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Date de mise à jour 07/06/2022

Enfant maladroit

 

T.-N. Willig1,2, J.-C. Semet3,4, T. Maffre5,6,7

1Occitadys, 24 impasse de la Flambère, Toulouse, France
2Consultation de pédiatrie, clinique Ambroise Paré, ELSAN, et Eventail 31, Toulouse, France
3Pédiatre directeur technique, CAMSP (OPTEO), 17 avenue Tarayre, 12000 Rodez, France
4Pédiatre coordonnateur PCOTND 12
5Pédopsychiatre, praticien hospitalier (CHU de Toulouse), directeur du Centre ressources autisme Midi-Pyrénées, France
6Coordonnateur de la PCO 81, pédopsychiatre du CAMSP d’Albi (Fondation Bon Sauveur), 7 rue de Lavazière, 81000 Albi, France
7Administrateur du groupement national des CRA
*Auteur correspondant - Adresse e-mail : tn.willig1@orange.fr (T.-N. Willig).
 

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Article validé par :

AFPA (Association Française de Pédiatrie Ambulatoire)

SFNP (Société Française de Neurologie Pédiatrique)

 

Remerciements aux relecteurs :

F. Kochert (AFPA)

A. Charollais (SFNP)

Introduction

La démarche diagnostique dans les troubles praxiques de l’enfant s’est enrichie depuis la première édition du Pas à Pas sur l’enfant maladroit (2014), de la parution en 2019 de la synthèse INSERM sur le trouble développemental de la coordination (TDC), de la validation en population française du questionnaire sur les troubles praxiques, des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le parcours de santé concernant les troubles spécifiques du développement et des apprentissages (TSLA), d’une démarche PAP « Troubles de la démarche d’origine neuromusculaire chez l’enfant », et enfin de la Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement ainsi que des recommandations de la HAS sur les troubles du spectre de l’autisme de 2018 (cf. références bibliographiques).

L’enfant « maladroit » correspond en général à un enfant dont le développement moteur s’est déroulé sans alerte, et qui ne présente pas d’anomalie évidente à l’examen neurologique. Malgré cela, il apparaît en difficulté dans des activités de la vie quotidienne, avec un niveau de réalisation faible par rapport à ce que l’on attend pour son âge, ou une lenteur d’exécution, une variabilité importante dans le temps, un apprentissage laborieux.

Orientation diagnostique devant un enfant maladroit

(1) La première étape en pratique clinique repose sur une analyse détaillée de la plainte, à partir des propos de l’enfant, des parents, et des retours des autres environnements et activités de l’enfant (école, activités sportives, centre de loisirs, cahiers, dessins).

Cette plainte peut concerner des domaines très variables d’un enfant à l’autre : courir, sauter, cloche-pied (motricité globale), faire du vélo, rester en équilibre sur une jambe, marcher sur une ligne ou sur une poutre (équilibre statique ou dynamique), pour les jeux de ballon ou de raquettes (coordinations oculo-manuelles), apprendre à nager (coordination entre les membres inférieurs et supérieurs), dessiner, écrire, faire des petits bricolages (motricité fine), découper précisément, tracer au compas (précision visuomotrice). L’enfant peut également éprouver des difficultés pour le repérage dans le temps ou dans l’espace. Les difficultés peuvent résider dans les capacités de perception (perception de l’orientation de traits, de rapports de topographies), ou dans la réalisation/exécution de figures géométriques ou de construction de cubes (visuoconstruction en deux ou en trois dimensions). Ces difficultés se rencontrent dans tous les champs du quotidien (maison, école, activités sportives), avec un caractère durable mais fluctuant.

Cette analyse permet d’orienter plus finement l’examen clinique, et notamment neurologique.

(2) L’examen général est le plus souvent peu informatif, chez un enfant disposant typiquement de bonnes capacités de communication par le langage oral ou la mimique du visage, vif, dans l’interaction avec l’autre la plupart du temps. Parfois, des signes neurologiques mineurs peuvent être mis en évidence, portant sur le pianotage des doigts, le cloche-pied avant ou arrière, la marche sur la ligne : on parle alors de signes mineurs (soft signs). Pour tous les enfants, il convient de débuter par une analyse des capacités sensorielles (audition, vision) ; puis plusieurs domaines doivent être évoqués : langage oral, domaine non verbal, examen neuromoteur, aptitudes sociales, apprentissages et attention. Cette analyse détaillée permet de mieux identifier, de catégoriser les plaintes de la vie quotidienne et de dépister les comorbidités. Cette anamnèse et l’examen clinique de l’enfant font alors évoquer un trouble simple relevant d’un médecin de premier recours, ou un trouble complexe correspondant à un second recours de soins, ou à une filière de soins spécialisée.

(3) Parmi les anomalies cliniques, l’examen neurologique permet d’orienter vers une équipe de neuropédiatrie dans un contexte de syndrome pyramidal, cérébelleux, ou d’orientation vers une maladie neuromusculaire. Les signes d’appel en faveur d’un trouble des interactions sociales (difficultés dans les règles de conversation et dans la pragmatique, difficultés à ajuster le discours en fonction du contexte et début de communication, difficultés à interpréter les informations implicites) doivent faire orienter l’enfant vers une équipe spécialisée de seconde ligne pour les troubles du spectre de l’autisme, ou vers une plateforme de coordination et d’orientation (PCO). Enfin, des circonstances périnatales ou psychosociales particulières (prématurité, retard de croissance intra-utérin, alcoolisation foetale, prise de valproate notamment) doivent déclencher la mise en place d’un accompagnement préventif précoce vers un réseau de soins pour enfants vulnérables (RSEV), voire un CAMSP (centre d’action médicosociale précoce). Les centres de référence des troubles du langage et des apprentissages (CRTLA) et les centres ressources autisme (CRA) sont réservés aux situations très complexes.

(4) Pour les enfants âgés de moins de 7 ans (et extension prévue prochainement de 7 à 12 ans), la mise en place des plateformes de coordination et d’orientation des troubles du neurodéveloppement (PCOTND) donne accès à la possibilité de financement par l’Assurance maladie des bilans et rééducations nécessaires, à partir du questionnaire d’orientation accessible en ligne, à remplir manuellement ou en PDF remplissable. À 5 et 6 ans, période typique de diagnostic des troubles développementaux de la coordination (TDC), 3 réponses négatives dans 2 catégories permettent au médecin de premier recours d’orienter vers la PCO de son département (notamment sur des signes d’alerte touchant la motricité fine et la motricité globale).

(5) Un outil d’évaluation fonctionnelle permet à la famille à partir de 5 ans de donner une appréciation de la gêne motrice à partir d’un questionnaire parental : le DCD QFE 5‑15 (Developmental Coordination Disorder Questionnaire French Europe), avec un seuil d’alerte en deçà de 56 (sur 75). Il donne au médecin de premier recours la possibilité d’une prescription motivée des bilans complémentaires. Ce questionnaire est également accessible en ligne. Il est bien entendu utilisable dès 5 ans, y compris dans le circuit d’orientation spécifique des PCO.

(6) En l’absence d’autres éléments d’orientation, l’analyse de la plainte, l’examen clinique détaillé, les difficultés fonctionnelles rassemblées lors de l’interrogatoire et l’évaluation clinique simple justifient la prescription d’une évaluation normée des compétences motrices et visuo-spatiales au moyen d’un bilan en psychomotricité ou en ergothérapie. Parmi les outils d’évaluation des compétences motrices, le MABC-2 est le plus communément utilisé, disposant d’un étalonnage en population française. La recherche de comorbidités sur le langage oral, l’attention, les apprentissages (lecture, écriture, calcul) ou les relations sociales, fréquentes, sera systématique dès ce stade sous l’orientation du médecin, afin de modifier les priorités rééducatives et d’aménagements, voire justifier la demande d’une reconnaissance par la MDPH si l’enfant nécessite la mise en oeuvre de dispositifs particuliers comme une auxiliaire de vie scolaire ou un matériel pédagogique adapté.

(7) Dans ce contexte, les résultats de ces évaluations normées, chez un enfant de 5 ans ou plus, présentant une gêne fonctionnelle significative retentissant dans sa vie quotidienne, orientent en général vers un trouble développemental des coordinations (TDC), dont les signes de dyspraxie sont l’une des expressions, validant les critères de diagnostic de la DSM-5 ou de la CIM-11. La prise en charge rééducative peut alors débuter dès le diagnostic, adaptée à des objectifs concrets et prioritaires dans la vie de l’enfant (stratégie CO-OP : Cognitive Orientation to daily Occupational Performance), réalisable aussi bien par les psychomotriciens que les ergothérapeutes.

(8) Certains enfants vont avoir une gêne motrice touchant l’écriture, pouvant faire évoquer à partir des bilans et de son retentissement une dysgraphie, qui peut soit être isolée, soit s’intégrer dans un cadre plus complexe tels un trouble spécifique d’apprentissage de langage écrit, un TDC et/ou un trouble du déficit de l’attention (TDAH). La prise en charge rééducative de l’écriture est toujours accompagnée « d’outils pédagogiques facilitants » comme un guide doigt, un gros stylo ou un crayon à trois facettes, facilitant dans un premier temps la perception et la tenue du crayon. La rééducation peut se mettre en place dès la grande section de maternelle en cas de sévérité associée à un contexte plus général d’atteinte praxique, ou en CE1 si, après l’âge habituel d’accès à la lecture/écriture, la gêne motrice reste prépondérante. À partir du CM1/CM2, l’approche en rééducation se complète, voire se relaie par une approche en réadaptation qui évolue selon les exigences maturatives et les classes, avec la mise en place d’autres outils de compensation des difficultés, comme un stylo « ergonomique », un plan incliné pour écrire, un outil de numérisation des textes pour éviter les tâches de recopiage, la réduction des attentes enseignantes ou parentales de productions écrites, voire le passage à l’ordinateur.

Conclusion

L’enfant « maladroit » peut s’inscrire dans le diagnostic d’un trouble développemental de la coordination. Le médecin de premier recours peut évoquer ce diagnostic après appréciation de la gêne fonctionnelle, de son caractère durable et de sa sévérité (questionnaire parental), et évaluation des données anamnestiques témoignant du caractère développemental du trouble, en l’absence d’anomalie clinique significative ou de contexte spécifique. Le bilan psychomoteur ou en ergothérapie alors réalisé permet de conforter le diagnostic sur l’aspect moteur, d’entamer la prise en charge rééducative et de définir les aménagements scolaires, avec des financements possibles au travers de dispositifs spécifiques.

De plus, de façon générale, il faut savoir répéter les questionnaires/évaluations quand la plainte persiste ou s’aggrave, ou encore savoir interroger une structure de niveau supérieur si la rééducation s’éternise sans objectif ou réévaluations claires et normées.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Cet article fait partie du supplément Pas à Pas 2022 réalisé avec le soutien institutionnel de Procter & Gamble et Sanofi.

Références

Arnaud C, Albaret JM, Assaiante C, Gonzalez-Monge S, Huron C, Jolly C, et al. Trouble développemental de la coordination ou dyspraxie – une expertise collective de l’INSERM, Synthèse et recommandations [Internet]. Paris, France ; 2019. p. 140. Disponible sur : ww.inserm.fr/informationen-sante/expertises-collectives/trouble-developpemental-coordination-ou-dyspraxie

Ray-Kaeser S, Thommen E, Martini R, Jover M, Gurtner B, Bertrand AM. Psychometric assessment of the French European Developmental Coordination Disorder Questionnaire (DCDQ-FE). PLoS One 2019;14(5):e0217280.

Haute Autorité de Santé. Comment améliorer le parcours de santé d’un enfant avec troubles spécifiques du langage et des apprentissages ? Guide parcours de santé. Paris : Haute Autorité Santé ; 2017. p. 61.

Ministère des Solidarités et de la Santé. Stratégie nationale de santé 2018‑2022 [Internet]. 2017 [cité 27 février 2021]. p. 53. Disponible sur : solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_sns_2017_vdef.pdf

Haute Autorité de Santé. Trouble du spectre de l’autisme. Signes d’alerte, repérage, diagnostic et évaluation chez l’enfant et l’adolescent. Paris, France : Haute Autorité de Santé ; 2018. p. 45.