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Date de mise à jour 14/05/2017

Tics de l’enfant

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A. Roubertie1,2, M. Carneiro1, M. Thibault1

1Service de Neuropédiatrie, CHU Gui-de-Chauliac, 80 avenue Augustin- Fliche, 34295 Montpellier, France
2Institut des Neurosciences de Montpellier, INSERM U 1051, 80 avenue Augustin- Fliche, 34295 Montpellier, France
Auteur correspondant - Adresse e-mail : a-roubertie@chu-montpellier.fr (A. Roubertie)
 
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Arbre décisionnel - Commentaires

(1) Les tics sont des manifestations motrices intempestives brusques et rapides résultant de la contraction involontaire d’un ou plusieurs groupes musculaires. Ils sont involontaires, stéréotypés, récurrents, imprévisibles, non rythmiques, temporairement contrôlés par la volonté, exacerbés par le stress, la colère. Ils peuvent être atténués par la distraction ou la concentration, parfois précédés par une sensation prémonitoire ou un « besoin ».

Les tics sont classés en moteurs ou vocaux, simples ou complexes [1]. Les tics simples se manifestent par des mouvements ou des sons soudains, brefs, répétitifs (clignements des yeux, raclements de gorge). Les tics moteurs complexes réalisent des mouvements coordonnés, en séquence, ressemblant à des séquences motrices normales mais inappropriées par leur caractère intense et répétitif : secousse répétitive de la tête, balancement du tronc, toucher ou taper, sauter, répéter le gestuel d’autrui (échopraxie), faire des gestes obscènes (copropraxie). Les tics vocaux complexes se caractérisent par des productions sonores élaborées, mais placées dans un contexte inadapté : répétition de syllabes, atypies de langage, blocage, répétition de ses propres mots (palilalie), répétition de mots entendus (écholalie), prononciation de mots obscènes (coprolalie).

Les tics concernent 3 à 15 % de la population pédiatrique, avec une nette prédominance masculine et une histoire familiale souvent informative [2,3]. Les tics apparaissent généralement entre 4 et 8 ans ; ils sont fluctuants ou polymorphes, et évoluent favorablement en quelques semaines (tics transitoires) ou années (tics chroniques) chez la plupart des patients (Tableau 1) [1].

(2) La fréquence du syndrome de Gilles de la Tourette est bien inférieure à celle des tics communs, et concernerait 0,5 à 3 % des enfants, selon les séries. Le syndrome de Gilles de la Tourette répond à des critères de définition stricts (Tableau I) et se caractérise par une variabilité des tics concernant leur topographie, leur fréquence, leur nombre, leur complexité et leur sévérité [1]. Des troubles neuropsychologiques sont très souvent associés : troubles de l’attention chez 60 à 80 % des patients atteints d’un syndrome de Gilles de la Tourette, troubles obsessionnels compulsifs (TOCS) chez 60 % des patients, anxiété, troubles des conduites, cette comorbidité étant souvent tout aussi sévère ou invalidante que les tics [2,3].

 

Tableau I. Critères de diagnostic des maladies des tics, définis par le DSM IV

 

Tics transitoires

Tics chroniques

Maladie de Gilles de la Tourette (GDT)

1

Présence à un moment quelconque de l’évolution soit de tics moteurs soit de tics vocaux, uniques ou multiples mais pas les deux à la fois

 

Tics moteurs multiples et un ou plusieurs tics vocaux, à un moment quelconque de l’évolution de la maladie, pas nécessairement de façon simultanée.

2

Plusieurs accès au cours de la journée, presque tous les jours, pendant plus d’un mois mais moins de 12 mois consécutifs

Plusieurs accès de tics au cours de la journée, presque tous les jours ou de façon intermittente pendant plus d’une année sans intervalle libre de tics plus de 3 mois consécutifs

3

Symptômes entraînant une souffrance marquée ou une altération significative du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

4

Début avant l’âge de 18 ans.

5

Absence d’autre cause identifiable : substance (par exemple des stimulants) ou affection médicale générale (chorée de Huntington ou encéphalite virale).

 

6

Ne répond pas aux critères de tics chroniques et de GDT

Ne répond pas aux critères de GDT

 

 

(3) L’histoire familiale de tics, l’aspect polymorphe et fluctuant des tics permettra le diagnostic différentiel avec des crises épileptiques, ou les myoclonies, éventuellement facilité par un monitoring vidéo- EEG (absences avec myoclonies palpébrales, crises épileptiques focales). Le diagnostic différentiel entre stéréotypies et tics moteurs n’est pas toujours aisé. (Tableau II).

 

Tableau II. Éléments permettant le diagnostic différentiel entre tics et stéréotypies.

 

Stéréotypies

Tics

Âge de début

Début plus précoce avant 2 ans

 

Début plus tardif après 4 ans

 

Modalités évolutives

Toujours identique

Fluctuants et polymorphes

 

Topographie

Plutôt distale

Plutôt proximale (chef, épaules)

 

(4) Plus rarement, les tics s’intègrent dans une pathologie neurologique plus complexe, ils sont dits « secondaires » (tics postinfectieux, tumeur cérébrale, maladie neurodégénérative), les atypies dans leur sémiologie (âge de début < 3 ans, caractère non fluctuant, non polymorphe, aggravation très rapide, autres troubles moteurs associés) conduira à réalisation d’examens complémentaires (IRM, sérologies, analyse du LCR).

(5) Le premier élément de la prise en charge d’un enfant présentant des tics consistera à rassurer le patient et sa famille, et à informer : les mouvements sont involontaires, il ne faut pas punir l’enfant ni le pénaliser du fait des tics ; il peut être proposé aux parents de transmettre cette information auprès de l’entourage scolaire. Un soutien psychologique est souvent utile, une thérapie comportementale peut être envisagée chez les plus grands. Le recours à un traitement pharmacologique doit rester l’exception : il faut savoir ne pas traiter. Plus rarement, un traitement est nécessaire ; le choix de la substance doit être guidé par le symptôme le plus invalidant, identifié par un interrogatoire minutieux du patient et de sa famille (tics, troubles de l’attention, hyperactivité, tocs), en optant pour le traitement spécifique du symptôme prépondérant [4]. Ainsi, lorsque les tics constituent le symptôme le plus invalidant, un traitement par Clonidine est proposé en première intention ; en cas d’hyperactivité et de troubles de l’attention associée, le méthylphénydate peut être proposé ; devant des troubles des conduites, la risperidone est souvent utile, la sertraline en cas de TOCS envahissants. L’aripiprazole permet souvent des résultats intéressants dans le traitement des tics de l’enfant, cependant sa prescription avant 18 ans reste hors AMM [4].

L’évolution des tics est caractérisée par des phases d’accalmie et d’aggravation ; la sévérité des tics est généralement maximale entre 8 et 12 ans, il y a ensuite une amélioration, voire une rémission complète à l’âge adulte. Environ la moitié des patients n’a plus de tic à l’âge adulte, les co- morbidités étant alors souvent au premier plan (TOCS, troubles des conduites) [3,4].

Liens d’intérêts

Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts pour cet article.

Références

[1] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of psychiatry. Washington, DC : 4th ed. rev. ; 2000.

[2] Jancovic J. Tourette syndrome: Phenomenology and classification of tics. Neurol Clin 1997;15:267-75.

[3] Robertson MM, Eapen V, Cavanna AE. The international prevalence, epidemiology, and clinical phenomenology of Tourette syndrome: a cross- cultural perspective. J Psychosom Res. 2009;67:475-83.

[4] Singer HS. Treatment of tics and Tourette syndrome. Current Treatment Options in Neurology. Curr Treat Options Neurol 2010;12:539-61.