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Date de mise à jour 15/05/2017

Morphine aux urgences

 

N. de Suremain*, P. Gatterre, R. Carbajal

Service des urgences pédiatriques, Hôpital Armand-Trousseau, APHP, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : nathalie.desuremain@aphp.fr (N. de Suremain).
 
 

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Arbre décisionnel – Commentaires

Les règles de prescription des morphiniques doivent toujours être respectées. Utiliser les feuilles de prescription et de surveillance spécifiques (exemple sur www.pediadol.org).

Prescription écrite avec identification et signature du médecin ; Date et heure ; Nom et poids de l’enfant ; posologie et durée en toutes lettres ; consignes de surveillance et de prise en charge en cas de surdosage.

(1) Évaluation rapide de la douleur dès l’arrivée aux urgences en utilisant une échelle adaptée à la situation et à l’âge de l’enfant : EVA verticale (/10) à partir de 6 ans ; échelle des visages (/10) à partir de 4 ans ; EVENDOL (/15) de 0 à 7 ans ; échelle numérique (/10) à partir de 8 ans ; FLACC (/10) chez l’enfant handicapé ou avec difficultés de communication.

(2) Installation confortable de l’enfant, administration du mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote (MEOPA), utilisation des méthodes de distraction, présence réconfortante des parents. Savoir si l’enfant a reçu un antalgique au préalable. Sinon, donner un antalgique de palier 1 : paracétamol 15 mg/kg et/ou ibuprofène 10 mg/kg en l’absence de contre-indication des anti-inflammatoires non stéroïdien (AINS) (âge < 3 mois, varicelle, infection sévère, risque hémorragique, déshydratation) ; +/- associé à un palier 2 : tramadol 1-2 mg/kg (autorisation de mise sur le marché [AMM] à 3 ans).

(3) L’intensité de la douleur guide la prescription. Même s’il n’existe pas de seuil parfaitement défini, la douleur intense peut être qualifiée par EVA ≥ 6 ou EVENDOL ≥ 10.

(4) Pathologies oto-rhino-laryngologie (ORL) responsables d’une douleur aiguë intense : otite hyperalgique, gingivo-stomatite vésiculeuse aiguë, torticolis fébrile, post-amygdalectomie.

(5) Morphine à libération immédiate orale (LI po) dose de 0,2 mg/kg (sans dépasser 10 mg) puis si nécessaire titration avec des doses de 0,1 mg/kg toutes les 30 minutes jusqu’au soulagement (sans dépasser 3 doses). L’efficacité de la forme LI débute en 30 minutes et dure environ 4 heures. Des doses de 0,1 mg/kg/prise sont recommandées chez les moins de 1 an.

(6) En fonction des situations adapter les moyens analgésiques complémentaires : refroidir la brûlure et couvrir d’un pansement ; immobilisation avec attelle adaptée en cas de traumatologie (bloc ilio-fascial dans la fracture du fémur) ; vessie de glace sur l’abdomen chirurgical ; réhydratation chez l’enfant drépanocytaire en crise vaso-occlusive avec réchauffement par bouillotte ; connaître et adapter le traitement de fond dans les pathologies douloureuses chroniques (soins de bouche des mucites, douleur neuropathique, anxiolytique).

(7) Titration : Le choix entre la forme orale et IV dépend des habitudes de service, de la disponibilité des médicaments et du personnel, de l’orientation de l’enfant au décours, des antécédents personnels et de l’intensité de la douleur. L’efficacité de la forme LI débute en 30 minutes ; celle de la voie IV en 5 à 10 minutes. La titration se fait sous surveillance infirmière étroite.

Morphine à libération immédiate orale (LI po) dose de charge 0,4-0,5 mg/kg (sans dépasser 20 mg) puis titration avec des doses de 0,2 mg/kg toutes les 30 minutes jusqu’au soulagement (sans dépasser 3  doses).

Morphine intraveineuse (IV) dose de charge 0,1 mg/kg en 3-5 minutes (sans dépasser 3 mg) puis titration avec bolus de 0,02 mg/kg toutes les 5-10 minutes jusqu’au soulagement (max 4 bolus).

(8) Réévaluation de la douleur et dépistage des effets secondaires (échelle de sédation, fréquence respiratoire et saturation) toutes les 30 minutes pendant 1 heure puis toutes les heures pendant 2 heures.

(9) Morphine LI po 0,2-0,3 mg/kg toutes les 4-6 heures. Adapter la dose à l’évaluation régulière de la douleur et au score de sédation.

Pour le retour au domicile prescription sur une ordonnance sécurisée, par un médecin senior (avec numéro RPPS [répertoire partagé des professionnels de santé]), expliquer aux parents la prescription à poursuivre pour une durée courte (3 à 5 jours), remettre une feuille de conseil en donnant des consignes claires et écrites de recours en cas de surdosage (exemple sur www.urgencestrousseau.fr).

(10) Morphine IV continue posologie moyenne de 1 mg/kg/j en PCA (Patient Controlled Analgesia) ou NCA (Nursing Controlled Analgesia). Utiliser les feuilles de prescription (contresignées par un senior) et de surveillance PCA (exemple sur www.pediadol.org). En pratique, montage avec valve antireflux obligatoire, débit continu de 0,02-0,04 mg/kg/h avec des bolus de 0,02–0,04 mg/kg et une période réfractaire de 6 minutes. En l’absence de débit continu, utiliser des bolus d’au moins 0,04 mg/kg. Puis dès que possible passage de la voie IV à la voie orale, en multipliant par 3-4 la quantité donnée par voie IV.

Surveillance infirmière toutes les 30 minutes pendant 1 heure à chaque changement de posologie ou de seringue puis toutes les heures pendant 2 heures. Adapter la posologie de la PCA au score de sédation pour l’obtention d’une analgésie efficace. Dépister et traiter en urgence un surdosage morphinique (ampoule de naloxone et médecin disponibles) à partir de consignes écrites : stimuler, oxygéner et naloxone 2-4 μg/kg IVL (intraveineuse lente) à renouveler jusqu’au réveil et respiration normale. Anticiper et traiter les effets indésirables de la morphine (prurit, nausées, constipation, rétention d’urine) par laxatif, antiémétique, voire naloxone en continu à faible dose : 0,2-0,4 μg/kg/h, sans arrêter la morphine.

(11) (12) Identifier les soins douloureux potentiels (réduction de fractures, ponction lombaire, myélogramme) et prévenir les douleurs provoquées en associant les analgésiques (crème anesthésiante, MEOPA, solutions sucrées, allaitement maternel) en complément des méthodes de distraction et d’hypnose.

Formes galéniques de la morphine à libération immédiate (attention de ne pas confondre) Oramorph® unidoses (10 mg/5 ml) et solution (20 mg/ml) compte-gouttes (1 goutte = 1,25 mg) ; Actiskenan® gélules ouvrables à 5, 10, 20 mg ; Sevredol® comprimés sécables à 10, 20 mg.

Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts en relation avec cet article.

Références

Fournier-Charriere E, Tourniaire B. Douleur de l’enfant : l’essentiel. Pediadol 2015.

HAS. Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l’enfant : alternative à la codéine. Janvier 2016 www.HAS-sante.fr.

Pediadol, www.pediadol.org