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Thématique:
Fièvre prolongée
V. Hentgen
Centre de Référence des Maladies Auto-Inflammatoires Rares de l’enfant (CeRéMAI), service de pédiatrie, Centre Hospitalier de Versailles, 177 rue de Versailles, 78150 Le Chesnay, France Correspondance - Adresse e-mail : vhentgen@ch-versailles.fr (V. Hentgen). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.Abréviations | |
AINS : CMV : CRP : EBV : ECBU : IDR : NFS : TEP-scan : VIH : |
Antiinflammatoires non stéroïdiens Cytomégalovirus C-réactive protéine Epstein-Baar virus Examen cytobactériologique des urines Intradermoréaction Numération formule sanguine Tomographie par Émission de Positrons Virus de l’immunodéficience humaine |
Arbre diagnostique – Commentaires
La fièvre au long cours en pédiatrie est une situation difficile et souvent un problème épineux pour le médecin en charge de l’enfant. En règle générale, le rythme des explorations devrait être guidé par la sévérité de la maladie et non par l’angoisse de la famille ou du personnel soignant.
Il est par ailleurs utile de se rappeler que les manifestations inhabituelles de maladies courantes sont bien plus fréquentes que ne le sont les maladies rares. Enfin, des indices sur le diagnostic sont souvent présents dans l’histoire et l’examen clinique, mais ne sont pas pris en compte ou incompris (peut-être en raison de contraintes de temps ?). Par conséquent, la rigueur et la répétition sont d’une importance vitale.
(1) Chez l’adulte, la fièvre prolongée est définie par une fièvre quotidienne supérieure à 38.3 °C pendant une durée d’au moins 3 semaines sans que des explorations simples n’aient pu faire poser un diagnostic. Il n’y a pas de définition pédiatrique pour la fièvre au long cours, ce qui fait que dans les publications pédiatriques la définition adulte prévaut. Néanmoins en pédiatrie les explorations spécifiques doivent débuter dès que la durée de la fièvre dépasse la durée attendue de l’évolution d’une infection virale ou bactérienne classique (par exemple 10 jours pour une infection virale respiratoire haute, 3 semaines pour une mononucléose infectieuse, etc.), ce qui explique le délai variable de 15 à 21 jours pour pouvoir parler de fièvre prolongée chez l’enfant.
(2) Pour une approche méthodique, les fièvres prolongées sont classées en fièvre au long cours classique, nosocomiale et associée à un déficit immunitaire. Les deux dernières catégories doivent avoir un raisonnement spécifique et ne seront pas traités dans cet article. Un enfant doit être considéré comme immunodéprimé s’il a un (e) :
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Déficit immunitaire connu ;
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Traitement immunosuppresseur ;
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Neutropénie < 500 pnn pendant plus d’une semaine avant le début de la fièvre ;
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Infection par le vih ;
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Corticothérapie prolongée (> 0,15 mg/kg/j) pendant plus de 2 semaines dans les 3 mois précédant le début de la fièvre.
(3) Il n’existe pas de définition précise universellement admise de la mesure de la température, notamment en raison des différences culturelles à cet égard à travers le monde. La mesure de la température corporelle centrale se fait idéalement avec un thermomètre électronique soit en rectal (utilisé préférentiellement en France), soit en sublingual en rajoutant 0,5 °C à la température observée (méthode la plus répandue dans les pays anglo-saxons). La prise de la température axillaire avec un thermomètre électronique est moins précise, mais peut constituer une méthode alternative intéressante sous condition de rajouter systématiquement 0,8 °C à la température mesurée (définition OMS). Les autres moyens de mesure (tympanique, frontal, etc) sont trop aléatoires pour pouvoir être recommandés dans le diagnostic d’une fièvre prolongée.
(4) La majorité des fièvres au long cours est accompagnée de signes cliniques ou d’anamnèse qui permettent d’orienter l’enquête étiologique. Ces signes sont parfois discrets ce qui explique que la répétition des examens cliniques et des interrogatoires est fondamentale. Changer d’examinateur favorise un nouveau regard sur l’enfant et augmente les chances de retrouver des indices permettant d’orienter le diagnostic. Une hospitalisation est donc le plus souvent nécessaire dans la gestion d’une fièvre prolongée chez l’enfant.
(5) La fièvre médicamenteuse se caractérise par une association temporelle entre la survenue du pic de fièvre et de la prise médicamenteuse. Médicaments potentiellement en cause (liste non exhaustive) :
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Antibiotiques et antiinfectieux systémiques ;
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Anticonvulsivants ;
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Antiinflammatoires non stéroïdiens ;
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Neuroleptiques ;
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Vasodilatateurs et anti arythmiques ;
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Antihistaminiques anti h1 et h2 ;
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Antileukotriènes ;
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Certains médicaments de la phytothérapie.
(6) Étape la plus importante dans l’enquête étiologique d’une fièvre prolongée, il est néanmoins difficile d’être exhaustif :
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50 % des fièvres au long cours ont une origine infectieuse : les indices de l’interrogatoire (voyage, habitudes alimentaires, animaux domestiques, habitudes de vie et autres facteurs de risque) et de l’examen clinique orientent les demandes de sérologies/PCR spécifiques virales bactériennes (inclusivement spirochètes et rickettsies), fongiques et parasitaires
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si céphalées ou autres signes neurologiques : scanner cérébral et ponction lombaire.
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si douleur inexpliquée ou boiterie : scintigraphie osseuse
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si signes digestifs et/ou anomalie de la courbe de croissance : calprotectine fécale, échographie du tube digestif, ASCA ANCA, fibroscopie digestive à la recherche d’une maladie inflammatoire du tube digestif
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si adénopathies superficielles ou anomalies cutanées : ponction/biopsie
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bilan thyroïdien
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...
(7) Le bilan inflammatoire comporte les examens à la recherche de maladies auto-immunes ou autoinflammatoires
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Électrophorèse des protéines plasmatiques et dosage pondéral des immunoglobulines
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Facteurs antinucléaires
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Anticorps anti adn et anca, asca
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Complément c3 et c4
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Enzyme de conversion de l’angiotensine
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Examens à la recherche d’un syndrome d’activation macro phagique : ferritine, fibrinogène, triglycérides, lactate déshydrogénase
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Bilan ophtalmologique
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Recherche d’une protéinurie
(8) Le TEP scan est un examen encore peu usité en pédiatrie, en raison en partie de sa difficulté d’interprétation pour des organismes en croissance. Pour des équipes habituées à la pédiatrie, cette technique serait néanmoins supérieure à d’autres examens d’imagerie pour dépister des foyers infectieux profonds et/ou un processus tumoral (selon les séries 10 à 20 % des fièvres prolongées chez l’enfant). A défaut d’équipes spécialisées en pédiatrie, l’imagerie par résonnance magnétique corps entier peut remplacer cet examen.
(9) Lorsque toutes les investigations n’ont pas permis de poser un diagnostic, la poursuite des explorations doit être effectuée uniquement si de nouveaux indices orientant le diagnostic sont identifiés par l’anamnèse et l’examen clinique répétés. Si le patient est stable il faut organiser un suivi clinique sous couvert éventuel d’un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens. Selon les séries entre 10 et 30 % des enfants guérissent spontanément de la fièvre prolongée sans qu’un diagnostic n’ait pu être posé. (10) Quand aucune cause pour la fièvre n’est retrouvé et le patient se détériore malgré une enquête approfondie, un traitement d’épreuve peut être proposé. Les corticostéroïdes sont une option, mais ils ne devraient pas être prescrits trop tôt, car ils peuvent masquer des indices diagnostiques importants et ainsi retarder le diagnostic et le traitement spécifique ciblé. Dans d’exceptionnels cas chez des patients suspects de maladie autoinflammatoire comme l’arthrite juvénile idiopathique systémique des traitements d’épreuve plus spécifiques (par exemple biothérapies) peuvent être utilisés, mais ils doivent être vite reconsidérés en cas de non réponse rapide.
Références
Rigante D, Esposito S. A roadmap for fever of unknown origin in children. Int J Immunopathol Pharmacol 2013;26:315-26.
McCarthy P. Fever without apparent source on clinical examination. Curr Opin Pediatr 2005;17:93-110.
Seashore CJ, Lohr JA. Fever of unknown origin in children. Pediatr Ann 2011;40:26-30.
Marshall GS. Prolonged and recurrent fevers in children. J Infect 2014;68(Suppl 1):S83-93.