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Date de mise à jour 13/05/2017

Taches vasculaires du nouveau-né

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A. Maruani*, P. Machet

Service de dermatologie, unité de dermatologie pédiatrique, CHRU de Tours, université François-Rabelais de Tours, avenue de la République, 37044 Tours Cedex 9, France
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : annabel.maruani@univ-tours.fr (A. Maruani)

 

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Arbre diagnostique – Commentaires

(1) Face à un nouveau-né ayant une tache d’allure vasculaire – rosée, rouge ou violacée – il est important de ne pas porter de diagnostic hâtif et de revoir l’enfant à 15-30 jours de vie. La peau du nouveau-né étant érythrosique, un examen cutané un peu plus tardif permet de préciser le diagnostic. Ainsi, les taches ecchymotiques liées aux traumatismes de l’accouchement régressent après une quinzaine de jours ; les nævus congénitaux peuvent se présenter initialement comme des taches rosées, puis devenir bruns quelques jours/semaines plus tard ; les hémangiomes infantiles (HI) sont généralement non visibles à la naissance ou constituent de petites taches rouges/rosées, et prennent secondairement du relief et une couleur rouge luisante. Certaines lésions sont toutefois bien visibles dès la naissance, comme les hémangiomes congénitaux. Parmi eux, les NICH (Non Involutive Congenital Hemangioma) se présentent comme des taches angiomateuses, plus ou moins planes, cernées d’un halo de vasoconstriction ; ils ne nécessitent souvent pas de traitement. De même, les angiomes en touffes peuvent se présenter comme des taches plus ou moins infiltrées, de couleur marron à violacée ; ils imposent une surveillance plaquettaire régulière dans les premières semaines de vie du fait du risque de phénomène de Kasabach-Merritt.

Les trois grands groupes de lésions vasculaires néonatales sont les hémangiomes infantiles, les autres tumeurs vascularisées (qui nécessitent parfois une biopsie cutanée pour confirmation diagnostique) et les malformations vasculaires : lymphatiques (masse rénitente pour les macrokystiques, vésicules translucides ou sanguinolentes pour les microkystiques), veineuses (masses bleutées), artério-veineuses (masses battantes parfois sous un faux angiome plan).

(2) Certains angiomes plans, congénitaux ou apparaissant dans la petite enfance sont chauds, pulsatiles, voire douloureux. Il s’agit de « faux angiomes plans », partie visible d’une fistule ou d’une malformation artério-veineuse sous-jacente, qui doit être mise en évidence par imagerie (écho-doppler de dépistage, angio-IRM de confirmation). Ils peuvent alors s’intégrer à un syndrome complexe (syndromes « angiomes plans – malformations artério-veineuses », Parkes-Weber, Bonnet-Dechaume-Blanc, autre).

(3) Un HI très étendu peut être responsable d’une gêne esthétique importante, dans la petite enfance, ou ultérieurement en laissant une vaste plage séquellaire télangiectasique. Un traitement par propranolol peut limiter la prolifération de l’HI et les séquelles, et peut être proposé en cas d’HI étendu du visage, d’un membre ou de la région mammaire chez la fillette.

(4) Les formes complexes d’HI requièrent généralement un traitement par propranolol. Parmi elles, l’hémangiomatose néonatale diffuse comprend de multiples HI de moins de 5 mm de diamètre, et parfois des HI muqueux et viscéraux, en particulier hépatiques. Il convient de rechercher des HI hépatiques par échographie-Doppler, avec une mesure du débit artériel hépatique, un hyperdébit pouvant se compliquer de défaillance cardiaque. Les autres formes complexes englobent le syndrome PHACE (S) (Posterior fossa malformations, Hemangiomas, Arterial malformations, Coarctation of the aorta/Cardiac defects, Eye abnormalities, and Sternal defects), auquel il faut penser face à tout HI étendu systématisé fronto-palpébral, et demander une échocardiographie et un examen ophtalmologique, au minimum. Un HI systématisé de localisation sacrée, lombaire ou à la racine d’un membre inférieur doit faire rechercher par échographie et/ou IRM, des malformations médullaires, vésico-génitales et ano-génitales associées, car il peut être associé à un syndrome SACRAL (Spinal dysraphism, Anogenital anomalies, Cutaneous anomalies, Renal and urologic anomalies, associated with Angioma of Lumbosacral localization), PELVIS ou LUMBAR, ces trois acronymes décrivant une entité similaire.

(5) Ci-dessous, un schéma de la segmentation du visage (1 : territoire cutané de la branche ophtalmique du nerf trijumeau (V), 2 : territoire cutané de la branche maxillaire du nerf V, 3 : territoire cutané de la branche mandibulaire du nerf V, 4 : zone médiofrontale).

(6) Les angiomes plans médiofrontaux en V peuvent être familiaux, ne s’associent classiquement pas à des troubles neurologiques, et régressent partiellement ou totalement.

(7) Le propranolol doit être initié après avoir écarté les contre-indications (bradycardie, bloc auriculo-ventriculaire), à la dose de 1 à 3, plus rarement 4 mg/kg/j, en 2 prises. Il est cours d’obtention d’AMM dans cette indication. Le propranolol utilisé par voie topique est à l’étude pour certains HI superficiels.

(8) La présence d’un angiome plan systématisé du visage avec atteinte du territoire V1 impose de rechercher un syndrome de Sturge-Weber, par un examen ophtalmologique (à la recherche de glaucome par angiomatose choroïdienne surtout), et neurologique (EEG pour dépister des convulsions, qui sont précoces, et IRM cérébrale vers l’âge de 3-9 mois de vie, pour visualiser un éventuel angiome leptoméningé). Un examen ophtalmologique seul est recommandé en cas d’atteinte du V2 sans V1, des cas avec glaucome ayant été rapportés.

(9) La surveillance d’un angiome plan de membre inférieur doit se concentrer sur la recherche, clinique et par imagerie, d’un syndrome de Klippel-Trenaunay : recherche de dilatations/anomalies veineuses du membre (par écho-Doppler), et d’inégalité de longueur et/ou de largeur de membres inférieurs (mesures au mètre ruban et radiomensuration). Ces anomalies ne sont pas forcément présentes dès la naissance. Contrairement aux angiomes plans du visage, ceux des membres causent très inconstamment une gêne esthétique ; il est donc raisonnable d’attendre que l’enfant soit en âge de donner son avis pour débuter les séances de laser à colorant pulsé, évitant ainsi l’anesthésie générale.

Liens d'intérêts

Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts relatif à cet article.

Références

Frieden IJ, Reese V, Cohen D. PHACE syndrome. The association of posterior fossa brain malformations, hemangiomas, arterial anomalies, coarctation of the aorta and cardiac defects, and eye abnormalities. Arch Dermatol 1996;132:307-11.

Léauté-Labrèze C. Hémangiomes infantiles : actualités dans le traitement. Arch Pediatr 2013;20:517-22.

Maruani A, Samimi M, Lorette G. Angiomes plans de membres. Ann Dermatol Venereol 2011;138:700-5.

Sillard L, Léauté-Labrèze C, Mazereeuw-Hautier J, et al. Medial fronto-facial capillary malformations. J Pediatr 2011;158:836-41.