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Date de mise à jour 15/05/2017

Tentative de suicide médicamenteuse chez l’adolescent

 

R. de Tournemire*,1, S. Rouget2

1Unité de médecine pour adolescents, centre hospitalier intercommunal de Poissy/Saint-Germainen- Laye, France
2Unité de médecine pour adolescents, centre hospitalier sud francilien, 116, boulevard Jean-Jaurès, 91100 Corbeil-Essonnes, France
Auteur correspondant : Adresse e-mail : rdetournemire@chi-poissy-st-germain.fr (R. de Tournemire).
 

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Arbre décisionnel – Commentaires

(1) Plus de 80 % des tentatives de suicide (TS) sont médicamenteuses, devant les tentatives de défenestration, les phlébotomies (différentes des scarifications), les tentatives de pendaison, l’ingestion de produits domestiques et notamment de Javel.

(2) Toute tentative de suicide doit être évaluée aux urgences pour bénéficier du plateau technique et des compétences pluriprofessionnelles. Une intoxication à faible risque ne témoigne pas forcément d’une situation simple et bénigne.

(3) L’adolescent, s’il est conscient – cas de loin le plus fréquent – est interrogé avec empathie. Il faut préciser l’heure de l’intoxication, le nom des médicaments, la dose ingérée, la prise conjointe d’autres produits (alcool), le facteur déclenchant éventuel. Si inconscient, il faut interroger les personnes susceptibles de donner des informations. L’examen recherchera des signes d’intoxication, des scarifications (pas seulement sur les avant-bras).

(4) Du charbon activé peut être administré dans l’heure suivant la prise médicamenteuse (efficacité non démontrée). Contre-indications : caustiques, solvants pétroliers, troubles de conscience.

(5) Les benzodiazépines à longue durée d’action (le Lexomil® notamment) entraînent des troubles mnésiques qui peuvent durer plusieurs jours si la dose est importante. On rappellera à l’adolescent, au cours des jours suivants, les évènements post-intoxication (transport par les pompiers, passage aux urgences, échanges verbaux avec lui) ainsi que le cadre de l’hospitalisation (médecin référent, projet, règlement).

(6) Le syndrome sérotoninergique comprend : hyperréflexie, ataxie, tremblements, agitation, myoclonies, fièvre, sueurs, diarrhée.

(7) Rassurer rapidement l’adolescent et les parents s’il n’y a pas de risque en termes de morbi-mortalité, sans banaliser le geste ; ils ne sont pas médecins ou pharmaciens ! Bien leur expliquer le projet de soin et le cadre (règlement du service notamment). Expliquer à l’adolescent la notion de confidentialité partagée avec le personnel de l’équipe.

(8) Cf. recommandations ANAES (agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) 1998 (HAS). Examen clinique complet, recherche d’anomalies pubertaires, d’antécédents médicaux – de maladies chroniques notamment –, de conduites à risque (risques sexuels, prise de toxiques, conduites ordaliques = « jeu avec la mort »), d’antécédents traumatiques (deuils, abus sexuel, harcèlement…), de troubles psychologiques ou psychiatriques (anxiété, dépression, troubles du comportement alimentaire [TCA]…). Un guide d’entretien psychosocial type HEADSS (Home, Education, Activities, Drugs, Sex and sexuality, and Suicide and mood) peut être utilisé (référence jointe). Un antécédent (ATCD) de TS augmente le risque de récidive à court terme.

(9) On joindra les interlocuteurs qui peuvent être utiles pour l’adolescent, avec l’accord des parents et de l’adolescent (idem pour adresser un compte rendu d’hospitalisation).

(10) Un rendez-vous (RdV) rapide avec une personne bien identifiée par l’adolescent et l’équipe médicale est important (psychologue, médecin traitant, pédiatre ou psychiatre rencontré dans le service, thérapeute familial…).

(11) Certaines équipes proposent des entretiens familiaux (parents et fratrie) au décours de la tentative de suicide. Deux caractéristiques de la réaction familiale ont un impact favorable sur la prise en charge ultérieure : la capacité à reconnaître la gravité de l’acte (opposée à la banalisation) ; la capacité à reconnaître la souffrance psychique de chacun (opposée au déni de cette souffrance).

(12) Une carte contact peut contenir le numéro de téléphone de l’unité ou du secrétariat et le numéro de la ligne nationale Fil Santé Jeunes. Un contact de l’équipe auprès de l’adolescent et de sa famille pour prendre des nouvelles et s’assurer de la mise en place effective du plan de soin est conseillé, en particulier dans l’année qui suit, le risque de récidive étant maximum dans les 6-12 mois.

(13) Un transfert en pédopsychiatrie peut être proposé dans les situations relevant de pathologies psychiatriques nécessitant une hospitalisation plus longue ou avec un cadre plus contenant, ou en cas de risque de récidive immédiat.

Liens d’intérêts

Les auteurs n’ont pas transmis leurs liens d’intérêts.

Références

Giraud P, Fortanier C, Fabre G, et al. Tentatives de suicide : étude descriptive d’une cohorte de 517 adolescents de moins de 15 ans et 3 mois. Arch Pediatr 2013;20, 608-15.

Cohen E, Mackenzie RG, Yates GL. HEADSS, a psychosocial risk assessment instrument : implications for designing effective intervention programs for runaway youth. J Adolesc Health 1991;12:539-44.

ANAES, 1998. Prise en charge hospitalière des adolescents après une tentative de suicide. Recommandations professionnelles. http://www.hassante.
fr/portail/jcms/c_271908/fr/prise-en-charge-hospitaliere-des-adolescents-apres-une-tentative-de-suicide