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Date de mise à jour 14/05/2017

Conduite à tenir devant une ataxie aiguë chez l'enfant

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S. Cabasson, J.-­M. Pédespan

Unité de neuropédiatrie, Hôpital Pellegrin-­Enfants, place Amélie ­Raba-­Léon, 33076 Bordeaux Cedex, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : jean-michel.pedespan@chu-bordeaux.fr
 
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Arbre diagnostique – Commentaires

(1) L’ataxie aiguë correspond à une perte d’équilibre. Nous n’évoquerons pas ici les causes d’ataxies chroniques ou lentement évolutives, qui doivent faire évoquer diverses maladies neurologiques (neuropathies périphériques, ataxie de Friedreich, ataxie-­télangiectasie…). Les causes les plus fréquentes sont l’intoxication médicamenteuse ou alcoolique, et les causes post-­infectieuses, mais de nombreuses étiologies peuvent être responsables d’une ataxie aiguë. La démarche clinique doit être rigoureuse mais peut permettre d’établir rapidement un diagnostic.

(2) L’ataxie cérébelleuse : on peut noter une dysmétrie, une adiadococinésie, une dyschronométrie témoignant d’une ataxie cinétique. L’ataxie statique se recherche à la manœuvre de Romberg, ou en faisant marcher l’enfant sur une ligne droite. L’ataxie cérébelleuse n’est pas modifiée par la fermeture des yeux. La dysarthrie cérébelleuse correspond à une voix scandée.

L’examen décisif est l’IRM cérébrale. Les différents diagnostics possibles sont notamment :

  • La cérébellite post-­infectieuse, notamment varicelleuse. L’EBV, les entérovirus et d’autres virus neurotropes peuvent être plus rarement à l’origine de l’ataxie. Le contexte clinique est souvent évident. On peut retrouver des lésions hyper­intenses en FLAIR et T2 sur l’IRM. L’analyse du LCR peut mettre en évidence une réaction cellulaire.

  • Les tumeurs de la fosse postérieure : 60 % des tumeurs cérébrales de l’enfant sont infratentorielles. Les médulloblastomes et astrocytomes pilocytiques représentent chacun un tiers des tumeurs de la fosse postérieure. L’urgence est la recherche de signes d’hypertension crânienne par hydrocéphalie liée à une compression de l’aqueduc du mésencéphale.

  • Les accidents vasculaires cérébrauxischémiques existent chez l’enfant. Ils peuvent être à l’origine d’un hémi-­syndrome cérébelleux. Il faut rechercher des signes de dissections vertébrales (post­traumatiques ou spontanées) ou d’anomalies du tronc basilaire sur les séquences ­d’angio-IRM. Les AVC hémorragiques donnent des tableaux plus brutaux, avec parfois signes d’hypertension intracrânienne.

  • Un premier épisode démyélinisant : encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM), ou épisode cliniquement isolé. Un contrôle de l’IRM doit être réalisé à 6 mois afin d’évaluer l’évolution vers une SEP.

(3) L’ataxie proprioceptive se manifeste par une instabilité à la position debout, majorée par la fermeture des yeux. Elle correspond à une atteinte cordonale postérieure. Le sens de position du gros orteil, l’absence de sensibilité au diapason (pallesthésie) sont à rechercher. La manœuvre de Romberg est positive à la fermeture des yeux, sans latéralisation, avec une chute retardée. En pratique pédiatrique, l’ataxie proprioceptive aiguë correspond souvent à la phase de début d’un syndrome de Guillain-­Barré. L’aréflexie ostéo-­tendineuse est l’élément clinique déterminant. L’électromyogramme et l’analyse du LCR à la recherche d’une dissociation albumino-­cytologique confirment le diagnostic.

Une atteinte cordonale postérieure peut être liée à une myélite transverse aiguë. Les réflexes ostéo-­tendineux vifs, l’abolition des réflexes cutanés abdominaux orientent vers une origine centrale. L’IRM est dans ce cas décisive.

(4) L’ataxie vestibulaire associe à une instabilité à la fermeture des yeux, un nystagmus, des vomissements, et une sensation vertigineuse. Cette dernière est difficile à recueillir à l’interrogatoire des jeunes patients. La manœuvre de Romberg est positive, avec une chute précoce à la fermeture des yeux. Dans les cas d’atteintes vestibulaires périphériques (atteinte de la VIIIe paire crânienne ou labyrinthique), le syndrome vestibulaire est dit « homogène » avec un nystagmus horizontal et chutes latéralisées du même côté. Il s’y associe fréquemment des signes cochléaires. Il faut alors rechercher un contexte traumatique (fracture du rocher), ou infectieux (otite moyenne aiguë compliquée).

Les vertiges paroxystiques béninschez l’enfant sont rares, et correspondent souvent à des équivalents migraineux chez le jeune enfant. Il existe enfin des ataxies épisodiques à rechute, qui sont des anomalies de canaux ioniques, et pour lesquelles des mutations génétiques sont décrites. Les syndromes vestibulaires centraux, par atteinte du noyau du VIII sont rares en pédiatrie, et doivent faire rechercher d’autres lésions nucléaires. Citons par exemple le syndrome de Wallenberg, par infarctus de la fossette latérale du bulbe.

(5) L’ataxie « inclassable » est relativement fréquente. La séméiologie n’est pas évocatrice des trois causes précédentes, et peut associer des troubles de la conscience, des vomissements, des troubles de l’élocution…

Il faut évoquer alors évoquer :

  • une prise médicamenteuse accidentelle ou volontaire, notamment par psychotropes (benzodiazépines, neuroleptiques…). Il faut également évoquer les sédatifs (chlorpromazine, antihistaminiques…) ainsi que les sédatifs « cachés », notamment les sirops anti-­tussifs, qui comprennent souvent des dérivés codéinés. L’intoxication alcoolique est facile à évoquer chez l’adolescent, mais également possible chez le plus jeune enfant.

  • les surdosages en anti-­épileptiques, notamment carbamazépine et phénytoïne. Les dosages sanguins établissent facilement le diagnostic.

  • l’association avec des myoclonies et des mouvements opsocloniques doit faire évoquer un syndrome opsoclonus-­myoclonus, ou syndrome de Kingsbourne. Dans la majorité des cas, il est lié à la présence d’un neuroblastome.

  • citons également l’ataxie du syndrome de Dravet, qui apparaît parfois de façon sub-­aiguë autour de 2 ans, et qui est un des éléments cliniques évolutifs importants du syndrome.

  • enfin, plus rares mais pas exceptionnelles, les décompensations de maladies métaboliques, parfois non encore diagnostiquées. Citons notamment les déficits enzymatiques du cycle de l’urée, la leucinose.

En conclusion, l’ataxie aiguë doit d’abord être abordée de façon rigoureuse au plan séméiologique. Le contexte clinique, la précision de l’interrogatoire et de l’examen neurologique permettent souvent de déterminer rapidement l’origine du trouble.

Lien d'intérêts

Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts pour cet article.
 

Références

De Bruecker Y, Claus F, Demaerel P, et al.MRI findings in acute cerebellitis. Eur Radiol 2004;14:1478-­83.

Ryan MM, Engel EC. Acute ataxia in childhood. J Child Neurol 2003;18:309-­16.