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Date de mise à jour 29/04/2022

Traumatisme crânien léger de l’enfant

 

F. Lorton1,2*, B. Vrignaud2, C. Gras-Le Guen1,2

1Centre d’investigation clinique INSERM 1413, Hôpital Femme-Enfant-Adolescent, CHU de Nantes, Nantes, France
2Services d’urgences pédiatriques et de pédiatrie générale, Hôpital Femme-Enfant-Adolescent, CHU de Nantes, Nantes, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : fleur.lorton@chu-nantes.fr (F. Lorton).
 

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Article validé par :

SFP (Société Française de Pédiatrie)

GFRUP (Groupe Francophone de Réanimation et Urgences Pédiatriques)

Introduction

Le traumatisme crânien léger (TCL) de l’enfant est un motif fréquent de recours aux services d’urgence. Il est défini par un score de Glasgow (GCS) >= 13 et représente plus de 95% des traumatismes crâniens (TC). Parmi les enfants présentant un TCL, moins de 10 % ont une lésion intracrânienne (LIC) et moins de 1 % ont besoin d’une intervention neurochirurgicale. La problématique est donc d’identifier parmi ces enfants peu symptomatiques ceux à risque de LIC qui nécessiteront un scanner cérébral rapide afin de ne pas exposer inutilement des enfants à des radiations ionisantes potentiellement iatrogènes. L’utilisation d’une règle de décision clinique (RDC) peut guider le praticien dans sa prise de décision face à ces contraintes opposées. Les recommandations françaises émises en 2012 par la Société française de médecine d’urgence et reprises par le Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques ainsi que les récentes recommandations américaines du Centers for Disease Control and Prevention (CDC) s’appuient sur la RDC publiée par le Pediatric Emergency Care Applied Research Network (PECARN) pour la prise en charge du TCL de l’enfant. Cette RDC permet de classer l’enfant, à partir d’éléments de l’interrogatoire et de l’examen clinique, en trois niveaux de risque de LIC cliniquement sévère (LICcs) : haut, intermédiaire ou faible ; et ainsi d’orienter sa prise en charge : scanner cérébral, surveillance hospitalière ou retour à domicile. Les bonnes performances diagnostiques de cette RDC ont été confirmées depuis par plusieurs études de validation externe, notamment en France, avec une sensibilité allant de 99 à 100 %. L’arbre décisionnel proposé ici est adapté de la RDC du PECARN et des recommandations émises par la Société française de médecine d’urgence.

Conduite à tenir en cas de TCL chez le sujet d’âge < 18 ans

(1) Un TCL de l’enfant est défini par un GCS compris entre 13 et 15. La RDC n’est pas applicable aux enfants avec des troubles de la coagulation, des troubles neurologiques antérieurs au TC, une dérivation ventriculaire, un antécédent de tumeur cérébrale, un TC pénétrant ou en cas de suspicion de TC infligé.

(2) Le scanner cérébral est systématiquement recommandé pour tout enfant qui a un GCS à 13 ou 14, des signes d’altération de la conscience tels qu’une agitation, une somnolence, une répétition de questions, une lenteur des réponses verbales ou des signes de localisation à l’examen neurologique. Dans ce cas, il doit être demandé immédiatement et réalisé dans l’heure suivant sa demande. La radiographie de crâne et l’échographie transfontanellaire n’ont pas leur place dans le diagnostic de LIC post-traumatiques.

(3) Pour les enfants avec un GCS à 15, la prise en charge est déterminée en fonction de l’âge inférieur ou supérieur à 2 ans, et de la présence de facteurs de risque de LICcs. Les LICcs sont définies par la survenue du décès, la réalisation d’une intervention neurochirurgicale, une intubation > 24 heures secondaire aux LIC ou une hospitalisation >= 2 nuits pour symptomês neurologiques persistants (altération de la conscience persistante, vomissements répétés, céphalées sévères ou crise convulsive) en association avec des LIC au scanner.

(4) Les facteurs de haut risque de LICcs sont pour l’enfant âgé de moins de 2 ans des signes cliniques d’embarrure, et pour l’enfant âgé de 2 ans et plus des signes cliniques de lésion de la base du crâne, c’est-à-dire la présence d’un hématome rétroauriculaire ou périorbitaire, d’un hémotympan, d’une rhinorrhée ou otorrhée de liquide cérébro-spinal.

(5) Les facteurs de risque intermédiaire de LICcs diffèrent aussi selon l’âge. Chez l’enfant âgé de moins de 2 ans : présence d’un hématome du scalp non frontal, perte de connaissance d’au moins 5 secondes, mécanisme lésionnel sévère ou un comportement anormal selon les parents. Chez l’enfant de 2 ans et plus : présence de vomissement(s), notion d’une perte de connaissance, mécanisme lésionnel sévère ou des céphalées importantes.
Les mécanismes lésionnels sévères correspondent à : un accident de la voie publique automobile avec un passager éjecté du véhicule, ou décès d’un autre passager, ou tonneau, ou victime piéton ou cycliste non casqué ; une chute d’une hauteur supérieure à 0,9 m chez l’enfant de moins de 2 ans et à 1,5 m chez le plus de 2 ans ; un TC par objet à forte cinétique.

(6) Pour le groupe à risque intermédiaire de LICcs, la surveillance clinique de l’enfant est assurée au cours d’une hospitalisation. Le scanner est alors réalisé chez les enfants dont les facteurs de risque sont multiples ou dont les symptômes s’aggravent pendant la surveillance, ou chez le nourrisson de 0 à 3 mois inclus. Compte tenu de l’évaluation parfois délicate en pratique du mécanisme du traumatisme (absence de témoin, hauteur de la chute approximative) et de l’exactitude des évènements (perte de connaissance réelle et durée précise), le choix de réaliser ou non une imagerie peut également être guidé par l’expérience du praticien.

(7) En cas d’hospitalisation, il est préférable que l’enfant soit sous la responsabilité d’une équipe pédiatrique expérimentée, si possible dans une unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) ou une unité de surveillance continue (USC). La surveillance doit se faire par une évaluation clinique toutes les 30 minutes jusqu’à la normalisation du GCS à 15, et quand le GCS est à 15, toutes les 1 à 2 heures avec une appréciation des constantes hémodynamiques, la recherche d’une modification de l’état de conscience, de l’apparition d’anomalies neurologiques, d’une aggravation des céphalées et de la survenue de vomissements. La durée de cette surveillance hospitalière doit être de quelques heures au minimum et est à adapter au cas par cas en fonction du mécanisme du TC, de l’évolution clinique de l’enfant, et de son âge. En 2010, Hamilton et al. montraient qu’un diagnostic de LIC posé au-delà de 6 heures après un TCL initialement sans signe de complication était un évènement rare. La présence de facteurs de risque connus de survenue de symptômes postcommotionnels prolongés, tels que l’âge (adolescent), le sexe féminin, des antécédents de migraine, la présence de céphalées initiales ou d’une perte de connaissance, le fait d’être hospitalisé, devrait être systématiquement prise en compte avant la sortie d’hospitalisation, en s’aidant éventuellement d’outils pour établir un score de risque.

(8) Pour le groupe à faible risque de LICcs, aucune imagerie cérébrale n’est recommandée. La surveillance hospitalière est tout de même recommandée pour les nourrissons âgés de moins de 3 mois. Pour les autres, le retour à domicile peut se faire sous condition d’une surveillance adaptée par un adulte et de la présence d’une structure de soins à proximité. Des consignes de surveillance doivent être expliquées oralement et remises dans un document écrit aux familles. Pour les enfants présentant des facteurs de risque de syndrome postcommotionnel, une information sur la possibilité de survenue de ces symptômes (céphalées, asthénie, vertiges, difficultés de concentration ou de mémoire, troubles du sommeil, irritabilité, ralentissement de la pensée) dans les jours voire les semaines qui suivent le TCL doit être donnée en conseillant aux familles de consulter un médecin si ces symptômes persistent au-delà de 1 mois.

Conclusion

La décision de réalisation d’un scanner cérébral ou d’une surveillance hospitalière après un TCL doit se baser sur l’anamnèse et l’examen clinique de l’enfant, en recherchant la présence de facteurs de risque de LICcs. La RDC du PECARN est un outil d’aide à la décision médicale utile et performant pour identifier les patients à faible risque de LICcs grâce à sa bonne sensibilité. Enfin, l’intégration de biomarqueurs tels que la protéine S100B dans la RDC du PECARN est une piste prometteuse pour améliorer encore ses performances diagnostiques tout en optimisant le recours au scanner cérébral.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts avec cet article.

Références

Jehlé E, Honnart D, Gras-Leguen C. Traumatisme crânien léger (score de Glasgow de 13 à 15) : triage, évaluation, examens complémentaires et prise en charge précoce chez le nouveau-né, l’enfant et l’adulte. Ann Fr Med Urgence 2012;2:199-214.

Lorton F, Levieux K, Vrignaud B, Hamel O, Jehlé E, Hamel A, et al. [New recommendations for the management of children after minor head trauma]. Arch Pediatr 2014;21:790-6.

Lumba-Brown A, Yeates KO, Sarmiento K, Breiding MJ, Haegerich TM, Gioia GA, et al. Centers for Disease Control and Prevention Guideline on the Diagnosis and Management of Mild Traumatic Brain Injury Among Children. JAMA Pediatr 2018;172:e182853.

Kuppermann N, Holmes JF, Dayan PS, Hoyle JD, Atabaki SM, Holubkov R, et al. Identification of children at very low risk of clinically-important brain injuries after head trauma: a prospective cohort study. Lancet 2009;374:1160-70.

Lorton F, Poullaouec C, Legallais E, Simon-Pimmel J, Chêne MA, Leroy H, et al. Validation of the PECARN clinical decision rule for children with minor head trauma: a French multicenter prospective study. Scand J Trauma Resusc Emerg Med 2016;24:98.