pourra être considéré à bas risque de récidive ou de pathologie organique grave s’il est âgé de plus de 2 mois (si prématuré, terme ≥ 32 SA et âge corrigé ≥ 1 mois), qu’il n’a pas d’antécédent significatif, s’il a présenté un seul épisode de malaise, que la durée du malaise était de moins de 1 minute, s’il n’y a pas eu besoin de geste de réanimation par un soignant formé et que l’examen clinique était normal au décours.

(6) Examens complémentaires
Plusieurs étiologies de malaise du nourrisson sont possibles. Il peut s’agir d’une pathologie respiratoire (infection respiratoire dont coqueluche et bronchiolite, apnée centrale ou obstructive, malformation respiratoire haute ou basse), cardiaque (cardiopathie congénitale ou acquise, trouble du rythme), infectieuse (sepsis, méningite et/ou encéphalite, infection urinaire), traumatique (accidentelle ou non : penser au syndrome du bébé secoué), digestive (reflux gastro-oesophagien, oesophagite, malformation de l’appareil digestif, volvulus, invagination intestinale), neurologique (crise épileptique, maladie neuromusculaire), d’une anomalie innée du métabolisme ou d’une intoxication exogène (médicaments, drogues de synthèse, monoxyde de carbone, produits ménagers, etc.).

En cas de signes d’alerte ou si tous les critères de bas risque ne sont pas remplis, des examens complémentaires s’imposent afin de documenter le malaise.

Certains sont alors systématiques : un électrocardiogramme (ECG), une glycémie capillaire, un gaz du sang veineux ou capillaire avec dosage des lactates, un ionogramme sanguin, et une numération formule sanguine.

D’autres sont fonction de l’orientation étiologique. Dans le cas où une étiologie infectieuse est suspectée, il convient de réaliser : une hémoculture, une BU +/- ECBU, un dosage de la CRP et/ou PCT, et une recherche virologique (VRS, grippe, SARS-Cov2) ou bactériologique (coqueluche). Il faut penser systématiquement à une cause infectieuse avant 3 mois. En cas de pathologie respiratoire suspectée, une radiographie thoracique peut être pertinente. Si une cause cardiaque est redoutée, on devra demander, en plus de l’ECG, une radiographie thoracique et une échographie cardiaque (à évoquer devant un malaise à l’effort comme lors de l’alimentation par exemple, des pouls fémoraux abolis, la présence d’un souffle cardiaque, d’une cyanose, d’une hépatomégalie). En cas d’étiologie neurologique suspectée, une imagerie cérébrale, un fond d’oeil, une ponction lombaire, une recherche de toxiques sanguins et urinaires, un bilan métabolique (ammoniémie, glycémie, CPK) et/ou un électroencéphalogramme pourront compléter le bilan. En cas d’éléments évocateurs de sévices infligés (circonstances floues, délai tardif de consultation, augmentation du périmètre crânien, lésion sentinelle), une maltraitance doit être évoquée. Le syndrome du bébé secoué est le plus souvent redouté dans un contexte de malaise notamment avec hypotonie et/ou pâleur au décours d’un épisode de pleurs inconsolables.

Enfin, si la cause suspectée est d’origine digestive (vomissements, douleurs abdominales, rectorragies, syndrome occlusif, ou malaises isolés mais répétés comme dans l’invagination intestinale aiguë), une échographie abdominale et un bilan hépatique seront effectués.

Orientation et prise en charge

La prise en charge dépendra de l’étiologie suspectée et de la présence de signes de gravité et d’alerte.

(7) En l’absence de signes de gravité ou d’alerte et si tous les critères de bas risque sont remplis, l’orientation et la prise en charge initiales dépendront de l’âge et du contexte familial. Adresser l’enfant aux urgences n’est pas indispensable mais un temps d’observation de 4 heures peut être proposé afin de s’assurer de l’absence de récidive rapprochée et rassurer la famille, ainsi qu’une consultation à 24 heures.

(8) Chez l’enfant pour lequel des signes de gravité et/ou d’alerte et/ou le caractère incomplet des critères de bas risque sont identifiés, une surveillance scopée dans un environnement adapté (hospitalisation de courte durée, conventionnelle ou en soins critiques) pour une durée minimale de 12 heures selon la gravité et l’étiologie suspectée est de règle.

Un traitement symptomatique sera associé en fonction des signes cliniques présentés, ainsi qu’un traitement étiologique selon les résultats de l’enquête diagnostique.

Conclusion

Le malaise du nourrisson est un motif fréquent de consultation. Dans la plupart des cas il est résolutif, et il n’est pas rare de ne pas identifier d’étiologie. Les examens complémentaires sont argumentés et dépendent de la gravité, du terrain et des diagnostics suspectés. Une hospitalisation pour surveillance est recommandée en cas d’éléments de gravité et de doute pour une pathologie à risque de récidive et/ou potentiellement sévère.

À la sortie, il convient de rassurer l’entourage autant que possible, d’informer les parents sur les signes devant amener à une nouvelle consultation (leur conseiller de filmer un éventuel nouvel épisode), et de proposer une consultation (avec le médecin traitant ou la PMI) quelques jours après la sortie. Les règles de prévention de la mort inattendue du nourrisson devront aussi être rappelées.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

Cet article fait partie du supplément Pas à Pas 2024 réalisé avec le soutien institutionnel de Procter & Gamble.

Références

Tieder JS, Bonkowsky JL, Etzel RA, et al. Brief resolved unexplained events (formerly apparent life-threatening events) and evaluation of lower-risk infants. Pediatrics. 2016 May:137(5):e20160591.

Colombo M, Katz ES, Bosco A, et al. Brief resolved unexplained events: retrospective validation of diagnostic criteria and risk stratification. Pediatr Pulmonol. 2019 Jan;54(1):61-5.

Kahn A, European Society for the Study and Prevention of Infant Death. Recommended clinical evaluation of infants with an apparent life-threatening event. Consensus document of the European Society for the Study and Prevention of Infant Death, 2003. Eur J Pediatr. 2004Feb;163(2):108-15.