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Date de mise à jour 13/05/2017

Épisode délirant aigu à l'adolescence

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P. Bizouard1, F. Cosseron2

1Service de psychiatrie infanto-juvénile, Centre hospitalier universitaire Hôpital Saint-Jacques, 2, place Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex, France
2Centre hospitalier Théophile Roussel, 1 rue Philippe Mithouard, 78360 Montesson, France
* Auteur correspondant - Adresse e-mail : vfcosseron@free.fr
 

 

Arbre diagnostique – Commentaires

La survenue d’un épisode délirant aigu à l’adolescence est relativement fréquent, n’est pas toujours grave, mais pose la question du devenir, le risque évolutif étant celui d’un début de pathologie mentale : schizophrénie ou trouble bipolaire de l’humeur.

Ce délire peut être manifeste ou non dans le cadre d’un état global d’excitation ou, au contraire, de prostration, de sidération, le délire n’étant pas franchement exprimé.

La durée d’évolution de l’épisode au moment où on reçoit l’adolescent pour la première fois va être un premier facteur d’orientation.

(1) Si l’épisode a une durée brève transitoire (quelques heures), il y a lieu de le distinguer d’une variation de la normale, dans le contexte de ce qu’on a coutume d’appeler « la crise d’adolescence ». Dans ce cas, il n’y a pas lieu d’envisager d’hospitalisation immédiate, mais plutôt une surveillance dans le milieu de vie habituelle, à condition qu’il n’existe pas de signes somatiques, en particulier de la fièvre ou de désorientation temporo-spatiale, ces deux éléments associés à la durée sur plus de 24 h font envisager d’autres bilans et types d’intervention.

(2) En effet, si le trouble du comportement et le délire plus ou moins évident s’accompagnent de fièvre, un bilan infectieux et métabolique devra être fait, associé à un examen clinique neurologique complet. La recherche d’antécédents immédiats ou plus anciens de prises de toxiques ou de médicaments peut être un élément d’orientation diagnostique important à ce moment.

(3) S’il n’y a pas de fièvre, ni de désorientation temporo-­spatiale, un autre élément d’orientation sera la présence ou non d’événements environnementaux ayant pu déclencher des réactions émotionnelles vives, surtout si le sujet est particulièrement sensible et la famille peu contenante : il s’agit classiquement de réactions à des situations de séparation brutale, d’accident, de mort, d’agression, notamment sexuelle ou d’événements climatiques, de guerres, etc., tout ce qui peut provoquer un traumatisme psychique. Dans ce cas, la réaction peut être brutale, extériorisée rapidement, mais va pouvoir évoluer favorablement assez vite en quelques heures, en quelques jours, ce qui nécessite un accompagnement de l’adolescent et de sa famille par un personnel soignant expérimenté (Cellule ­d’urgence médico-psychologique, [CUMP]).

(4) En l’absence de fièvre, de désorientation temporo-spatiale et d’événements extérieurs possiblement déclenchants, on ­s’attachera à repérer le mode évolutif du trouble, qu’il soit franc ou, le plus souvent, insidieux, avec ou sans agitation.

C’est dans ces cas qu’on sera attentif à dépister les signes ­directs ou indirects (repli, inquiétude, méfiance, refus de s’alimenter, crainte d’être empoisonné, épié, surveillé, téléguidé). Des attitudes d’isolement, de fuite, d’écoute, de mains sur les oreilles ou devant les yeux peuvent faire penser à l’existence d’hallucinations acoustiques ou visuelles, voire de voix intérieures, de commentaire des actes, d’impressions d’être percé à jour.

Dans tous ces cas, on doit bien sûr s’assurer d’abord par des examens clinique et paraclinique (scanner, IRM), de l’absence d’une pathologie neurologique, traumatique, infectieuse, vasculaire, tumorale, dégénérative ou d’une pathologie toxique, métabolique.

(5) En cas d’hallucinations auditives et visuelles il faudra ­s’assurer par un bilan sensoriel qu’il n’existe pas d’atteinte des organes perceptifs.

Dans les autres cas, on s’attachera à différencier si le délire est lié à un processus interprétatif, imaginatif et quel est son thème.

On va s’efforcer d’instituer autour de l’adolescent préoccupant un cadre rassurant et contenant, parfois possible grâce à la coopération de la famille avec un maintien à domicile, mais nécessitant souvent une hospitalisation, voire même un placement à la demande des parents ou d’office si les manifestations comportementales sont particulièrement spectaculaires ou dangereuses. Il ne faut pas méconnaître surtout la possibilité de troubles de l’humeur associés soit dans le sens d’une excitation, soit dans le sens d’une dépression avec, dans ce cas, le risque de passage à l’acte suicidaire qui n’est pas exclu et qui nécessite des précautions d’une surveillance clinique dans un contexte de sécurité encore plus grande.

(6) Si les manifestations délirantes se confirment dans le temps, si elles s’organisent de manière structurée avec un thème prévalent, la grande préoccupation sera d’évaluer les risques d’évolution vers une schizophrénie (15 % des cas). L’association de troubles de l’humeur permettra de porter un pronostic différent, puisqu’il pourrait s’agir à ce moment-là d’un début de trouble bipolaire (30 % des cas) dont le pronostic à long terme est moins préoccupant que celui de schizophrénie, puisque l’humeur peut être stabilisée par des traitements thymorégulateurs. Dans ce cas, en dehors des épisodes pathologiques, le sujet peut retrouver un état d’équilibre stable d’assez bonne qualité. Il n’en est pas de même s’il s’agit d’une évolution vers un état schizophrénique structuré, persistant, se manifestant par une dissociation de la pensée par rapport aux actes et aux émotions. Souvent, à cet âge, le vécu délirant est flou, mal systématisé, polymorphe et cette évolution nécessite l’introduction d’un traitement neuroleptique antipsychotique au long cours, éventuellement par un traitement retard si le sujet ne participe pas à la prise en charge médicamenteuse, dont on doit le persuader de la nécessité.

Reste qu’un grand nombre (40 % de cas) de ces bouffées ­délirantes de l’adolescence vont évoluer favorablement sans séquelle ultérieure comme de nombreux travaux cités en ­bibliographie le démontrent.

Lien d'intérêts

Aucun

Références

Bizouard P, Nezelof S, Louis S. À propos d’idées délirantes survenant chez les enfants. Confrontations psychiatriques 2002;43:259-76.

Corcos M, Speranza M, Clervoy P, et al. Approche psychopathologique des psychoses aiguës de l’adolescent. Confrontations psychiatriques 2002;43:277-300.

Marcelli D. Bouffées délirantes aiguës à l’adolescence. Manifestations thymiques ou symptômes psychotiques ? Nervure 1997;X:N° 8.

Metzger JY, Dragoï A. Devenir des psychoses délirantes aiguës. Confrontations psychiatriques 2002;43:131-60.