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Helicobacter pylori chez l’enfant
N. Kalach1, M. Bellaïche2, J. Raymond3
1Service de pédiatrie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Groupement des hôpitaux de l’institut de Lille (GHICL), Lille, France2Service de gastroentérologie pédiatrique, CHU Robert-Debré, AP-HP, Paris, France
3Service de bactériologie, hôpital Bicêtre, AP-HP, Paris, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : kalach.nicolas@ghicl.net (N. Kalach). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Article validé par : | |
GFHGNP (Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie et Nutrition Pédiatriques) |
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GPIP (Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique) |
Remerciements aux relecteurs : | |
C. Jung E. Mas A. Fabre CA du GFHGNP M. Lorrot (GPIP) |
Introduction
Helicobacter pylori (H. pylori) peut être responsable de tableaux variés : douleurs abdominales, anémie par carence martiale, ulcère gastrique et cancer gastrique. L’infection est toutefois asymptomatique dans 90 % des cas. La contamination se fait le plus souvent dans l’enfance. On estime qu’environ 50 % de la population mondiale est infectée ; mais la prévalence de l’infection à H. pylori diminue dans le monde occidental à la fois chez l’enfant et l’adulte. Elle varie entre 3 et 15 % chez l’enfant dans les pays occidentalisés et augmente avec l’âge. Reconnu comme oncogène depuis 1994, H. pylori est responsable de cancer de l’estomac chez 1 à 3 % des personnes infectées (6 000 cas/an en France) et de lymphomes gastriques de type MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) chez l’adulte. Sans traitement, il persiste toute la vie dans l’estomac. Plusieurs recommandations ont déjà été publiées concernant la prise en charge de l’infection à H. pylori chez l’enfant, les dernières étant celles de l’ESPGHAN/NASPGHAN en 2017, sur lesquelles s’appuie ce PAP. La diminution notable de l’efficacité du traitement d’éradication de cette bactérie, liée principalement à l’émergence de souches bactériennes résistantes, a conduit à revoir les recommandations pédiatriques. Ces nouvelles recommandations sont applicables uniquement chez les sujets âgés de moins de 18 ans et dans les pays européens et nord-américains.
Conduite diagnostique devant une infection à H. pylori chez l’enfant
(1) Quand rechercher une infection à H. pylori ?
L’infection à H. pylori doit être recherchée dans les situations suivantes :
• en cas de douleurs abdominales d’allure organique évocatrices d’ulcère : épigastralgie récurrente avec sensibilité épigastrique, hématémèse, stagnation voire cassure staturo-pondérale, la douleur réveillant l’enfant et entraînant un absentéisme scolaire ;
• en cas d’anémie par carence martiale réfractaire au traitement, une fois les autres causes éliminées (Anémies du jeune enfant, Anémie par carence martiale chez l'adolescente ) ;
• en cas de lymphome gastrique de type MALT chez l’adolescent ;
• lors de la réalisation d’une endoscopie digestive haute (EDH), en présence d’érosions, d’ulcère gastrique et/ou duodénal ou de gastrite nodulaire ;
• en cas de purpura thrombocytopénique immun chronique (PTIC) rebelle au traitement.
L’infection à H. pylori ne doit pas être recherchée en cas de douleurs abdominales récurrentes fonctionnelles, ni lors d’un bilan de petite taille.
(2) Comment rechercher une infection à H. pylori ?
L’infection à H. pylori doit être recherchée au moyen d’une endoscopie digestive haute (EDH) avec prélèvements de biopsies gastriques. Six biopsies gastriques (3 dans l’antre et 3 dans le corps) devront être prélevées. À partir de ces biopsies, seront effectués : a) une culture bactérienne avec antibiogramme et/ou méthode moléculaire Polymerase Chain Reaction (PCR) ; b) un examen histologique (classification de Sydney) ; c) et un test rapide à l’uréase (RUT).
Le diagnostic de l’infection est retenu si la culture et/ou la PCR sont positives, ou si l’histologie et le RUT sont positifs.
En pratique courante, en cas de découverte fortuite (sur une analyse histologique demandée pour une autre raison et donc, sans analyse bactériologique ni biologie moléculaire disponible), la positivité de l’examen histologique seul peut conduire à discuter la prescription d’un traitement, surtout lorsqu’il est associé avec un test non invasif positif, à savoir le test respiratoire à l’urée 13C (TRU) ou la recherche d’antigène dans les selles par des tests utilisant des anticorps monoclonaux (HpSA).
Il est à noter que ces tests non invasifs ne sont pas recommandés à visée diagnostique chez l’enfant dans le cas général, en raison de performances variables et peu reproductibles, même si l’accès difficile à un plateau technique gastro-pédiatrique spécialisé peut contraindre certaines équipes à s’organiser autrement (hors recommandations).
La seule indication de réalisation en première intention des tests non invasifs pour le diagnostic de l’infection à H. pylori est le PTIC rebelle, afin d’éviter un saignement digestif haut lors de la réalisation d’une EDH avec biopsies gastriques. En cas de positivité d’un de ces tests (TRU ou HpSA), et si le chiffre plaquettaire le permet, une EDH avec biopsies sera effectuée avant de prescrire un traitement d’éradication adapté selon les résultats de l’antibiogramme. La prescription des antibiotiques en fonction de l’antibiogramme de la souche permet d’améliorer le taux d’éradication bactérienne.
Les tests basés sur la détection des anticorps (IgE, IgA) anti-H. pylori dans le sérum, le sang total, les urines ou la salive ne sont pas recommandés en pratique clinique pour le diagnostic initial.
(3) Quand traiter une infection à H. pylori ?
Si l’infection à H. pylori est confirmée avec des signes endoscopiques évocateurs (ulcère ou gastrite antrale nodulaire, aspect de lymphome chez les jeunes adolescents), un traitement d’éradication est indiqué.
Si l’infection à H. pylori est diagnostiquée fortuitement au cours d’une EDH, le traitement peut être considéré après avoir discuté avec le patient et ses parents des risques (effets secondaires sur le microbiome intestinal) et des bénéfices de celui-ci (contrôler les symptômes cliniques, éviter les complications secondaires, c’est-à-dire ulcères digestifs, hémorragies digestives, cancer gastrique à long terme).
(4) Comment traiter une infection à H. pylori ?
Pour éviter les échecs d’éradication et l’émergence de résistances bactériennes, il est essentiel de tenir compte des résultats de l’antibiogramme ou de la résistance à la clarithromycine détectée par PCR, et d’insister sur la bonne observance du traitement. Un taux d’éradication satisfaisant n’est obtenu que si plus de 90 % du traitement prescrit a été ingéré.
Traitements de première ligne
Le traitement de première ligne est constitué d’une trithérapie prescrite pour une durée de 14 jours associant un inhibiteur de la pompe à protons (IPP, type oméprazole ou ésoméprazole) avec l’amoxicilline et la clarithromycine (si la souche H. pylori est sensible à la clarithromycine) ou le métronidazole (si la souche H. pylori est résistante à la clarithromycine). Il doit être adapté aux résultats de l’antibiogramme ou de la PCR.
En cas d’absence d’antibiogramme ou si la souche de H. pylori est doublement résistante à la clarithromycine et au métronidazole, il est conseillé de prescrire l’amoxicilline à forte dose (nécessaire pour augmenter la bactéricidie en milieu acide) associée au métronidazole. La résistance à l’amoxicilline de H. pylori est exceptionnelle.
Les doses d’IPP et d’antibiotique dépendent du poids de l’enfant, voir tableau 1.
Chez les patients présentant une maladie peptique (ulcère gastrique ou duodénal), le traitement par IPP sera poursuivi après l’arrêt des antibiotiques pendant 2 à 4 semaines.
La prescription d’une quadruple thérapie basée sur les sels de bismuth est de pratique rare en France. La durée du traitement est alors de 10 jours. Chez les enfants de moins de 14 ans, il est souhaitable d’associer bismuth, IPP, amoxicilline, et métronidazole. Chez l’enfant de plus de 14 ans avec un poids > 50 kg, l’association conseillée est bismuth, IPP, métronidazole et tétracycline (opinion des experts). Les sels de bismuth seuls ne sont pas disponibles en France ; dans les pays où ils sont commercialisés, leur dose selon l’Agence européenne des médicaments (EMA) est de 8 mg/kg/jour en 3 prises pour le sous-citrate de bismuth.
Le Pylera© (association bismuth, métronidazole et tétracycline) n’a d’AMM que chez l’adulte (> 18 ans). Ce traitement est contre-indiqué chez l’enfant de moins de 12 ans et déconseillé entre 12 et 18 ans. S’il est prescrit, il doit être associé à un traitement par IPP (oméprazole 20 mg matin et soir). En cas d’échec d’éradication sans autre alternative (notamment pour les pays ne disposant pas de bismuth) chez l’enfant de plus de 14 ans et de plus de 50 kg, la prescription du Pylera© peut être considérée. La posologie est dans ce cas de 3 comprimés 4 fois par jour.
Médicaments | Poids corporel | Dose du matin | Dose du soir |
---|---|---|---|
*IPP | 15 à 24 kg | 20 mg | 20 mg |
25 à 34 kg | 30 mg | 30 mg | |
> 35 kg | 40 mg | 40 mg | |
**Amoxicilline | 15 à 24 kg | 500 mg | 500 mg |
25 à 34 kg | 750 mg | 750 mg | |
> 35 kg > 45 kg |
1 000 mg 1 500 mg |
1 000 mg 1 500 mg |
|
Clarithromycine | 15 à 24 kg | 250 mg | 250 mg |
25 à 34 kg | 500 mg | 250 mg | |
> 35 kg | 500 mg | 500 mg | |
Métronidazole | 15 à 24 kg | 250 mg | 250 mg |
25 à 34 kg | 500 mg | 250 mg | |
> 35 kg > 45 kg |
500 mg 750 mg |
500 mg 750 mg |
|
£Sels de bismuth | < 10 ans | 262 mg 4 fois par jour | |
> 10 ans | 524 mg 4 fois par jour |
* Les doses des différents IPP ne sont pas équivalentes, celles qui sont indiquées ci-dessus correspondent à l’oméprazole et l’ésoméprazole.
** Fortes doses d’amoxicilline : de 15 à 24 kg : 750 mg matin et soir, de 25 à 34 kg : 1 000 mg matin et soir, et > 35 kg : 1 500 mg matin et soir.
£ Les sels de bismuth utilisés au Canada et aux États-Unis sont le bismuth du subsalicylate.
En cas d’échec du traitement de première intention
Le traitement de seconde intention tiendra compte des résultats de l’antibiogramme ou de la PCR et du traitement initial reçu, voir tableau 2.
Sensibilité initiale aux antibiotiques (antibiogramme et/ou PCR pour la clarithromycine) | Traitement précédent | Traitement de recours |
---|---|---|
Clarithromycine et métronidazole sensible | Trithérapie pour 14 jours associant : amoxicilline et clarithromycine ou amoxicilline et métronidazole | Trithérapie pour 14 jours associant : amoxicilline et métronidazole ou amoxicilline et clarithromycine |
Clarithromycine résistant | Trithérapie incluant métronidazole | Traiter comme une double résistance (cf. arbre) |
Métronidazole résistant | Trithérapie incluant clarithromycine | Deuxième endoscopie pour obtenir un antibiogramme secondaire et traitement adapté pour 14 jours Ou traiter comme une double résistance (cf. arbre) |
Antibiogramme initial inconnu | Trithérapie pour 14 jours associant amoxicilline et clarithromycine ou amoxicilline et métronidazole | Deuxième endoscopie pour obtenir un antibiogramme secondaire et traitement adapté pour 14 jours ou traiter comme une double résistance (cf. arbre) |
(5) Comment contrôler l’éradication bactérienne ?
La disparition des symptômes n’est pas un bon indicateur d’éradication.
Le contrôle de l’éradication de H. pylori est obligatoire et doit être réalisé au moins 4 à 6 semaines après l’arrêt du traitement par antibiotiques et au moins 2 semaines après l’arrêt du traitement par IPP. Un délai plus long après l’arrêt des antibiotiques peut être préféré (un contrôle trop précoce pourrait être faussement négatif, en raison d’une diminution de la charge bactérienne mais sans réelle éradication). Si le traitement par IPP ne peut pas être arrêté en raison de la récidive des symptômes, il est préconisé pour améliorer la sensibilité du test de remplacer pendant 2 semaines l’IPP par un anti-H2, lui-même arrêté 2 jours avant la réalisation du test d’éradication.
Ce contrôle est réalisé par un des tests non invasifs suivants : le TRU ou la HpSA (non remboursés). Les performances de ces deux tests sont bonnes (spécificité et sensibilité > 90 %).
Les tests basés sur la détection des anticorps (IgE, IgA) anti-H. pylori dans le sérum, le sang total, les urines ou la salive ne sont pas non plus recommandés en pratique clinique pour le contrôle de l’éradication.
En cas d’échec de l’éradication bactérienne malgré un traitement bien guidé par les résultats de l’antibiogramme, il est souhaitable de réaliser une enquête familiale par un test non invasif de type TRU ou HpSA à la recherche d’un autre foyer infectieux familial, potentiellement responsable d’une réinfection.
Conclusion
L’infection à Helicobacter pylori chez l’enfant diffère de celle de l’adulte tant du point de vue épidémiologique, que de la réponse de l’hôte, des caractéristiques cliniques, des stratégies diagnostiques et thérapeutiques. Les douleurs abdominales récurrentes ne sont pas spécifiques de l’infection à H. pylori chez l’enfant, et le plus souvent, l’infection est asymptomatique. Le diagnostic initial repose sur l’endoscopie digestive haute avec réalisation de biopsies (culture, PCR, histologie, RUT). Chez l’enfant, l’utilisation systématique d’un traitement adapté au profil de l’antibiogramme ou aux résultats de la PCR avec une compliance thérapeutique supérieure à 90 % améliore significativement le taux d’éradication bactérienne. Enfin, les dernières directives pédiatriques recommandent une durée de traitement de 14 jours pour la trithérapie.
Liens d’intérêts
N. Kalach et J. Raymond déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
M. Bellaiche déclare des liens d’intérêts pour des essais cliniques en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal pour Biogaia et Capricare ; pour des interventions ponctuelles (activités de conseil) pour Dr Falk, Havea, Biocodex, Danone, Mead Johnson, Novalac, Sodilac, Pediact et Adare ; pour des invitations en qualité d’intervenant à des conférences par Nestlé, Danone et Menarini et pour des invitations en qualité d’auditeur) des conférences (frais de déplacement et d’hébergement pris en charge par une entreprise) par Biocodex.
Cet article fait partie du supplément Pas à Pas 2022 réalisé avec le soutien institutionnel de Procter & Gamble et Sanofi.
Références
Jones NL, Koletzko S, Goodman K, Bontems P, Cadranel S, Casswall T, et al. On behalf of ESPGHAN/NASPGHAN. Joint ESPGHAN/NASPGHAN guidelines for the management of Helicobacter pylori in children and adolescents (update 2016). J Pediatr Gastroenterol Nutr 2017;64:991‑1003.
Kalach N, Bontems P, Raymond J. L’infection à Helicobacter pylori chez l’enfant. Perfectionnement en Pédiatrie 2018;1:119‑26. DOI: 10.1016/j.perped.2018.04.002.
Kotilea K, Kalach N, Homan M, Bontems P. Helicobacter pylori infection in pediatric patients: update on diagnosis and eradication strategies. Paediatr Drugs 2018;20:337‑51. DOI: 10.1007/s40272‑018‑0296-y.
Gastli N, Allain M, Lamarque D, Abitbol V, Billoët A, Collobert G, et al. Diagnosis of Helicobacter pylori infection in a routine testing workflow: effect of bacterial load and virulence factors. J Clin Med 2021;10:2755. DOI: 10.3390/jcm10132755.