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Date de mise à jour 27/05/2024

Macrocéphalie chez l’enfant

 

C. Mignot1, K. Deiva2, M. Vinchon3

1Département de génétique, AP-HP, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière et hôpital Armand-Trousseau, Sorbonne université, Paris, France
2Neurologie pédiatrique, Hôpital Bicêtre, AP-HP, hôpitaux universitaires Paris-Saclay, Le Kremlin-Bicêtre, France
3Neurochirurgie pédiatrique, Hôpital Femme-mère-enfant, Hospices civils de Lyon, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : cyril.mignot@aphp.fr (C. Mignot).
 

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Article validé par :

Groupe de Pédiatrie Générale, sociale et environnementale (GPGse)

Société Française de Neurologie Pédiatrique (SFNP)

Société Française de Neurochirurgie Pédiatrique (SFNCP)

Société Française de Pédiatrie MédicoLégale (SFPML).

 

Introduction

La mesure du périmètre crânien (PC) fait partie de la surveillance du jeune enfant et doit être systématiquement prise et consignée lors de tout examen clinique. Il est important que la courbe du PC soit reconstituée de façon rigoureuse jusqu’à l’âge de 2 ans au moins. Cette reconstitution doit tenir compte de l’âge théorique de l’enfant lorsqu’il existe une prématurité, car cela influe sur l’allure de la courbe initiale, même si la naissance n’est avancée que de seulement quelques semaines. L’augmentation anormale du PC peut être le premier indice de nombreux diagnostics à ne pas manquer. La macrocéphalie est définie par une croissance du PC supérieure ou égale à +2 déviations standards (DS) audessus de la moyenne.

Le contexte de découverte d’une macrocéphalie et les signes qui l’accompagnent conditionnent l’attitude du praticien. Les inquiétudes diffèrent selon l’âge de l’enfant (nourrisson versus enfant plus âgé) et selon la présence d’anomalies à l’examen clinique, en particulier neurologiques et cutanées ou de signes morphologiques associés (petite taille, dysmorphie, y compris forme du crâne anormale) versus le caractère isolé de la macrocéphalie. Chez les plus petits, c’est surtout la cinétique de l’augmentation du PC, et l’observation d’une accélération de la croissance avec décrochage rapide de la courbe (cassure vers le haut) qui détermineront la conduite à tenir.

Conduite diagnostique devant une macrocéphalie

Il est nécessaire de savoir effectuer la mesure du périmètre crânien. Utiliser un mètre ruban souple non élastique. Placer soigneusement le mètre autour de la tête en choisissant le point où la circonférence est la plus grande : juste au-dessus des sourcils, au-dessus des oreilles et la partie la plus proéminente à l’arrière de la tête. Prendre la mesure 3 fois et choisir la mesure la plus grande en arrondissant à 0,1 cm près.

(1) Lorsque l’établissement de la courbe de croissance du PC d’un nourrisson montre un décrochage vers le haut et que le PC dépasse +2 DS avec une accélération rapide, la première préoccupation est celle d’un processus expansif intracrânien.

(2a) Il est nécessaire à ce stade de rechercher des signes de gravité : signes d’hypertension intracrânienne (HTIC) (fontanelle bombante, vomissements, hypotonie, somnolence, irritabilité, mydriase aréactive, apparition d’un strabisme, bradycardie) et/ou de focalisation. Leur identification doit conduire à redouter une urgence neurochirurgicale. Ces enfants nécessitent d’être transférés dans un centre hospitalier par SAMU.

(2b) En l’absence de signes de gravité, mais si la croissance du PC est très rapide (avec franche cassure vers le haut), un avis neurochirurgical doit être sollicité rapidement. Ce recours spécialisé pourra être précédé ou complété par un examen ophtalmologique ; ce dernier pouvant renforcer l’urgence de la prise en charge en cas d’oedème papillaire ou d’hémorragies rétiniennes.

(3) Les principales causes retrouvées dans les situations précédentes sont listées ci-dessous. L’évaluation spécialisée complétée d’une imagerie cérébrale permettra de porter le diagnosticrapidement.

Une tumeur cérébrale peut se manifester par des signes de localisation ou par une hydrocéphalie aiguë (mécanisme d’obstruction).

Un hématome sous-dural (HSD), consécutif à un traumatisme crânien accidentel ou infligé, est une pathologie aiguë ou subaiguë. Toute augmentation très rapide du PC doit le faire redouter, et ce même si la valeur du PC n’est pas supérieure ou égale à +2 DS. Dans certains cas, le PC peut ne pas avoir eu le temps d’augmenter. Dans ce contexte, les signes d’HTIC et/ou de focalisation sont au premier plan. Dans des formes d’évolution plus chronique, le PC augmente progressivement, avec une rupture de la courbe. Il est particulièrement important que la courbe soit reconstituée avec rigueur, en tenant compte de la date du terme théorique, le cas échéant. Dans le contexte de suspicion d’un saignement sous-dural survenu de façon non accidentelle, le praticien pourra se rapprocher utilement de l’UAPED du centre hospitalier pour poursuivre la prise en charge de cet enfant sur le volet protection de l’enfance. L’imagerie de référence est le scanner en urgence ou l’IRM cérébrale et cervicale.

Les kystes arachnoïdiens, surtout lorsqu’ils sont multiples, peuvent être associés à un trouble plus diffus de la circulation du liquide céphalorachidien (LCR) avec un PC élevé mais avec une croissance régulière. Dans certains cas, on note que le PC a présenté dans la petite enfance (vers 6 mois) un décalage, montant de 1 ou 2 DS, pour se stabiliser ensuite sur son nouveau couloir, ce qui indique que le kyste s’est vraisemblablement constitué à cet âge. Il peut exister un décrochage de la courbe, avec l’apparition de signes d’HTIC lorsque le kyste se met sous pression ou se rompt dans les espaces sous-duraux. Chez un enfant plus âgé, certains kystes très volumineux peuvent se compliquer d’une déformation de la voûte crânienne et/ou de la face.

Certaines hydrocéphalies de l’enfant à faible pression se manifestent par une augmentation progressive du PC qui s’éloigne lentement des valeurs normales au fil des années ; cela souligne l’importance de continuer à mesurer le PC chez les enfants au-delà de l’âge de 2 ans.

(4) Lorsque le changement de couloir est progressif et en l’absence de signe de gravité, il est nécessaire de réaliser : un examen clinique complet (recherche d’anomalies à l’examen neurologique, de lésions cutanées, d’une dysmorphie), une évaluation du développement de l’enfant, la mesure du PC des parents, et une imagerie cérébrale. Cette dernière permettra de décider d’orienter ou non l’enfant vers une consultation auprès d’un neurochirurgien, un neuropédiatre ou un généticien. Chez le petit nourrisson dont la fontanelle n’est pas fermée, l’échographie transfontanellaire peut dans un premier temps contribuer à rassurer la famille quand elle montre une expansion des espaces méningés (diagnostic d’élargissement bénin des espaces péricérébraux). Toutefois, l’imagerie de référence reste l’IRM cérébrale, ou le scanner si l’IRM ne peut pas être réalisée rapidement. Un examen ophtalmologique à la recherche d’oedème papillaire ou d’anomalies de la chambre antérieure ou de la rétine pourrait aider à argumenter l’urgence de la prise en charge mais aussi contribuer à l’orientation diagnostique.

(5) Si le PC ne change pas de couloir mais que la macrocéphalie est importante, avec un PC supérieur ou égal à +3 DS (1 % de la population), ou s’il existe des signes cliniques associés et/ou un retard du développement, la réalisation d’une imagerie cérébrale, de préférence une IRM, est également indiquée afin d’identifier le mécanisme responsable de l’excès de croissance du PC. L’interprétation de l’imagerie orientera la suite de la prise en soins médicale.

(6a) En cas d’hydrocéphalie ou de processus expansif, un avis neurochirurgical doit être sollicité rapidement.

(6b) Lorsque l’imagerie cérébrale révèle une mégalencéphalie isolée (excès de croissance encéphalique), la nécessité d’un traitement neurochirurgical est écartée, néanmoins un avis spécialisé non urgent en neurologie pédiatrique et génétique est nécessaire pour en explorer l’étiologie, la mégalencéphalie pouvant être le premier signe d’une affection justifiant une prise en charge personnalisée. Il est important de garder à l’esprit que l’IRM cérébrale ne mesure pas le volume cérébral et qu’elle ne conclut qu’exceptionnellement à une mégalencéphalie. C’est au prescripteur de l’examen de déduire que c’est bien un mécanisme d’excès de croissance cérébrale qui est responsable de l’excès de croissance du périmètre crânien en l’absence d’autres explications.

Si la mégalencéphalie est répertoriée parmi les signes cliniques associés à certaines affections génétiques bien connues, comme le syndrome de l’X fragile, la neurofibromatose de type 1 ou le syndrome de Sotos, on en connaît aujourd’hui plus de 70 causes génétiques, la plupart étant des pathologies développementales très rares. Les examens disponibles permettent d’en identifier la cause dans plus de 50 % des cas. La recherche de l’étiologie des mégalencéphalies est indiquée chez toutes les personnes ayant un PC supérieur ou égal à +3 DS. Elle est justifiée indépendamment de l’âge de découverte (nourrisson, grand enfant, adulte) et du développement psychomoteur, du fonctionnement intellectuel et des données de l’examen clinique. Elle s’inscrit dans la prise en soins globale du patient et vise en premier lieu à éliminer des pathologies associant un excès de croissance encéphalique et un risque tumoral (syndromes de Cowden, de Simpson-Golabi-Behmel ou de Gorlin, par exemple). Ces pathologies n’affectent habituellement pas l’intellect et les variations génétiques responsables sont volontiers transmises par un parent chez qui le diagnostic n’a pas été porté. L’établissement du diagnostic chez l’enfant peut engendrer une étude familiale et in fine permettre la mise en place de mesures de prévention personnalisées, en particulier oncologiques. Ainsi, la présence d’une macrocéphalie chez un parent ne doit pas décourager l’orientation vers une consultation spécialisée. Enfin, le diagnostic étiologique des mégalencéphalies avec handicap intellectuel mais sans thérapie ou geste de prévention spécifiques est important pour l’information des familles et le conseil génétique.

Si l’imagerie cérébrale met en évidence une hydrocéphalie inexpliquée, il est aussi nécessaire de questionner son origine génétique potentielle. Plus d’une dizaine de causes génétiques sont connues. Enfin, il arrive que la macrocéphalie soit liée à une hypertrophie du contenant (voûte du crâne), comme dans certaines maladies osseuses constitutionnelles, le syndrome de Sturge-Weber ou la drépanocytose. Il est rare que la macrocéphalie soit le premier signe évoquant la maladie sous-jacente.

(7) Enfin, la majorité des personnes avec une macrocéphalie (2 % de la population) ont un PC compris entre +2 et +3 DS. Ces macrocéphalies modérées sont volontiers en rapport avec un élargissement des espaces péricérébraux (EEPC). C’est une cause commune de macrocéphalie du nourrisson avec une incidence estimée à 1/2 000 naissances vivantes, avec une prédominance masculine et une récurrence intrafamiliale de 40 %. Le PC augmente rapidement mais régulièrement (sans décrochage de la courbe) vers l’âge de 6 mois, se stabilise vers l’âge de 18 mois et peut rejoindre la courbe normale de façon spontanée vers l’âge de 2 ans. Une des hypothèses physiopathologiques avancées est un retard de maturation des villosités arachnoïdiennes, qui apparaissent normalement avec la posture érigée. Le développement de l’enfant est normal ; cette situation est bénigne et ne justifie pas d’exploration supplémentaire. Ainsi, une imagerie cérébrale n’est pas nécessaire chez un enfant avec une macrocéphalie sans changement de couloir comprise entre +2 et +3 DS s’il a un développement et un examen clinique normal, d’autant plus si un des parents présente un PC comparable.

Conclusion

Le diagnostic de macrocéphalie repose sur une courbe de périmètre crânien soigneusement reconstituée. Tout excès de croissance céphalique doit être pris en compte afin d’en déterminer la cause. Les mécanismes en cause et les étiologies sont très variés. Les circonstances et signes de gravité nécessitant un adressage en urgence dans un centre hospitalier doivent être connus. L’expertise de spécialistes vers qui les enfants seront adressés peut être nécessaire. Le choix du spécialiste dépend de plusieurs paramètres recueillis lors de la consultation et/ou par la pratique d’une imagerie cérébrale.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

Cet article fait partie du supplément Pas à Pas 2024 réalisé avec le soutien institutionnel de Procter & Gamble.

Références

Accogli A, Geraldo AF, Piccolo G, et al. Diagnostic approach to macrocephaly in children. Front Pediatr. 2022 Jan 14:9:794069.

Jin SC, Dong W, Kundishora AJ, et al. Exome sequencing implicates genetic disruption of prenatal neuro-gliogenesis in sporadic congenital hydrocephalus. Nat Med. 2020 Oct 19;26:1754‑65.