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Thématique:
Suspicion de maladie cœliaque
J.-P. Olives
Gastroentérologie et nutrition, hôpital des enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31300 Toulouse, France Correspondance - Adresse e-mail : olives.jp@chu-toulouse.fr (J.-P. Olives) Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Arbre diagnostique – Commentaires
La maladie cœliaque est une maladie dysimmunitaire systémique, déclenchée par le gluten et ses dérivés (gliadines, prolamines), survenant chez des sujets génétiquement prédisposés (haplotypes HLA DQ2 et/ou DQ8). Elle provoque de façon constante une atrophie villositaire au niveau de la muqueuse intestinale et la production d’autoanticorps (principalement antitransglutaminase) délétères pour de nombreux organes et tissus de l’organisme. La symptomatologie est très variable d’un sujet à l’autre : formes digestives avec malabsorption, formes monosymptomatiques ou atypiques, voire absence de tout symptôme.
Les nouvelles recommandations des sociétés savantes permettent grâce à l’utilisation de tests biologiques facilement accessibles, face à une suspicion d’intolérance au gluten, de confirmer ou d’éliminer une maladie cœliaque en suivant l’arbre décisionnel présenté.
(1) La forme classique de la maladie débute chez un nourrisson de plus de 6 mois quelques semaines après l’introduction du gluten dans l’alimentation et associe : diarrhée chronique anorexie, apathie, météorisme abdominal et perte de poids.
(2) Cette forme est devenue rare et il faut évoquer une intolérance au gluten devant des signes frustes ou atypiques : troubles du transit intestinal non spécifiques, appétit diminué, douleurs abdominales récidivantes, prise de poids médiocre, retard de croissance isolé, retard pubertaire, aménorrhée, fatigue chronique, anémie ferriprive réfractaire, douleurs osseuses, fractures sur ostéopénie, aphtose buccale récidivante, hypoplasie de l’émail dentaire, augmentation des transaminases. Dans certaines formes prolongées, non diagnostiquées, on peut observer des douleurs abdominales, une constipation chronique, un retard de croissance et/ou pubertaire et plus rarement un hippocratisme digital.
(3) De plus en plus souvent, des enfants sont mis à un régime sans gluten devant des troubles digestifs ou même par effet de mode, qui a pu améliorer ou faire disparaître des symptômes. Le pédiatre, pour savoir si ce régime est justifié, devra faire la part des choses en suivant une démarche rigoureuse.
(4) Il faut aussi connaître les maladies à risque caractérisées par une prévalence plus élevée : diabète de type I, déficit profond en IgA, trisomie 21, syndrome de Turner, syndrome de Williams, hépatites et cholangiopathies auto-immunes, thyroïdites auto-immunes et surtout apparentés de 1er degré. Dans ces situations, le plus souvent, les sujets sont asymptomatiques.
(5) Face à une suspicion de maladie cœliaque chez un enfant présentant des symptômes, évocateurs ou atypiques, il faut pratiquer des tests biologiques simples (disponibles dans tous les laboratoires) : des IgA totales plasmatiques et des IgA antitransglutaminase. Le dosage des IgA totales est indispensable car la maladie cœliaque s’associe fréquemment à une diminution des immunoglobulines A, voire dans 0,5 à 1 % des cas à des IgA effondrées ou indétectables, ce qui entraîne une fausse négativité des IgA antitransglutaminase.
(6) Un taux normal d’IgA plasmatiques et des IgA antitransglutaminase normales permettent d’écarter une maladie cœliaque active. D’autres causes doivent être recherchées, expliquant les symptômes. En l’absence de pathologie identifiée, si les symptômes persistent ou s’aggravent, un nouveau contrôle des IgA transglutaminase peut être prescrit.
(7) Si les IgA totales sont inférieures à la normale ou effondrées, et les IgA antitransglutaminase négatives, il faut doser les IgG antitransglutaminase. Si elles sont normales, dans ce cas aussi, la maladie cœliaque est écartée.
(8) Des anticorps élevés, associés à un taux normal d’IgA plasmatiques, sont évocateurs d’une maladie cœliaque. L’avis d’un gastroentérologue pédiatre doit être sollicité pour compléter les explorations. Des IgA antitransglutaminase supérieures à 10 fois la normale, associées à des anticorps antiendomysium positifs et à la présence de DQ2 et/ou DQ8, permettent de confirmer le diagnostic. La biopsie intestinale garde cependant de nombreuses indications, dans les cas douteux, pour confirmer une maladie cœliaque.
(9) Si le régime sans gluten a été débuté par la famille sans avis médical préalable, qu’il paraît injustifié ou qu’il y a un doute sur le fait qu’une maladie cœliaque ait été masquée par le régime, il faut reprendre un régime avec du gluten pendant plusieurs semaines, si l’éviction a été prolongée, et suivre la procédure de diagnostic pour confirmer ou éliminer une maladie cœliaque (cf. 5).
(10) Les troubles digestifs d’allure fonctionnelle associent des douleurs abdominales, des ballonnements, des troubles du transit avec diarrhée et constipation (souvent regroupés sous le terme côlon irritable ou TFI : troubles fonctionnels intestinaux). Jusqu’à maintenant, les troubles dus à l’ingestion de gluten n’étaient reconnus que dans le cadre de la maladie cœliaque.
Depuis peu, une entité a été individualisée chez l’adulte, mais aussi chez l’enfant, l’hypersensibilité au gluten non cœliaque (HSGNC). Ce cadre nosologique regroupe les sujets qui sont améliorés par un régime sans gluten et chez qui la maladie cœliaque et l’allergie au blé ont été éliminées. Cependant, il n’est pas clair de définir si l’HSGNC est due à l’effet toxique des peptides du gluten ou plutôt à la consommation de sucres et polyols fermentescibles associées aux céréales contenant du gluten (FODMAPS : Fermentable Oligo, Di, Monosaccharides And Polyols).
(11) Des réactions immédiates de type réaginique survenant à l’ingestion de produits contenant du blé doivent faire confirmer une allergie au blé par des tests cutanés et des IgE au blé (12).
(13) Un dépistage systématique est recommandé dans les groupes à risque, même si les sujets sont asymptomatiques. Il faut prescrire de façon simultanée un typage HLA DQ, les IgA totales et un dosage des IgA antitransglutaminase.
(14) Des résultats montrant la présence d’un ou des deux gènes de susceptibilité et des antitransglutaminase élevées sont fortement évocateurs d’une maladie cœliaque qu’un gastroentérologue pédiatre confirmera par la réalisation d’une biopsie duodénale chez ces sujets peu ou pas symptomatiques.
(15) La présence d’un des gènes HLA et d’un taux normal d’IgA antitransglutaminase permet de dire à la famille que l’enfant n’a pas actuellement de maladie cœliaque active. Mais il reste un sujet à risque, la maladie pouvant apparaître plus tard dans l’enfance ou à l’âge adulte.
(16) La valeur prédictive de l’absence de gènes DQ2 et/ou DQ8 avec des anticorps négatifs est de 100 % et permet d’éliminer formellement une maladie cœliaque.
À retenir
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Liens d’intérêts
Au cours des 5 dernières années, J.-P. Olives a perçu des honoraires ou financements pour participation à des congrès, actions de formation, participation à des groupes d’experts, de la part des Laboratoires Blédina.
Références
Mouterde O, Ben Hariz, Dumant C. Le nouveau visage de la maladie cœliaque. Arch Pediatr 2008;15:501-3.
Husby S, Koletzko S, Korponay-Szabo IR et al. European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition. ESPGHAN Guidelines for the diagnosis of coeliac disease. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2012;54:136-60.
Olives JP, Lamireau T, Ruemmele F, pour le Groupe Francophone d’hépatologie gastroentérologie et nutrition pédiatrique (GFHGNP). Nouvelles recommandations européennes pour le diagnostic de la maladie cœliaque : une réelle simplification ? Arch Pediatr 2014;21:241-4.