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Thématique:
Établir une stratégie nutritionnelle chez un enfant dénutri
R. Hankard
Nutrition de l’enfant, pédiatrie multidisciplinaire, CHU de Poitiers, 2, rue de la Milétrie, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France Correspondance - Adresse e-mail : r.hankard@chu-poitiers.frCliquez sur l'image pour l'agrandir.
Arbre diagnostique – Commentaires
(1) Un IMC inférieur au 3e percentile pour l’âge et le sexe impose un examen clinique recherchant des signes de dénutrition (fonte des masses musculaires et du tissu adipeux sous-cutané, cassure pondérale ou non prise de poids, poids inférieur à 80 % du poids attendu pour la taille (Indice de Waterlow), apathie, dermatose carentielle…), une pathologie causale (diarrhée chronique, insuffisance cardiaque ou respiratoire, dermatose extensive, protéinurie, maladie inflammatoire articulaire, digestive ou systémique, troubles des interactions, dyspnée de sommeil…) et éliminant une déshydratation aiguë. Un résumé spécifique concerne le diagnostic de la dénutrition de l’enfant dans le numéro des Archives de Pédiatrie du congrès 2011, où est repris le calcul de l’index de Waterlow.
(2) La stratégie thérapeutique associe la prise en charge nutritionnelle au traitement causal (régime sans gluten dans la maladie cœliaque par exemple, kinésithérapie et antibiothérapie dans la mucoviscidose…). Les modalités de nutrition (orale, parentérale, entérale plus ou moins associées), l’apport calorique, la composition des produits ou aliments et le rythme de l’alimentation sont adaptés à chaque situation.
(3) Les apports énergétiques se calculent par rapport au poids attendu pour la taille. Plus la dénutrition est profonde, plus il faut atteindre les apports ciblés progressivement. La dénutrition grave comme l’anorexie mentale sort du champ de ce pas-à-pas. Elle pose des problèmes spécifiques comme surcharge hydrosodée, renutrition inappropriée. On peut utiliser en pratique courante l’abaque suivant qui a le mérite d’être simple (tableau I).
(4) En nutrition orale ou entérale. Cela concerne :
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les protéines : hydrolysées (intestin lésé, allergie aux protéines du lait sévères) ou entières (le plus souvent) ;
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les acides gras : triglycérides à chaînes moyennes sur intestin lésé (absorption facilitée) ;
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les sucres : sans lactose (intestin lésé).
D’autres composés peuvent être utiles comme les éléments bioactifs (TGFbêta dans la maladie de Crohn). Dans tous les cas, préférer les formules adaptées aux besoins spécifiques de l’enfant. En effet, les vitamines, minéraux et oligoéléments sont présents dans les formules adultes de façon à assurer les apports nécessaires pour un adulte recevant une quantité « adulte » de produit. Utiliser à plus faible dose des produits pour adulte peut entraîner des carences chez l’enfant. Les modalités d’administration sont adaptées de même à chaque situation (en continu si grêle lésé), nutrition entérale nocturne pour préserver les activités diurnes, bolus pour respecter le rythme des repas.
(5) Nutrition parentérale si insuffisance intestinale ou obstruction, nutrition entérale si intestin fonctionnel, complément oral (produits en briques, jus de fruits, gâteaux…) si l’alimentation orale est possible. Une alimentation mixte (orale/entérale, orale/parentérale, entérale/parentérale) est possible selon les cas, en privilégiant l’oral, puis l’entéral, enfin le parentéral, plus risqué. Une gastrostomie sera préférée quand la durée prévisible de prise en charge en nutrition entérale est de plus de 3 mois. Le choix entre une chambre implantable et un cathéter Broviac pour la nutrition parentérale relève d’une approche de spécialité.
(6) Évaluation. Point capital, il faut noter dans le dossier médical l’objectif que l’on attend et dans quel délai. Ces objectifs doivent être adaptés à chaque situation. En règle générale, attendre la reprise d’une croissance pondérale conforme à l’âge statural du patient et reprise de croissance staturale dans les 3 mois qui suivent une reprise pondérale. Tout objectif non atteint nécessite de réévaluer la stratégie nutritionnelle : apport énergétique insuffisant ou au contraire excessif si prise de poids rapide, voie d’abord mal adaptée (par exemple capacités de prise orale insuffisante), mesure de protection de l’enfant dans le cas de pathologies d’interaction majeures, ou le traitement causal. Chez l’enfant polyhandicapé, les besoins caloriques sont difficiles à évaluer. La réponse pondérale à la nutrition est fondamentale pour adapter des apports mis en place initialement sur des bases théoriques. À noter que les produits de nutrition entérale sont souvent pauvres en sel. Au long cours, une surveillance du rapport sodium/potassium dans les urines peut permettre de dépister une carence.
Tableau I. Estimation du besoin énergétique (règle 100/50/25). |
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Poids attendu pour la taille |
Apports |
0-10 kg |
100 kcal/kg |
10-20 kg |
1 000 kcal + 50 kcal/kg au-dessus de 10 kg |
> 20 kg |
1 500 kcal + 25 kcal/kg au-dessus de 20 kg |
Par exemple, pour un enfant de 22 kg, il faut compter : 1 500 kcal+ 2 kg à 25 kcal/kg, soit 1 550 kcal/J. |
Liens d'intérêts
Essais cliniques : en qualité de co-investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (Danone) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant et en qualité d’auditeur (Nutricia, Advanced Medical Nutritive)
Références
Cole TJ, Flegal KM, Nicholls D, et al. Body mass index cut offs to define thinness in children and adolescents: international survey. British Medical Journal 2007;335:194-7.
Waterlow JC. Classification and definition of protein-calorie malnutrition. Br Med J 1972;3:566-9.
Schneider SM, Colomb V, Languepin J, et al. Questions de nutrition clinique de l’enfant. Paris : SFNEP Ed. ; 2007.
Bott L, Hankard R. Besoins énergétiques : évaluation en réanimation et prise en charge in Réanimation pédiatrique. Progrès en pédiatrie. Ed. P Cochat : Doin 2010, Paris.