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Date de mise à jour 14/05/2017

Démarche diagnostique devant un syndrome poly-uropolydipsique

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C. Rousset-Rouvière, M. Tsimaratos

Service de pédiatrie multidisciplinaire, unité de néphrologie pédiatrique, hôpital Timone – Enfants, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France
Correspondance - Adresse e-mail : michel.tsimaratos@ap-hm
 
 
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Arbre diagnostique – Commentaires

(1) Syndrome poly-uropolydipsique

Un syndrome poly-uropolydipsique est défini par une diurèse supérieure à 50 ml/kg/j (polyurie), associé à une augmentation des apports liquidiens (polydipsie). Il impose une exploration, car si la polyurie peut être bénigne (potomanie), elle peut révéler une pathologie grave. De plus, si le mécanisme de la soif est altéré ou que l’accès à l’eau est limité, la polyurie peut devenir dangereuse par hypernatrémie et déshydratation. Le diagnostic repose sur l’interrogatoire et la clinique. Il faut éliminer une pollakiurie, qui correspond à une augmentation de la fréquence des mictions avec un volume urinaire normal. On doit faire préciser l’âge d’apparition et le caractère brutal ou progressif. La soif nocturne et une perte de poids sont en faveur d’une cause organique. Le contexte clinique peut orienter : antécédents de chirurgie ou traumatisme crânien, trouble psychologique… L’examen clinique doit rechercher des signes de déshydratation, insister sur l’examen neurologique et la croissance staturo-pondérale. La première étape diagnostique consiste à réaliser une bandelette urinaire pour rechercher un diabète sucré. En l’absence de glycosurie, il faudra mesurer l’osmolarité sanguine (osmoP) et urinaire (osmoU) pour distinguer les polyuries osmotiques et les polyuries hypotoniques (potomanie et diabète insipide). Après avoir éliminé une polyurie osmotique, la démarche diagnostique consiste à établir si la polyurie est primitive ou secondaire à une polydipsie en réalisant un test de restriction hydrique.

(2) Test de restriction hydrique

Il doit se faire en milieu hospitalier sous surveillance (pouls, TA, poids, natrémie, osmoP et osmoU). Il étudie le pouvoir de concentration des urines après un arrêt total des liquides. Le test sera interrompu en cas de mauvaise tolérance hémodynamique, perte de poids > 5 %, hypernatrémie > 150 mmol/l ou en cas de normalisation ou stabilisation de l’osmoU à 2 h d’intervalle (tableau I). Si l’osmoU se normalise (> 750 mOsm/l), il s’agit d’une polydipsie primaire. Si l’osmoU reste inférieure à 300 mOsm/l, il s’agit d’un diabète insipide. Dans ce cas, on réalise une injection d’analogue de l’ADH : le Minirin® pour différencier le diabète insipide central (augmentation de l’osmoU) et le diabète insipide néphrogénique (pas d’augmentation de l’osmoU). L’interprétation du test est souvent difficile, car on peut observer une augmentation modérée de l’osmoU (entre 300 et 750 mOsm/l) en cas de polydipsie primaire ou de diabète insipide incomplet. On pourra alors s’aider par un dosage de l’ADH plasmatique.

(3) Polyurie osmotique

La polyurie osmotique est définie par une élimination osmotique urinaire supérieure à la charge osmotique standard (> 900 mOsm/l). Elle est le plus souvent secondaire à un diabète sucré. Les autres causes de polyurie osmotique sont dues à des apports exogènes d’osmoles (mannitol, sel…).

(4) Polydipsie primaire

Elle est liée à un apport liquidien excessif, responsable d’une polyurie secondaire. Le plus souvent, il s’agit d’une potomanie. Les troubles apparaissent plutôt de manière progressive chez des enfants chez qui la sensation de soif est perturbée en raison de troubles psychologiques. L’examen clinique est normal. Lors du test de restriction hydrique, la diurèse diminue avec une concentration progressive des urines, sans perturbation de la natrémie et avec une bonne tolérance clinique. Cependant, il existe une certaine résistance à l’ADH en cas de potomanie chronique et la réponse au test de restriction ne peut être que partielle. Il est souvent nécessaire de répéter ce test ou de réaliser une injection de Minirin® pour différencier la potomanie du DIC.

(5) Diabète insipide central (DIC)

Le DIC est secondaire à un déficit en ADH. Il s’agit d’une poly­urie hypotonique (osmoU < 300 mOsm/l). Le début est souvent brutal. Ces enfants présentent une soif impérieuse, persistante la nuit, génératrice d’angoisse lorsque l’accès à l’eau est difficile. Lors du test de restriction hydrique, la polyurie persiste, malgré l’hyper­natrémie et l’osmoU reste basse. L’injection de Minirin® corrige le déficit en ADH et fait chuter la diurèse, avec une augmentation de l’osmoU. En cas de déficit complet en ADH, l’osmoU est supérieure à 750 mOsm/l. Mais le DIC est souvent incomplet et la réponse au test est partielle (osmoU entre 300 et 750 mOsm/l). L’ADH est toujours basse. La cause du déficit en ADH peut être génétique (mutation du gène de l’ADH) ou ­acquise (idiopathique, auto-immun, secondaire à des lésions hypo­thalamo-hypophysaire, traumatique, postopératoire, tumo­rale, ischémique, granulomatose, infectieuse, grossesse). La réalisation d’une IRM cérébrale s’impose pour rechercher une anomalie de la post-hypophyse ou de la tige pituitaire. Chez l’enfant, les tumeurs hypothalamiques et les malformations céré­brales représentent 50 % des DIC. Le DIC peut être isolé ou associé à une insuffisance antéhypophysaire. Le traitement du DIC repose sur l’administration de Minirin®.

(6) Diabète insipide néphrogénique (DIN)

Il est caractérisé par une insensibilité rénale à l’ADH. Il s’agit d’une polyurie hypotonique (osmoU < 300 mOsm/l). Lors du test de restriction hydrique, la polyurie persiste et l’osmoU reste basse. L’injection de Minirin® est inefficace. L’ADH est haute, appropriée à l’osmoU.

La cause du DIN peut être :

  • génétique : mutation des récepteurs V2 de l’ADH (90 % des cas, lié à l’X) ou des aquaporines 2 (autosomique récessive). Chez ces enfants, l’apparition des troubles est précoce, parfois dès la naissance, mais le diagnostic est difficile et souvent tardif. Ils peuvent présenter des vomissements fréquents avec des épisodes de déshydratation aiguë. On retrouve fréquemment un retard de croissance staturo-pondéral. Le traitement repose sur un faible apport osmotique, l’utilisation de diurétiques thiazidiques et les inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines (indométacine) ;

  • acquise : médicamenteuse (cisplatine, amphotéricine B, ­lithium…), troubles ioniques chroniques (hypokaliémie, hyper­calcémie).

 

Tableau I. Test de restriction hydrique.

 

Polydipsie primaire

DIC

DIN

Diurèse

Diminuée

Polyurie persistante

Polyurie persistante

OsmoP (mOsmo/l)

290 à 295

> 295

> 295

OsmoU (mOsmo/l)

> 750

< 300

< 300

OsmoU après Minirin®

Entre 300 et 750

> 750

< 300

 

Liens d’intérêts
M. Tsimaratos : intérêts financiers dans une entreprise (Sanofi, Genzyme) ; essais cliniques : en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal (Méditor) et en qualité de co-investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (AMGEN, Novartis, Roche, Genzyme) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant (Shire, Genzyme, Roche, Astellas, EMA, Gambro) et en qualité d’auditeur (AMGEN, Shire, Genzyme, Roche, Astellas, Gambro, Pfizer).
C. Rousset-Rouvière : aucun.

Références

Vachet-Coponat H. Polyuries. In : Bertrand Y, Dussol B, « Néphrologie pour l’interne ». Tome 4. Elsevier 2003, p. 28-39.

Petitclerc T. Syndrome polyuropolydipsique. EMC (Elsevier Masson SAS), Néphrologie, 18-028-A-10, 2003.