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Date de mise à jour 13/05/2017

Anémie par carence martiale chez l'adolescente

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R. de Tournemire

Service de pédiatrie, Hôpital de Poissy Saint Germain en Laye
Correspondance - Adresse e-mail : rdetournemire@chi-psg.com (R. de Tournemire)
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Arbre diagnostique – Commentaires

L’adolescence est une période de forte croissance où les besoins nutritionnels sont nettement augmentés. Chez la jeune fille, les besoins en fer sont de l’ordre de 1,65 mg/j (2,05 mg/j si l’on considère le 95e percentile) dont 0,35 mg/j pour la croissance et 0,5 mg/j pour la compensation des pertes liées aux règles. Compte tenu des coefficients d’absorption digestive, les apports recommandés en fer sont à cet âge de 14 mg/j.

Les enquêtes dans les pays industrialisés montrent, concernant les 12-19 ans, que la carence martiale est surtout le fait des adolescentes. Dans l’enquête NHANES III, conduite par le CDC aux États-Unis entre 1988 et 1994, une anémie par carence martiale est présente chez 2 à 3 % des adolescentes et une carence martiale isolée est retrouvée chez 9 % des adolescentes de 12 à 15 ans et 11 % des 16-19 ans (contre moins de 1 % des adolescents). Cette différence selon le sexe se poursuit jusqu’à la ménopause. Les menstruations (et les grossesses) sont responsables de cette différence : un cycle menstruel normal entraîne la perte de 25 à 30 ml de sang soit 12,5 à 15 mg de fer.

Les premiers cycles menstruels étant souvent anovulatoires, des méno-métrorragies sont fréquentes. Ces hémorragies utérines fonctionnelles sont pour partie la conséquence d’une carence en progestérone - normalement produite par le corps jaune -, dont le rôle est de stabiliser l’endomètre.

(1) Il faut savoir rechercher une carence martiale ou une anémie chez toute adolescente présentant une pâleur, une asthénie, une dyspnée d’effort, une tachycardie, ou notamment chez les sujets noirs, devant l’existence d’une pagophagie (ingestion de glaçons et de givre). La recherche de ces symptômes sera d’autant plus attentive si l’interrogatoire révèle des règles abondantes ou trop fréquentes. On interrogera également l’adolescente sur ses habitudes alimentaires. Un régime de type végétarien constitue un facteur de risque de carence martiale de même qu’une prise abusive de thé ou de café.

(2) La carence en fer est définie dans la plupart des études par l’association de plusieurs facteurs biologiques anormaux parmi les suivants : diminution de la ferritine, du fer sérique, du coefficient de saturation de la sidérophiline et du VGM, augmentation de la proto-porphyrine érythrocytaire. L’anémie par carence martiale est définie par l’existence d’une hémoglobine inférieure à la normale associée à des signes biologiques de carence martiale.

(3) L’évaluation des pertes sanguines lors des règles se heurte à une certaine subjectivité : 20 % des femmes ayant une perte supérieure à 80 ml considèrent avoir des règles normales et 20 % de celles ayant des pertes de 30 ml pensent avoir des règles trop abondantes ! Il est donc important de faire préciser le nombre de tampons ou de serviettes utilisées, l’appréciation visuelle de l’imprégnation des tampons ou des serviettes, l’existence de caillots ou de débordement de la protection périodique comme le propose le score cumulé d’Higham. Plus simplement, un saignement est excessif lorsqu’il dure plus de 7 jours par mois avec utilisation de plus de 6 protections par jour.

(4) Des anomalies de l’hémostase doivent systématiquement être recherchées en cas de ménorragie importante dès les premiers cycles ou si les troubles des règles entraînent une anémie. Un trouble de l’hémostase est alors présent dans 10 à 20 % des cas. Les tests de dépistage comprennent une numération plaquettaire, un temps d’occlusion plaquettaire (ou un temps de saignement), un TP, un TCA et un dosage du fibrinogène. La maladie de Willebrand, qui concerne 1 % des individus est la pathologie la plus fréquemment en cause.

(5) Le traitement comprend :

  • une correction de la carence par un traitement martial, associé si possible à de la vitamine C qui améliore l’absorption du fer (par exemple Ferograd vit C® 1 cp/j) ; ce traitement est poursuivi trois mois ;

  • des conseils nutritionnels : les produits carnés, qui apportent du fer héminique, constituent notre principale source de fer. Le boudin, les abats, le foie et le rognon sont les aliments les plus riches en fer. Du fait de notre type de consommation, les viandes d’agneau et de bœuf sont nos principales sources de fer. Les viandes blanches, les poissons, les fruits de mer et les œufs apportent également des quantités notables de fer. Enfin, les légumes secs et les épinards, malgré leur teneur moyenne en fer, ne doivent pas être négligés. La prise d’aliments riches en vitamine C augmente l’absorption du fer (proposer aux adolescentes l’association céréales et jus de fruit au petit déjeuner). La prise de thé ou de café inhibe l’absorption martiale. Les apports nutritionnels recommandés pour le fer ne sont pas atteints lors des régimes végétariens ;

  • le traitement de la cause et notamment la prise en charge d’une éventuelle hyperménorrhée fonctionnelle. En l’absence de besoin contraceptif, les progestatifs de type pregnane (Lutéran® cp à 5 mg 2 cp/j) ou norpregnane (Lutenyl® cp à 5 mg 1 cp/j) sont prescrits du 16e au 25e jour du cycle. Si une contraception est nécessaire, une pilule œstroprogestative minidosée est adaptée.

Références

Maurage C, Delhomme M, Lamisse F, et al. Nutrition de l’adolescent normal, ration de fer : statut martial actuel Arch Pediatr 1999;6(Suppl 2):152-4.

Looker AC, Dallman PR, Carroll MD, et al. Prevalence of Iron Deficiency in the United States. JAMA 1997;277:973-6.

Thibaud E, Samara-Boustani D, Duflos-Cohade C. Méno-métrorragies de l’adolescente Arch Pediatr 2008;15:584-5.

de Los Angeles L, de Tournemire R, Alvin P. Pagophagie : pica secondaire à une carence martiale chez une adolescente. Arch Pediatr 2005;12:215-7.