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Thématique:
Convulsions néonatales
S. Radi, S. Marret
Service de Pédiatrie Néonatale et Réanimation - Centre d’Education Fonctionnelle et Troubles des Apprentissages de l’Enfant & EA 4309 « NEOVASC » Centre Hospitalier-Universitaire et Institut Hospitalo-Universitaire de Recherche Biomédicale. IFR 23. Faculté de Médecine et de Pharmacie, F-76000 Rouen, France Auteur correspondant - Adresse e-mail : sophie.radi@chu-rouen.fr (S. Radi) Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Arbre diagnostique – Commentaires
(1) Classification des convulsions néonatales
La période néonatale est une période de la vie à haut risque de convulsions. La période de plus grande susceptibilité est la première semaine de vie, en particulier les 48 premières heures. L’existence d’un contexte d’anoxo-ischémie favorise la survenue de crises épileptiques.
Chez le nouveau né, les crises épileptiques doivent être suspectées en cas de manifestations cliniques anormales répétées, quelle que soit leur durée, surtout si l’examen clinique neurologique est anormal. La confirmation de leur origine épileptique ne peut se faire que par électroencéphalogramme : les phénomènes cliniques s’accompagnent de pointes, d’ondes rythmiques ou d’un aplatissement du tracé. L’aspect du tracé de fond permet d’établir un diagnostic de gravité et un pronostic en fonction de son évolution. La durée minimale d’enregistrement est de 1 heure. On distingue chez le nouveau né 4 types de manifestations épileptiques. Les plus fréquentes (54 % chez le nouveau né à terme) sont les crises frustres (ou subtle seizures) : manifestations motrices automatiques (mâchonnement, succion, mouvements de pédalage ou de boxe, nystagmus, errance oculaire…) ; manifestations vasomotrices ou végétatives (pâleur, cyanose, désaturation isolée, variations de fréquence cardiaque et/ou respiratoire, apnées, hypertension artérielle, hypersialorrhée…). Les crises cloniques (23 %) peuvent être multifocales, asymétriques, asynchrones, uni ou bilatérales. Les crises myocloniques (18 %) sont segmentaires et rapides. Les crises toniques (5 %) peuvent être généralisées ou focales.
(2) Encéphalopathie anoxo-ischémique (AI)
Définition selon les critères ACOG (Obstet Gynecol 2004) : pH artériel au cordon < 7 avec Base Déficit ≥ 12 mmol/l et Apgar < 3 à 5 minutes et signes neurologiques avec défaillance d’au moins un organe. Critères d’origine obstétricale : ACOG 2005. Les stades de gravité de l’AI sont classés selon les critères du score Amiel-Tison.
(3) Causes d’encéphalopathies sans AI
Encéphalopathies métaboliques : épilepsie pyridoxinodépendante : crises polymorphes, EME ; hyperglycinémie sans cétose : tableau d’épilepsie myoclonique précoce ; anomalies du transfert du glucose ; déficit en transporteur du glutamate ; convulsions sensibles à l’acide folinique ; déficit en biotinidase, holocarboxylase, sulfite-oxydase, molybdène ; déficit en PDH : agénésie du corps calleux souvent associée, maladie du peroxysome (Zellweger).
Syndrome d’Ohtahara : spasmes et crises focales, EEG inter-critique de type suppression-burst. Peut être associé à des malformations cérébrales étendues (hémi-mégalencéphalie, dysplasie olivaire…).
Autres malformations cérébrales : agyrie-pachygyrie, lésions d’origine toxique (cocaïne), infectieuse (méningoencéphalite)…
(4) Crises épileptiques sans détresse neurologique : étiologies
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Infarctus cérébral périnatal : crises focales. Dans 1/3 des cas d’infarctus cérébral, certains marqueurs d’anoxie périnatale, même modérés, peuvent être retrouvés (anomalies du rythme cardiaque fœtal, liquide méconial…).
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Contusion hémorragique pouvant être associée à un hématome de la tente du cervelet
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Convulsions liées à une hypoglycémie sévère : les risques de séquelles sont importants (50 %), surtout en cas d’hypoglycémie liée à un hyperinsulinisme ou à une anomalie métabolique. Causes métaboliques plus rares : hypocalcémie, hyponatrémie
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Syndrome de sevrage (toxicomanie maternelle).
(5) État de mal épileptique (EME)
Il n’existe pas de définition consensuelle de l’EME chez le nouveau né. Compte tenu des données expérimentales et cliniques, nous considérons qu’une durée de crise > 15 min ou un nombre de crises répétées subintrantes supérieur à 3 en 30 minutes constituent une indication thérapeutique.
(6) Traitement des crises épileptiques
Il n’existe pas de consensus ni de preuves cliniques établies concernant ce sujet.
Valium® (diazepam) : avantages : administration par voie intra-rectale en l’absence de voie d’abord et délai d’action bref. Inconvénients : efficacité transitoire impliquant une répétition des doses, demi-vie d’élimination longue et risque important d’accumulation, élévation de la bilirubine. Cliniquement : risque de troubles de la vigilance et d’apnées, modification du tracé EEG (rythmes rapides…)
Gardenal® (phénobarbital) et Dilantin® (phénytoïne) : ces deux traitements ont un mode d’action différent. Leur efficacité sur les crises est similaire. La Phénytoïne est plutôt proposée en deuxième intention, elle peut paradoxalement majorer les crises.
Le Rivotril® est utilisé et évalué chez le grand enfant et l’adulte. Il n’existe pas de données concernant le nouveau-né. L’Hypnovel® étant plus évalué chez l’enfant (sédation), cette drogue est souvent préférée.
Place d’un traitement de 3e intention : lorsque l’EME ne peut être inhibé par les traitements précédents, la poursuite du traitement anti-convulsivant reste discutée. La sévérité des lésions neurologiques sous jacentes est prédominante. Deux médicaments sont utilisables à ce stade : la lidocaïne et le thiopenthal. Le choix entre ces deux molécules peut être fait en fonction des habitudes d’utilisation et des effets secondaires prévisibles.
D’autres thérapeutiques sont en cours d’évaluation : bumétamide (Burinex®), topiramate (Epitomax®), levetiracetam (Keppra®).
(7) Pronostic des convulsions néonatales
Le pronostic est essentiellement dépendant de l’étiologie des crises épileptiques. L’AI et les encéphalopathies sont à risque de récidive de crises à long terme. Les séquelles (troubles des apprentissages en particulier) sont plus importantes dans ces situations. Les crises occasionnelles, associées à un examen clinique et à un tracé EEG normaux sont de bon pronostic. En cas d’infarctus cérébral périnatal, l’étendue du territoire vasculaire atteint ne constitue pas, à elle seule, un critère pronostique
(8) Cas particulier du prématuré
Les crises épileptiques du prématuré, lorsqu’elles surviennent en dehors de tout contexte d’AI sont généralement de bon pronostic. Le risque de récidive à long terme, dans ce contexte, est modéré. Le cerveau de l’enfant prématuré est certes, immature (système neuro-excitateur) mais la synaptogénèse corticale est encore peu développée. Les enfants prématurés ayant présenté des convulsions en période néonatale n’ont pas plus de séquelles que les enfants nés à terme
Références
Evans D, Levene M. Neonatal seizures. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 1998;78:F70-5.
Holmes G, Zhao Q. Choosing the correct antiepileptic drugs: from animal studies to the clinic. Pediatr Neurol 2007;38:151-62.
Kaminska A, Mourdie J, Barnerias C, et al. Management of neonatal seizures. Arch Pediatr 2007;14:1137-51.
Wirrell E. Neonatal seizures: to treat or not to treat? Semin Pediatr Neurol 2005;12:97-105.