Vous êtes ici


Thématique:

Date de mise à jour 13/05/2017

Ictère du grand enfant

 Imprimer le PDF

 

M. Girard*, D. Debray

Service d’hépatologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : muriel.girard@nck.aphp.fr (M. Girard).

 

Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

 

Abréviations

A1AT :

AB :

GVH :

HAI :

MVO :

SAM :

VBP :

alpha 1 antitrypsine

acides biliaires

 réaction du greffon contre l’hôte

 hépatite auto-immune

maladie veino-occlusive

syndrome d’activation macrophagique

 voie biliaire principale



Arbre diagnostique – Commentaires

La bilirubine plasmatique est physiologiquement non conjuguée et liée à l’albumine. Elle est conjuguée dans le foie par une glucuronide transférase (UGT1A1). La bilirubine conjuguée (BC), hydrosoluble est ensuite sécrétée dans la bile grâce à des transporteurs. Les causes d’ictère de l’enfant sont nombreuses. Elles peuvent entraîner une augmentation de la bilirubine non conjuguée ou de la bilirubine conjuguée.

(1) L’ictère à BNC est caractérisé par l’absence de décoloration des selles et des urines de couleur normale. Il peut être lié soit à une destruction exagérée des globules rouges (hémolyse), soit à une anomalie de la conjugaison de la bilirubine.

(2) Le bilan initial à la recherche d’une hémolyse peut comporter : haptoglobine, réticulocytes et test de Coombs. Les causes principales d’hémolyse sont : les maladies entraînant une fragilité de la membrane des globules rouges (drépanocytose, maladie de Minkowski-Chauffard), les anomalies de l’hémoglobine (thalassémies), les déficits enzymatiques érythrocytaires (G6PD ou pyruvate kinase), les causes auto-immunes.

(3) La principale cause d’anomalie de glucuroconjugaison est la maladie de Gilbert, fréquente et bénigne, liée à une diminution de l’activité d’UGT1A1. Elle se manifeste le plus souvent à l’adolescence ou à l’âge adulte par un subictère favorisé par la fatigue ou le jeûne. Les maladies de Criggler-Najar (type I et II), très rares, sont à révélation néonatale. Plus rarement, une hypothyroïdie, une cause toxique, médicamenteuse ou virale peuvent être à l’origine d’une inhibition de l’enzyme UGT1A1.

(4) L’ictère à BC est à l’origine d’une coloration foncée des urines.

(5) Il est exceptionnellement lié à une anomalie du transport canaliculaire de la bilirubine, sans altération du flux biliaire (syndrome de Dubin-Johnson et syndrome de Rotor). L’examen clinique, les transaminases et l’activité GGT sont normaux. Le pronostic est bon sans évolution vers la fibrose ou l’insuffisance hépatique.

(6) L’ictère à BC est le plus souvent signe de cholestase. Les urines sont foncées et les selles sont inconstamment décolorées. Le diagnostic étiologique est orienté par l’anamnèse, l’examen clinique (prurit, cirrhose, hypertension portale, signes d’atteinte extra-hépatique), les examens biologiques (transaminases, GGT, hémostase, acides biliaires sériques), radiologiques (échographie, cholangio-IRM), ou la réalisation d’une biopsie hépatique en l’absence de confirmation du diagnostic par des examens non invasifs.

(7) En cas de dilatation des voies biliaires à l’échographie, la cholangio-IRM peut aider à en préciser la cause : lithiase de la voie biliaire principale, dilatation congénitale de la voie biliaire principale (le plus souvent liée à une anomalie de jonction bilio-pancréatique ou un kyste du cholédoque), cholangite sclérosante, plus rarement une compression de la voie biliaire d’origine tumorale, vasculaire (cavernome porte) ou pancréatique.

(8) En l’absence de dilatation des voies biliaires à l’échographie, une maladie cholestatique chronique doit être recherchée. Des signes d’hépatopathie chronique (hépatomégalie ferme ou dure, splénomégalie, hypertension portale) sont souvent présents et la cytolyse modérée (< 10 fois la normale). C’est le cas de la cirrhose secondaire à un déficit en alpha1 antitrypsine (A1AT) ou à la mucoviscidose, du syndrome d’Alagille (cholestase associée à une dysmorphie et des atteintes rachidiennes, oculaires, cardiaque, rénale ou vasculaire), des cytopathies mitochondriales, des cholestases fibrogènes familiales à gamma GT normales (PFIC1, 2) ou à gamma GT élevées (PFIC3), des défauts de synthèse des acides biliaires, très rares, ayant comme particularité l’absence de prurit, la normalité de l’activité GGT et des acides biliaires sériques normaux ou bas.

(9) Une cholangite sclérosante est à rechercher à la cholangio-IRM même en l’absence de dilatation des voies biliaires à l’échographie. Elle est soit primitive, d’origine auto-immune (parfois associée à une maladie inflammatoire du tube digestif et/ou une hépatite auto-immune de type 1) ou secondaire à un déficit immunitaire, une histiocytose langerhansienne.

(10) D’autres causes sont évoquées en fonction du contexte : la nutrition parentérale exclusive, réaction du greffon contre l’hôte (GVH), angiocholite bactérienne (en cas d’anomalies des voies biliaires), paucité ductulaire non syndromique d’origine toxique ou médicamenteuse.

(11) Une cholestase récurrente bénigne (ou maladie de Summerskill) très rare qui se manifeste par des épisodes récurrents d’ictère avec prurit et GGT normales. Les gènes impliqués sont les mêmes que ceux des cholestases fibrogènes familiales de type 1 et 2.

(12) En cas de cytolyse importante (> 10N), évoquer l’hépatite virale A, parfois compliquée d’insuffisance hépatocellulaire fulminante. Les autres causes virales (virus B, C, CMV, EBV) ou toxiques/médicamenteuses sont plus rarement responsables d’ictère cholestatique en l’absence d’insuffisance hépatocellulaire.

(13) Toute hépatite non liée au virus A doit faire rechercher une hépatite auto-immune (de type 1 à anticorps anti-nucléaires et anti-muscle lisses de spécificité anti-actine ; de type 2 à anticorps anti-LKM1 ou anti-cytosol LC1 ou sans marqueur sérologique pouvant se compliquer d’une hypoplasie/aplasie médullaire). À l’examen, il existe souvent des signes d’hépatopathie chronique avec hépatomégalie ferme et splénomégalie. Elle peut également se révéler d’emblée par une insuffisance hépatique aiguë.

(14) Certaines maladies hématologiques peuvent également se révéler sur un mode aigu cytolytique : leucémie, syndrome d’activation macrophagique (SAM), ou dans un contexte particulier après greffe de moelle osseuse : syndrome d’obstruction sinusoïdale (maladie veino-occlusive : MVO) ou maladie du greffon contre l’hôte (GVH).

Liens d’intérêts

Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts relatif à cet article.

Références

Murray NA, Roberts IA. Haemolytic disease of the newborn. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2007;92:F83-8.

Strassburg CP. Hyperbilirubinemia syndromes (Gilbert-Meulengracht, Crigler-Najjar, Dubin-Johnson, and Rotor syndrome). Best Pract Res Clin Gastroenterol 2010;24:555-71.

Brumbaugh D, Mack C. Conjugated hyperbilirubinemia in children. Pediatr Rev 2012;33:291-302.

Jacquemin E. Progressive familial intrahepatic cholestasis. Clin Res Hepatol Gastroenterol 2012;36:70018-9.

Thompson R. Syndromes cholestatiques familiaux. Annales Nestlé 2008;66:121-6.