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Date de mise à jour 30/07/2019

Érythème noueux et nouures de l’enfant

 

A. Carbasse*

Pédiatrie, CHU Arnaud-de-Villeneuve, 371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : a-carbasse@chu-montpellier.fr (A. Carbasse).
 

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Article validé par :

SFP (Société Française de Pédiatrie)

SOFREMIP (SOciété FRancophone dédiée à l’Etude des Maladies Inflammatoires Pédiatriques)

Introduction

L’érythème noueux (EN) est une affection rare chez l’enfant en comparaison avec l’adulte. C’est la plus fréquente des panniculites de l’enfant. Peu de données de fréquence sont retrouvées dans la littérature avec des séries modestes. Le sex-ratio est de 1 en pédiatrie (majorité féminine chez l’adulte). Les causes peuvent être variées : l’EN peut signaler une affection auto-immune, auto- inflammatoire ou une maladie infectieuse. Dans plus de 50 % des cas, il est considéré comme idiopathique et a une évolution favorable.

Conduite à tenir face à un EN

(1) Affirmer le diagnostic. La lésion élémentaire de l’EN est une nouure qui se caractérise cliniquement par un nodule cutané profond, ferme, douloureux, siégeant le plus souvent en regard des crêtes tibiales, près des genoux, mais parfois au niveau des mollets, des cuisses, des fesses et plus rarement sur les membres supérieurs. Chaque nouure régresse spontanément sans cicatrice en 2 à 3 semaines en passant par les différents stades de la biligénie. Devant un tableau typique d’EN, la biopsie cutanée ne se justifie pas en 1re intention, l’histologie ne permettant pas une orientation étiologique (panniculite septale non spécifique). Elle a par contre un intérêt diagnostique dans les formes atypiques car la nature de l’infiltrat cellulaire, sa topographie septale ou lobulaire et la présence ou non d’une vascularite peuvent orienter vers les différents diagnostics différentiels.

(2) Il y a peu de diagnostics différentiels de l’EN chez l’enfant. Dans les cas atypiques (chronicité, troubles trophiques ou écoulement, lésions associées à type de livedo ou de purpura, séquelles lipoatrophiques), on peut se poser la question d’un purpura rhumatoïde, ou de toutes les autres causes de panniculite (infection, vascularite, dermatose granulomateuse ou neutrophilique, lymphome cutané, panniculite lupique, etc.).

(3) L’examen clinique complet avec analyse de la courbe staturo-pondérale est la première étape de la démarche diagnostique. En l’absence d’orientation diagnostique évidente, on peut prescrire comme bilan de 1re intention : numération de la formule sanguine (NFS), vitesse de sédimentation (VS), C- reactive protein (CRP), bilan hépatique, intradermoréaction à la tuberculine (IDR)/test interféron gamma en cas de suspicion de tuberculose, radiographie du thorax de face, test de diagnostic rapide pour streptocoque du groupe A (TDR-SGA) ± antistreptolysine O (ASLO)-ASDO, coproculture et examen parasitologique des selles (EPS) et sérologie Yersinia en cas de diarrhée. Dans plus de 50 % des cas, l’EN est idiopathique.
En pédiatrie, la principale cause est infectieuse avec notamment les infections streptococciques. Le contexte de survenue peut aider au diagnostic : notion d’angine précédant l’épisode, fièvre, TDR-SGA voire un prélèvement bactériologique pharyngé positif. On peut rechercher un syndrome inflammatoire et s’aider du dosage des ASLO-ASDO, dont l’interprétation reste cependant difficile en pédiatrie.

(4a et 4b) L’identification d’un tableau digestif ou respiratoire pourra orienter.

(5) Le Campylobacter et la Yersinia peuvent être accompagnés d’un EN, la notion de diarrhée fébrile orientera alors et le diagnostic sera confirmé par la coproculture.
D’autres maladies infectieuses peuvent être accompagnées d’un EN, comme les hépatites virales ou d’autres virus (virus d’Epstein-Barr [EBV], cytomégalovirus [CMV], virus de l’hépatite B [VHB], virus de l’immunodéficience humaine [VIH], virus de l’hépatite C [VHC]), certaines parasitoses (Tænia, amibiase) avec la notion de diarrhée chronique à l’interrogatoire (EPS) ou d’autres infections plus rares en pédiatrie comme la syphilis, la leptospirose, l’histoplasmose, par exemple.

(6) Les mycobactéries (bacille de Koch [BK]) peuvent être accompagnées d’un EN. Une origine géographique ou un voyage en zone d’endémie prolongée, une notion de contage, une toux chronique fébrile, une altération de l’état général orienteront vers ce diagnostic qui sera argumenté par une radiographie du thorax, une intradermoréaction à la tuberculine (IDR) ou un test inter féron gamma.
L’EN peut être présent dans les entéropathies inflammatoires comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique (RCH), ou certaines maladies systémiques comme la sarcoïdose.

(7) Les signes qui orienteront vers une sarcoïdose sont la présence d’une uvéite (granulomateuse antérieure principalement), une atteinte pulmonaire avec des adénopathies hilaires sur le cliché thoracique, définissant le syndrome de Löfgren. Ce syndrome est une forme aiguë de la sarcoïdose et présent dans 20-30 % des cas avec un bon pronostic. Ce diagnostic reste cependant rare en pédiatrie. Il est la première cause d’EN chez l’adulte, notamment chez la femme jeune.

(8) Plus fréquemment les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) peuvent être accompagnées d’EN. Le diagnostic est évoqué sur une altération de l’état général avec perte de poids/cassure pondérale ± diarrhée chronique, douleurs abdominales, atteinte anale ou aphtose buccale récurrente. La confirmation est anatomopathologique grâce à l’endoscopie digestive, mais la recherche d’une hypoalbuminémie, d’une élévation de la calprotectine fécale, de la positivité des anti-Saccharomyces cerevisiæ (ASCA) et/ou des signes indirects d’inflammation en échographie des anses grêles/coliques et/ou à l’entéro-IRM peuvent étayer ce diagnostic.

(9) D’autres maladies systémiques peuvent être associées à un EN, telles que la maladie de Behçet. L’origine géographique, la présence d’une aphtose uni-/bipolaire, de lésions de pseudofolliculite nécrotique, ou d’uvéite non granulomateuse ou de méningite ainsi qu’un test de pathergie orienteront vers cette maladie. L’EN est aussi décrit dans le lupus érythémateux systémique, même si cette atteinte cutanée y est rare.

(10) D’autres causes sont plus rares en pédiatrie : hémopathies malignes (lymphome hodgkinien, leucémie) ou origine iatrogène (sulfamides, contraceptifs oraux, etc.). Un avis spécialisé est indispensable pour aider au diagnostic en cas de récidive ou de persistance/d’atypies.

Conclusion

L’EN reste une affection rare en pédiatrie et qui généralement se résout spontanément. Un bilan diagnostique est fréquemment réalisé mais reste souvent négatif, notamment du point de vue infectieux.
La prise en charge d’un EN est à la fois étiologique et symptomatique. En général, le repos et les antalgiques de palier 1 permettent de traiter la poussée. Parfois, un traitement par anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) permet une amélioration. La colchicine peut être utilisée dans des formes récidivantes. En cas de forme atypique ou associée à des signes systémiques, la biopsie large et profonde (fuseau) est conseillée. Un avis spécialisé est indispensable.

Liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article.

Références

Harrisson. Principes de médecine interne. Lavoisier.

Requena L, Yus ES. Panniculitis. Part I. Mostly septal panniculitis. J Am Acad Dermatol 2001.

Requena L, Yus ES. Panniculitis. Part II. Mostly lobular panniculitis. J Am Acad Dermatol 2001.

Velter C, Lipsker D. Panniculites cutanées. Rev Med Int 2016;37:743-50.

Labbé L, Perel Y, Maleville J, Taïeb A. Erythema nodosum in children: a study of 27 patients. Pediatr Dermatol 1996;6:447-50.