Vous êtes ici


Thématique:

Date de mise à jour 16/05/2017

Diarrhée aigüe

 

O. Mouterde 

CHU de Rouen/Université de Sherbrooke, Département de pédiatrie, hôpital Charles Nicolle, 1 rue de Germont 76031 Rouen cedex, France

Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

Abréviations

ATB  : Antibiotique

C3G : Céphalosporine 3e génération

CD   : Costridium difficile

CDS : Clinical dehydration scale

Po    : Per os

SNG : Sonde naso-gastrique

SRO : Solution de réhydratation orale

TIAC : Toxi-infection alimentaire collective

Arbre diagnostique – Commentaires

(1) La diarrhée aigüe est une pathologie fréquente, source de nombreuses consultations et hospitalisations. L’étiologie est le plus souvent virale, avec le rotavirus au premier plan chez le nourrisson et le jeune enfant. Elle est définie comme une modification brutale du transit, avec des selles molles ou liquides. Cette définition peut être prise en défaut lors de certains épisodes où coexistent hypersécrétion et troubles de motricité, le tableau initial étant alors un troisième secteur avec une hypovolémie associée à un abdomen volumineux et gargouillant.

(2) Il est important de connaître les antécédents de l’enfant, et sa courbe de croissance antérieure. Certaines pathologies peuvent se présenter comme une diarrhée aigüe, sur un fond chronique avec dénutrition (maladie cœliaque). La déshydratation est alors surestimée et la réhydratation doit être très prudente. D’autres diagnostics différentiels sont la colite pseudomembraneuse, le syndrome hémolytique et urémique, la rectocolite hémorragique aiguë, qui partagent certains signes avec la gastroentérite bactérienne, l’hépatite A, souvent anictérique chez l’enfant. 

(3) De façon non spécifique, surtout chez le nourrisson, une infection extradigestive peut être accompagnée de diarrhée et vomissements : otite, méningite, infection urinaire. Un examen clinique complet est nécessaire. 

(4) Les vomissements accompagnent souvent la diarrhée dans le tableau dit de « gastroentérite ». Les recommandations actuelles ne conseillent pas l’utilisation d’anti-émétiques. L’ingestion de petites quantités de solution de réhydratation orale (SRO) chez le petit ou de boissons sucrées chez le plus grand peuvent rompre le cercle vicieux de la cétose de jeûne responsable de nausées. En cas d’échec de cette première attitude, certains préconisent un bolus de soluté glucose-électrolyte lors d’une surveillance en service d’urgence, avant d’envisager une hospitalisation (voir note 12). Enfin les recommandations récentes évoquent comme potentiellement utile, sans la conseiller formellement, une prise unique d’ondansétron per os ou IV en cas de déshydratation ou d’échec de traitement par SRO per os (hors AMM). 

(5) Une toxi-infection alimentaire collective (TIAC : au moins deux cas de gastroentérite rattachables à une même source alimentaire) justifie un signalement aux autorités de santé sur formulaire dédié, et une coproculture pour identifier l’agent responsable et faciliter l’enquête. 

(6) En cas de doute sur une origine bactérienne : fièvre élevée, rectorragies, douleurs abdominales, troubles neurologiques, une coproculture est indiquée pour le diagnostic, conseiller des mesures d’hygiène et un éventuel traitement (voir note 14). Populations à risque : jeune nourrisson, prématuré, immunodéprimé, maladie chronique à risque de déséquilibre, hypochlorhydrie ...

(7) Les médicaments anti-diarrhéiques sont à considérer comme des adjuvants aux conseils de surveillance et aux SRO. Ils peuvent réduire la durée de la diarrhée, le débit de selles (racécadotril), ou le nombre de selles (smectite). Il n’y a aucune indication aux « antiseptiques intestinaux ». Le lopéramide n’est pas recommandé. Les probiotiques ou bactéries tuées commercialisés en France sont considérés comme ayant un service rendu insuffisant, même si S. boulardii est cité par les recommandations européennes et si Lactobacillus LB tué a fait l’objet d’études positives. Quoi qu’il en soit le traitement majeur associe hydratation, nutrition et surveillance de l’évolution.

(8) Aucun régime n’a fait la preuve d’une efficacité sur l’évolution de la diarrhée de l’enfant. Une restriction fait courir le risque d’une alimentation carencée et de faible palatabilité (riz, carotte). Il est d’usage de limiter les aliments trop gras et trop riches en fibres. Chez le petit nourrisson de moins de 3 mois atteint de diarrhée aiguë, il est d’usage de substituer à un lait artificiel une préparation sans lactose, contenant des triglycérides à chaines moyennes et à protéines hydrolysées (Pepti junior®, Alfaré®, Prégestimil®) pendant deux à 3 semaines. L’allaitement maternel est poursuivi sans interruption. L’alimentation doit être reprise si elle a été suspendue, quel que soit l’âge, au bout de 4-6 heures, avec le lait habituel à pleine concentration chez le nourrisson de plus de 3 mois. En cas de diarrhée sévère ou prolongée (et seulement dans ce cas), une préparation sans lactose peut être utile. Les sodas sont hyperosmolaires, pauvres en sodium et dépourvus de potassium, ils doivent être évités chez le nourrisson et l’enfant.

(9) Le risque de déshydratation est majeur chez le nourrisson. La décision d’hospitalisation doit se baser non seulement sur l’état d’hydratation et infectieux, mais aussi sur l’âge, le risque de déshydratation ultérieure (vomissements, diarrhée profuse, fièvre) et sur la capacité du milieu familial à surveiller et à consulter.

(10) Les SRO sont le traitement majeur à prescrire en cas de diarrhée aiguë du nourrisson et du jeune enfant. Ils devraient être prescrits dès la sortie de maternité et leur mode d’emploi expliqué. Un sachet est reconstitué dans 200 ml d’eau et proposé à l’enfant à volonté, de façon fractionnée en cas de vomissements. La SRO bien utilisée est capable de traiter une déshydratation même sévère et de corriger les troubles électrolytiques. Le grand enfant est moins à risque de déshydratation et de troubles électrolytiques et, sauf diarrhée majeure, l’augmentation simple des boissons peut suffire.

(11) L’évaluation du degré de déshydratation est d’importance majeure pour la décision d’hospitalisation et de traitement. Elle est le plus souvent surestimée. Les meilleurs signes sont la perte de poids (en défaut en cas de 3e secteur), l’allongement du temps de recoloration, les troubles respiratoires et le pli cutané. La persistance de la diurèse est rassurante. Le CDS (Clinical Dehydration Scale) tient compte de l’état général, des yeux, de l’hydratation des muqueuses et des larmes. Aucun paramètre biologique n’est spécifique et corrélé à la clinique, sauf tableau sévère avec hémoconcentration et insuffisance rénale. Des bicarbonates normaux rendent peu probables une déshydratation > 5 %.

(12) Un bolus intraveineux (20 ml/kg/h sur 2-4 h) peut être réalisé aux urgences, d’emblée ou en cas d’échec d’une réhydratation orale, selon l’existence de vomissements et l’état d’hydratation. Il permet de diminuer la cétose par un apport de glucose et d’améliorer l’hydratation, permettant dans certains cas un retour à domicile plus rapide.

(13) En cas d’échec de la réhydratation per os, l’étape suivante est le passage en continu d’une SRO par sonde nasogastrique, qui est associé à une moindre mortalité, morbidité et durée d’hospitalisation. Une base de 200 ml/Kg/j en continu chez un nourrisson déshydraté, sera adaptée en fonction de l’évolution (vomissements, diarrhée, déficit). La perfusion est réservée aux enfants en collapsus, aux déshydratations sévères avec troubles électrolytiques, au 3e secteur, aux vomissements rebelles aux mesures précédentes. L’alimentation par sonde peut succéder à la réhydratation en cas de lésions intestinales sévères avec malabsorption (rotavirus).

(14) Les antibiotiques, comme les anti-infectieux, ne sont pas un traitement de la gastroentérite aiguë dont ils ne changent en général pas l’évolution. Ils sont réservés au traitement des bactéries pathogènes identifiées, seulement dans certains cas précis : shigelle (azithromycine, ceftriaxone), salmonelle (ceftriaxone) en cas de terrain fragile ou de tableau sévère, campylobacter (azithromycine) si le diagnostic est précoce.

Liens d’intérêts

O. Mouterde : essais cliniques : en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal (Nestlé) ; interventions ponctuelles : activités de conseil (Blédina, Unither, Thermo Fisher) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant (Danone) et qualité d’auditeur (Mead Johnson)
Versements substantiels au budget d’une institution dont vous êtes responsable (Blédina).

Correspondance

Adresse e-mail : Olivier.Mouterde@chu-rouen.fr (O. Mouterde).